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Frankenstein
MARY SHELLEY de Haifaa AL-MANSOUR – IRLANDE, ROYAUME UNI, LUXEMBOURG, USA/2018/Couleur/ 120 mn
Mary (Elle FANNING) est une douce rêveuse. Quand elle n’aide pas son père dans sa librairie, elle s’installe non loin de la tombe de sa mère au cimetière où celle-ci est enterrée, pour s’abandonner dans la lecture. La présence de sa mère, célèbre philosophe féministe qui révolutionna son temps, qu’elle n’aura connu que dix jours après sa naissance et le passé d’un père dont l’œuvre écrite remplit encore les rayons de sa propre librairie, inspirent autant qu’ils pèsent sur ses frêles épaules, mais cette atmosphère morbide et gothique imprègne aussi sa sensibilité et l’enveloppe dans ses ailes délicates.
A peine 16 ans et déjà, un cœur qui bat comme un volcan d’un amour fou pour ce jeune poète promis à tant d’avenir, Percy Bysshe Shelley (Douglas BOOTH), dont la vision et la sensibilité politique s’inspirent beaucoup de l’œuvre du père de Mary, William Godwin. Mais ce dernier connait bien la réputation de ce jeune homme déjà marié et souhaite en préserver sa fille, combien même si les écrits et les convictions de sa défunte femme Mary Wollstonecraft, inspirent aussi ce jeune notable convaincu de l’amour libre, ne pouvant considérer la vie que passionnée et sans contrainte.

Mais à 16 ans, on aime sans raison : Mary fuit la librairie paternelle et le foyer familiale recomposé, loin de cette belle mère toujours prête à la contredire ou la punir devant son père affaibli par les sentiments, qui, après avoir fait l’expérience de la perte d’un être cher, esquive toute tension au point de faire le choix de ne rien voir.
Dans sa fugue, la passion s’étiole peu à peu face à la réalité des contraintes de l’amour libre, de la misère – la famille de Percy Bysshe Shelley se refusant de financer ses caprices, inquiets autant par les mœurs que par ses convictions politiques – et de la perte tragique de leur premier nouveau-né.
Le couple en crise, est invité à Genève, sur les bords du lac Léman, dans la demeure de Lord Byron, amant de sa belle-sœur, Claire Claremont. Malgré le cadre idyllique, Mary s’enlise de plus en plus dans sa dépression, où les jours se succèdent, sous l’ombre étouffante de ce brillant – et non moins diabolique – Lord Byron qui aime se jouer des limites et des passions de ceux qui l’entourent, tandis que Percy, lui, fait le choix de se noyer dans l’alcool et l’autodestruction ; Claire, quant à elle, se consume d’amour pour ce monstre génial et égoïste au pied bot. Jusqu’à un soir d’orage où, inspirée par leur lecture d’histoire de fantôme, le maître des lieux, propose à ses invités (auquel s’est ajouté le jeune médecin John William Polidori) un concours où chacun écrirait une histoire fantastique.
Après une nuit hantée par un cauchemar, Mary se réveille avec le projet d’une œuvre qui ne devait être alors qu’une simple nouvelle, et qui deviendra, au fil de son travail inspiré par son talent, lui-même affuté par son expérience personnelle, le roman à succès que l’on connaît : Frankenstein ou le Prométhée moderne, œuvre qui posera les bases d’un genre à lui seul.
Elle n’avait alors que 18 ans.

Haifaa AL-MANSOUR ne se serait pas sentie à l’aise à l’idée de tourner un film d’époque – du fait, notamment, de sa culture étrangère et de cette période de l’histoire occidentale. Pourtant, à la lecture du scénario, elle découvre une âme sœur. Dans ce parcours de jeune femme en lutte contre la dominance masculine, qui subira autant l’abandon que la trahison, et cette douleur que nul homme ne serait connaître, le deuil de ses propres enfants, cette jeune réalisatrice saoudienne qui n’avait fait jusqu’à présent qu’un film remarqué, WADJDA en 2012, trouve un écho. Mary Shelley : créatrice d’un mythe moderne préfigurant les dérives de la Science. Car bien que cet art se base exclusivement sur la rationalité, il est capable d’inspirer l’illusion folle que, par sa maîtrise, il serait possible de se prendre pour Dieu, voire de le dépasser. Elle FANNING, beauté diaphane, honore à travers son jeu, la mémoire de cette Mary Shelley qui aurait pu s’éteindre sous le poids de ses origines, et de l’indélicatesse de ces hommes toujours réticents à reconnaître le génie chez le sexe opposé.
Un bel hommage qui sait mettre la créature à l’ombre, où seul compte la genèse d’une œuvre mondialement connue.

On s’y retrouve aussi, dans cette femme ballotée par le torrent tumultueux de la vie, à une époque où tout semble possible, même de faire tomber le divin de son trône sacré. Les idéologies bouillonnent, rentrent en effervescence, les avancées scientifiques brisent le mur séparant le savoir de la magie : les forces invisibles portent le nom de magnétisme ou d’électricité. Mary Shelley observe son temps, s’en imprègne sans se rendre compte que ses découvertes font naître en elle un enfant immortel. La création ne peut-elle se faire que dans la douleur ? Peut-on imaginer qu’une œuvre emblématique de son temps, universelle, soit crée sans souffrance, ni désespoir ?
Certains vous l’affirmeront et pourtant, sans être capable de vous citer le moindre titre…
Mary a souffert avant même de tremper sa plume pour écrire les premiers mots de son Frankenstein, comme elle souffrira bien après. Dépossédée de son œuvre – car comment une si jeune femme peut-elle écrire pareille atrocité (ou plutôt pareille vérité) ? – ce n’est que quelques années plus tard, que son nom, peu à peu, trouvera la bonne place sur la couverture. Quelle émotion alors de voir un père qui, discrètement, félicite sa fille sur cette œuvre qui marquera son temps, présent et futur.
Mary SHELLEY est un beau portrait d’une auteure qui, née sous l’ombre de ses géniteurs, mourut sous celle de sa terrifiante créature, et un hommage à ces génies oubliés.
Peut-être même que, certains d’entre vous verseront une larme sur son tragique destin.
FRANKENSTEIN de James WHALE – USA/1931/N&B/ 71 mn
Un homme aux allures de lugubre majordome surgit entre deux rideaux de velours et nous prévient que le film que nous nous apprêtons à voir est capable de nous bouleverser à tout jamais, tant nous prenons le risque d’être happé dans l’effroi par des mains visqueuses et froides surgissant du tréfond de nos nuits. Ce qui pourrait être perçu comme arrogant, s’avèrera comme un message des plus prophétiques : en effet, ce Frankenstein marquera à jamais l’inconscient collectif et peut se targuer d’être l’une des premières créatures qui alimentera cet océan sans fond, que l’on nomme « pop culture ».

Le générique débute et une petite éraflure déjà tape à l’œil : bien que le contexte l’exige sûrement, Mary SHELLEY, créatrice de cette œuvre mythique est présentée comme Mrs Piercy B SHELLEY : vous avez beau être artiste, nous sommes encore à cette époque où femme en tant que telle, vous n’en restez pas moins épouse de…
Autre détail étrange, Victor s’appelle Henry alors que l’on a l’impression pourtant que l’histoire se passe en Allemagne : ne voulait-on pas trop froisser des cousins germains en pleine crise politique ? La dérive scientifique sera visionnaire quand l’horreur de la guerre fera tomber son triste bilan…
Pourtant, l’œuvre regroupe des artistes qui marqueront chacun leur temps : Carl LAEMMEL Jr, 23 ans, producteur de cette œuvre cinématographique mêlant horreur et détresse ; James WHALE, réalisateur emblématique qui s’extirpa de la misère anglaise pour trouver les plateaux d’Hollywood et qui assumera son homosexualité ; Jack PIERCE maquilleur qui immortalisera ce cauchemar si peu détaillé dans l’œuvre de Marie SHELLEY et si souvent répété par la suite, mais jamais égalé ; Boris KARLOFF, l’homme qui donna vie aux professeurs déviants, aux savants fous et aux créatures que la solitude rend monstrueuse : des noms comme des étoiles dans le firmament de l’histoire de cinéma.

L’histoire, adaptation libre du roman en pièce écrite par Peggy WEBLING qui fit ses preuves sur les planches, essore un peu l’intrigue du livre : ici nulle poursuite jusqu’au Pôle Nord, non, nous nous contentons du cadre d’un village de montagne, dans une région que l’on imagine pas très loin de l’Allemagne. Là, un jeune scientifique se promet de créer la vie. Sachant récupérer l’énergie nécessaire pour insuffler celle-ci dans un cœur et autres organes morts, il lui faut trouver des restes humains. Pour cela, son aide de laboratoire, Fritz, le bossu, doit lui trouver des membres qui composeront le corps parfait. Et pour que cette créature soit à l’image de Dieu, le professeur doit avoir le cerveau d’un homme parfait. Mais hélas son assistant, dans la panique d’une nuit sans lune, subtilisera le cerveau d’un criminel.
Dès le premier soubresaut de vie qui anime ce corps froid, par cette nuit d’orage, sous les cris hystériques de son créateur s’ébaudissant qu’il ait pu créer la vie, un lien se tisse entre le spectateur – et les générations qui lui succéderont – et la créature. Une créature aux visage figé, les paupières à demi closes, le front proéminent au sommet cousu d’agrafes. Des vêtements courts couvrant des membres rigides, mais un cœur qui bat, pétri de chagrin et de détresse, conscient qu’il n’est l’œuvre que d’un esprit malade, narcissique, ne voyant en lui, malgré la concrétisation de ses rêves les plus fous, qu’un être mi vivant, mi mort, sans conscience, une machine de chaire morte. Pourtant, cette créature ne rêve que d’amour, tout comme les hommes qui l’ont conçu. Et c’est sa rage d’amour qui le poussera au drame, jusqu’à voler la vie d’une enfant innocente qui pourtant, avait vu en lui bien au-delà de la monstruosité, accident mortel qui provoquera la vindicte populaire.

Bien que seconde œuvre des films d’épouvante d’Universal, DRACULA l’ayant précédé de peu, FRANKENSTEIN baigne dans une sorte de romantisme gothique flirtant bon avec l’expressionisme allemand. Les effets spéciaux sont si saisissants que l’on oublie leurs présences, tandis que la créature est bien plus qu’un maquillage mythique. Elle est aussi cette interprétation touchante de Boris KARLOFF qui sait trouver le juste équilibre entre la rage folle et meurtrière et l’innocence de l’enfant (re)découvrant le monde, tel un bébé cruel qui casserait ce qu’il ne peut conserver. Sa fin n’en sera que plus triste, acculée par la population, chassée pour sa différence et le crime d’avoir touché à l’innocence pure (liberté que nous perdrons pendant longtemps, tant la représentation de l’enfant est devenue trop sacrée à Hollywood).
Bien que visionnaire à sa manière – mais l’œuvre littéraire l’était déjà – FRANKENSTEIN préfigure les dérives de la science des années à venir, tout en tirant sa source des traumatismes de ses créateurs (certainement de James WHALES) ayant connu les tranchées de la Première Guerre Mondiale, où la science, déjà, avait aussi bien balafré son temps.
FRANKENSTEIN tout comme l’œuvre qui s’en inspire, établi les premiers code de l’horreur. En devenant le succès de son temps au box-office, il prouve aux producteurs que l’horreur et son pouvoir cathartique sur les masses peut rapporter gros. Plus encore quand celui-ci est aussi bien accueilli par la critique…
THE BRIDE OF FRANKENSTEIN (LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN) de James WHALE – USA/1935/N&B/ 72 mn
Un soir d’orage. Autre temps, autre mœurs. Lord Byron s’adresse à ses convives, Percy Bysshe Shelley et sa jeune épouse, Mary. Le Lord félicite Mary pour la qualité de son œuvre et l’encourage à raconter la suite. La foudre tombe non loin du domaine. On imagine une nature baignée dans la nuit, tourmentée par la furie des cieux. Mary ne peut laisser paraître une sorte de fierté, fait durer ce silence où toutes les attentions se portent sur ces lèvres délicates, puis sa voix cristalline raconte… que la créature, plus blessée dans son âme que dans sa chair, a survécu à l’incendie du moulin, sème à nouveau la terreur tout autour de lui, et bien qu’il fût un moment attrapé par les villageois, s’enfuit une nouvelle fois pour tomber chez un vieil aveugle. L’effroi qui trahit si souvent le regard qui se pose sur ce corps impressionnant et ce visage aux traits affûté, les yeux à demi clos, et le front proéminent, ne choque pas cet homme qui de toute manière, ne perçoit plus la beauté du monde depuis bien longtemps. Le vieil aveugle s’attache à cet inconnu qui ne sait à peine parler, et qui dans un simple mot exprime toute la solitude du monde. Il lui fait découvrir la musique, le tabac, l’amitié, jusqu’à ce qu’un homme du village, à nouveau, ne découvre la créature et le chasse. Ainsi serait-elle donc sa vie, une éternelle fuite ? Pourquoi n’aurait-il pas droit à cet amour qui anime ce monde, qui fait battre ou briser les cœurs ? Un cœur, n’en est-il pas pourvu ? Cela ne suffit-il pas pour aimer ? Entre temps Henry Frankenstein est approché par un sombre professeur excentrique, Docteur Prétorius qui reconnait dans les recherches abandonnées de ce jeune professeur, la même ambition, celle d’approcher le pouvoir Divin et de souffler sur la matière morte ou inanimée, la vie.

Et si, pour compléter l’œuvre de ce jeune professeur, ils s’associaient afin d’offrir à cette créature solitaire, une femme ? Dieu n’y a-t-il pas cédé lui-même en offrant à Adam, Eve ? Le jeune professeur s’y refuse, traumatisé par l’horreur qu’il a fait naître et les morts qu’il a semées. Mais Prétorius ne veut pas abandonner ce projet, il lui suffit de retrouver la créature qui se réfugie dans un cimetière, parmi les caveaux, à qui il promet l’amour à la condition qu’il enlève Elizabeth Frankenstein pour faire pression sur le jeune professeur.
Que peut un cœur solitaire en quête d’un amour impossible, quand un Méphistophélès offre la possibilité de concrétiser son vœu le plus cher ?
Pourquoi cette œuvre marquera à ce point l’Histoire du cinéma ? Une suite pourtant aux motivations mercantiles, regroupant la plupart du casting d’origine… Cette fois-ci, on honore la créatrice, comme si James WHALE à travers le sulfureux Lord Byron, souhaitait rendre à Cléopâtre ce qui avait été interdit lors du premier volet. Non seulement Mary n’est plus dénommée Mrs Percy B SHELLEY, mais elle gagne aussi un visage sous les traits d’Elsa LANCHESTER qui donne aussi la silhouette et ce côté oiseau lugubre qui n’aurait connu la vie qu’en captivité et se retrouverait subitement en liberté : cette fameuse fiancée dont le film tire son titre. Car cette dernière aussi, aura fait chemin arrière, passant le seuil du monde des morts à celui des vivants, sous une nuit d’orage. Mais à peine respire-t-elle à nouveau, et fait-elle ses premiers pas, qu’un cri glace à jamais le cœur des spectateurs – et ce, des générations durant – : le cri de l’épouvante quand le regard de l’être aimé se pose sur celui qui aime, et que le premier ne peut contenir tout le dégoût, l’horreur, que ces traits pourtant adoucis par l’amour lui inspirent.
Peut-être est-ce cette simple scène qui justifie la popularité de ce THE BRIDE OF FRANKENSTEIN, qui part son titre crée une symétrie (parle-t-on de la fiancée du jeune professeur ou de la créature ?). Mais creusons un peu plus loin, permettons-nous de tirer un peu plus les cheveux et de creuser cette hypothèse. La Fiancée est interprétée par Elsa LANCHESTER, celle-là même qui interprète Mary Shelley de l’introduction, la « mère », donc, de cette œuvre et, plus encore, de cette créature mythique… Ne serait-ce donc pas là, la source de la puissance de ce cri : le cri du rejet d’une mère vis-à-vis de sa propre progéniture, la peur universelle qui sommeille en chacun de nous, depuis que nous même, dans notre première bouffée d’air, lâchons notre premier cri ?

James WHALE va plus loin dans l’épouvante en effleurant une corde bien plus intime : la peur du rejet de l’autre. Peut-être l’a-t-il souvent connu lui-même, homosexuel assumé qui a peut-être ressenti une attirance qui lui a été trop souvent défendue ; peut-être l’a-t-il aussi subi d’un père ouvrier anglais certainement inquiet de l’extra sensibilité de son fils. Boris KARLOFF doit beaucoup aussi à ce succès, n’a-t-il pas rendu le plus humain possible le monstrueux, n’a-t-il pas montré que le beau pouvait être cruel, et le monstrueux, majestueux. Et que dire de cette scène touchante où la créature savoure les délices d’une amitié, où il découvre la danse, la joie, la musique, auprès d'un homme qui ne le rejette pas, dévoilant là toute l’innocence de cette créature à l'esprit d’enfant qui (re)découvre le monde ? Si ce n'est qu'on ne peut douter que ce cœur, dans cette carcasse de morceaux de macchabée, est tout aussi bon que celui-ci d'un vivant ?
THE BRIDE OF FRANKENSTEIN est un hymne à celles et ceux qui on subit ou craigne le rejet, et cette peur résonne en chacun d’entre nous.
Plus que le pemier volet, THE BRIDE OF FRANKENSTEIN sera revisité, nourrissant un pan entier du cinéma fantastique, inspirant les plus grands (Tim BURTON en tête). Plagié, recontextualisé, ce cri n’en restera pas moins, dans notre imaginaire, un son qui parcourra les générations de spectateurs aussi longtemps qu'existera le cinéma.
GODS AND MONSTERS (NI DIEUX NI DEMONS) de Bill CONDON – USA/1999/Couleur/ 105 mn
Lorsqu’on a connu la gloire et que l’on a sombré depuis dans l’oubli, un rien suffit pour raviver en vous cette flamme qui vous transportait, un peu comme un ancien alcoolique ou fumeur qui sentirait le parfum de son ancien vice. Une interview, une simple rencontre et la mémoire ouvre ses portes grinçantes pour vous noyer sous les souvenirs, les réminiscences… Toutes ses perceptions marquantes d’un point de vue subjectif que le temps altère, entremêle, affine, et qui tiraille la conscience, ravive des bonheurs ou des chagrins depuis longtemps enterrés.
1957, dans une banlieue de Californie, le soleil enrobe le monde tandis que dans l’ombre d’une maison, James Whale (Ian McKELLEN), vieille gloire du cinéma d’horreur mis au ban de la société pour – très certainement – son homosexualité assumée, attend cette mort qui tarde à frapper à sa porte. Parfois, il sent sa présence : dans un moment d’extrême solitude, entouré des vestiges de son ancienne vie, là dans sa villa, elle l’effleure de son doigt glacé avec son sourire macabre, derrière lui, comme pour lui rappeler que même si son temps est compté, c’est à elle de décider s’il doit rejoindre le royaume des morts, et non lui.

Et puis, il suffit d’une rencontre, fruit sucré du hasard, de ces petits cadeaux de vie qui font oublier la banalité du quotidien en vous arrachant de vos mauvaises habitudes. Pour James Whale, qui vit seul chez lui avec sa gouvernante hongroise Hanna, c’est lors d’une journée ensoleillée qu’il surprend ce jeune homme au physique d’Apollon, suant dans son jardin en taillant la pelouse. Un homme à la beauté parfaite, de cet attrait qui dégage une énergie presque animale, qui ravive des émois depuis longtemps couverts de poussière et redonne une vigueur à ce corps vieillissant croulant sous des délices passés et oubliés.
Ce jeune homme, ancien soldat de la marine, qui accumule plus de valises dans sa tête que dans sa caravane, vit au jour le jour de petits boulots, sûrement pour oublier ce qu’il a laissé sur les champs de bataille, d’où il entend encore agonir ses camarades dans ses nuits de solitude. Quelle surprise alors pour lui, de sentir susciter l’intérêt chez cet homme cultivé, brillant, charismatique, excentrique, cette ancienne gloire d’un Âge d’Or d’un cinéma qui murmure encore sa gloire passée dans l’esprit de ses contemporains : à la télévision, notamment, qui hante de plus en plus les salons et diffuse ad nauseam les œuvres du passé pour remplir les heures de programme.
Une relation étrange s’établi entre les deux hommes, ambigüe, variant entre attraction et répulsion. Clayton Boone (Brendan FRASER) ne peut contenir sa fascination pour cet homme capable de peindre des œuvres dont il ne suspectait même pas l’existence, réalisateur fameux de FRANKENSTEIN et de sa suite, THE BRIDE OF FRANKENSTEIN. Comment lui, homme de rien, peut-il suscité un tel intérêt chez pareille personnalité ? Clay Boone et James Whale, malgré l’écart social et d’âge qui les séparent, sont-ils si éloignés que cela ? James Whale se confie, s’ouvre à cette brute vulnérable, lui rappelant ce monstre hideux qui fit sa gloire, gauche, naïf. Telle la créature, Clay couve en lui une force brute, capable d’offrir ce que recherche ce vieux filou de Whale : l’ultime étreinte bestiale avec un être pervertie à ses besoins. Ou pire encore, la fureur d’un homme qui a déjà tué au combat et dont il ne faudrait pas grand-chose pour passer à l’acte. Ce jeune homme ne connait-il pas déjà le goût du sang, n’a-t-il pas déjà tué de ses propres mains ? Et puis, l’acte sexuel et l’acte de tuer, pulsions primordiales, l’Eros et Thanatos, ne seraient-ils pas à ce point liés que certains imaginent comme deux faces d’une même pièce. L’esprit espiègle et obsédé de James Whale, le pense très certainement, et parait bien prêt à laisser son destin au tirage au sort : qu’il lance cette pièce, et quelle que soit la face qui y verra le ciel, pour sûr, il sera gagnant.

Bill CONDON un peu trop associé à l’univers de la saga TWILIGHT, est surtout un proche de Clive BARKER pour qui il a réalisé CANDYMAN : FAREWELL TO THE FLESH (CANDYMAN 2). Clive BARKER, est auteur de roman d’épouvante et a toujours assumé son homosexualité au point qu’elle imprègne son œuvre (CABAL, HELLRAISER, BOOK OF BLOOD), et ne pouvait qu’être attaché à ce projet, tout comme Ian McKELLEN, tout aussi militant à la cause LGBT. GODS AND MONSTERS qui tire son titre d’une réplique du personnage de Pretorius dans THE BRIDE OF FRANKENSTEIN, est un film engagé, sans que celui-ci ne cède aux tentations du communautarisme. A travers James Whales magnifiquement interprété par Ian McKELLEN, qui d’ailleurs sera nominé à l’oscar du meilleur acteur pour ce rôle, c’est la complexité d’un amour que l’on oblige à vivre caché qui s’illustre devant les yeux du spectateur, qui, bien qu’elle nourrît la créativité, intensifie la dualité d’une sexualité pouvant tout autant transporter l’esprit et le corps que mener au mal être et à la mort.
A travers GODS AND MONSTERS, on découvre des strates insoupçonnées dans les fondements d’œuvres comme les deux FRANKENSTEIN. Ce jardinier, extirpé de l’anonymat et d’un passé traumatique qui pourrait être une allégorie de la Mort évoque d’ailleurs cette créature, tout comme le réalisateur, le scientifique fou. Comme les protagonistes des films, ils sont liés par une attirance/haine, et l’un d’eux subira le rejet qui inspira le fameux cri de la Fiancée revenue des morts de THE BRIDE OF FRANKENSTEIN, confirmant l’idée qu’une œuvre n’est jamais une création ex nihilo, mais le fruit d’une maturation inconsciente, de sédiments de vie, d’émotion, de bonheurs et de malheur, que l’esprit inspiré par le talent, façonne.
GODS AND MONSTERS reste le bel hommage d'un réalisateur oublié au détriment de ses œuvres, fait par les représentants d’une communauté qui n’a jamais cessé de se battre pour obtenir ses droits... et qui commence enfin à gagner sa cause...
THE CURSE OF FRANKENSTEIN (FRANKENSTEIN S’EST ECHAPPE) de Terence FISHER – ROYAUME UNI/1957/Couleur/ 82 mn
1957, pendant que James WHALES croisait le chemin d’un jardinier qui l’accompagnera vers son triste destin, une firme anglaise, la HAMMER, décide de se lancer dans la production de film d’horreur. Pourtant, cette firme ne date pas d’hier puisqu’elle produit ces premiers films en 1934, mais comme toutes entreprises, elle doit s’adapter avec son temps.
A ses commencements, elle ne produit que quelques comédies. La Seconde Guerre Mondiale mettant en veille leur activité, Antony HINDS et James CARRERAS relancent l’entreprise dans la production de thrillers et films de science-fiction, jusqu’à ce que l’idée traverse ses dirigeants de s’essayer dans la production de film d’horreur. Et pourquoi pas une nouvelle adaptation de Frankenstein ? Après tout, le texte original est dans le domaine public : pourquoi la HAMMER ne ferait-elle pas SON adaptation des figures du fantastiques comme l’UNIVERSAL en son temps ? Oui pourquoi pas… Mais encore faut-il y ajouter ce petit plus qui justifierai ce choix, et se démarquer des œuvres fondatrices qu’il va falloir dépasser pour attirer le public… La couleur apportera déjà ce petit plus : après tout qui ne rêve pas de voir enfin cette créature sous sa vraie couleur ? SON OF FRANKENSTEIN de Rowland V. LEE n’avait-il pas été lui-même envisagé en Technicolor en 1939, avant que la production abandonne cette idée tant le maquillage de Boris KARLOFF ne rendait pas en couleur ? Les mœurs ont aussi changé depuis les productions de l’UNIVERSAL. Le rapport à la violence et la sexualité n’est-il plus… libérale ? Mais qui pour mener à bien cette audacieuse entreprise ? Pourquoi pas ce fidèle Terence FISHER ayant prouvé maintes fois son expérience dans le domaine de la mise en scène ? Terence FISHER aura l’idée de génie de ne pas se concentrer seulement sur l’interprétation de la créature, mais sur le savant. Quelle idée merveilleuse de réunir une nouvelle fois ces deux acteurs qui, à eux seuls, représentent les figures mythologiques des plus grands personnages du bestiaires fantastiques gothique anglais : Peter CUSHING et Christopher LEE. Ces deux-là s’étaient déjà croisés sur des plateaux de tournages, notamment sur HAMLET de Laurence OLIVIER et MOULIN ROUGE de John HOUSTON.


Christophe LEE, 35 ans, est choisi pour incarner la créature, plus pour sa taille (1m93) que son talent (même si celui-ci est pourtant reconnu). Peter CUSHING, à sa propre demande, est pris pour le rôle du Baron, pressé de quitter l’univers de la production télévisuelle d’où il tire son succès. Le maquillage plus réaliste est presque choisi dans la contrainte, les droits du maquillage créé par James WHALE et Jack PIERCE étant encore sous les droits d’UNIVERSAL.
L’histoire ne se démarque pas de l’original : le docteur Frankenstein est en prison et demande à se confesser avant sa mise à mort, reconnaissant avoir fauté en tentant de rivaliser avec Dieu, en donnant la vie par le biais de bouts de corps subtilisés pour créer un être parfait (le corps d’un voleur pendu, les mains d’un sculpteur, le cerveau d’un savant fraîchement décédé). Mais l’être idéal attendu ne sera qu’un monstre assoiffé de sang, qui sèmera la mort tout autour de lui.

Dans cette première production de film d’horreur, on retrouve les codes qui nourriront les prochaines. De l’horreur frôlant l’immoralité, une caméra qui sait s’attarder sur la volupté des actrices, du sang, rouge, et une violence graphique. On suit l’évolution de ce Baron Victor Frankenstein qui, orphelin alors qu’il n’est encore qu’adolescent, va apprendre de son ami et tuteur Paul Krempe (Robert URQUHART), l’art de la philosophie et des sciences, jusqu’à ce que l’élève dépasse le maître et ne soit porter par l’hubris.
La créature elle, est toujours aussi pathétique. Christopher LEE tout aussi inspiré que Boris KARLOFF en son temps, sait donner le ton juste dans l’interprétation de cette créature animée par la colère plus que par la solitude : celle-ci est une force brute, rageuse, qui ne cherche qu’à semer la mort autour d’elle.
Le pari sera gagnant : THE CURSE OF FRANKENSTEIN sera un succès au box-office, au point que la suite sera vite lancée. En France même, le film fera 728 452 entrées, un exploit en nos terres quand on sait que le public était si peu familier du genre.
Quelle ironie : la même année où le créateur d’un mythe du cinéma sera retrouvé noyé dans sa piscine dans sa villa de Californie, une firme anglaise se le réappropriera, impulsant une nouvelle série d’adaptation gothiques mêlant violence et érotisme, et deux carrières d’acteurs légendaires, Christopher LEE & Peter CUSHING.
Une nouvelle ère d’horreur est née, où les monstres oubliés sauront retrouver leur public en salle.
FLESH FOR FRANKENSTEIN (CHAIR POUR FRANKENSTEIN) de Paul MORRISSEY & Antonio MARGHERITI – USA ITALIE FRANCE/1973/ 93 mn
Il y a des destins étranges, qui ne sautent pas forcément aux yeux jusqu’à ce que vous tombiez sur quelques sources d’informations qui, mêlées les unes aux autres, offrent une interprétation pouvant prétendre autant à la vérité que l’analyse trop subjective de certains spécialistes.
FLESH FOR FRANKENSTEIN est attribué à Andy WAHROL, alors qu’il est mis en scène par Paul MORRISSEY – le nom d’Antonio MARGHERITI, célèbre réalisateur de films fantastiques gothiques italien, étant ajouté afin que la production ne paie pas de pénalité fiscale pour son exploitation en Italie, du fait que le film soit financé par des producteurs italiens mais tourné par un réalisateur étranger, ce qui sera dénoncé bien plus tard : le producteur et le prête nom ayant été condamné à payer une forte amende.
Ici, l’artiste célèbre n’est que le producteur. FLESH FOR FRANKENSTEIN (CHAIR POUR FRANKENSTEIN) est donc une production que l’on dit issu du la Factory, mythique lieu de création que WARHOL mettait à disposition de son entourage proche. Mais pourquoi adapté une version de Frankenstein (et plus tard, de Dracula dans BLOOD FOR DRACULA (DU SANG POUR DRACULA)) ?

La bande annonce n'expose que quelques nudités...
3 juin 1968, Andy WAHROL, Mario AMAYA, son compagnon, et Fred HUGUES, son impresario, sont dans le hall de la Factory quand soudain Valérie SOLANAS, dramaturge et militante féministe sort un pistolet et tire sur l’artiste et ses amis. Andy WAHROL n’aura pas frôlé la mort mais le sera le temps de quelques minutes. La dramaturge n’acceptant pas qu’Andy WAHROL ait refusé de financer sa pièce de théâtre – la jugeant trop vulgaire à son goût – et d’avoir perdu le seul et unique exemplaire. Estomac, foie, œsophage, rate et poumons sont transpercés par balles, et ce n’est que grâce au talent d’un fameux médecin qu’il revient lui aussi d’entre les morts. Mais à quel prix ? La tentative de meurtre lui laissera tant de cicatrices qu’il s’en amusera parfois au point que dans ses bons jours, il se dira aussi cousu qu’une robe Dior.
Et puis, on se penche un peu sur l’individu et peu à peu, tandis que notre attention plonge dans les tréfonds d’un passé d’un personnage tout aussi haut en couleur que mystérieux, quelques raisons hypothétiques se dessinent peu à peu. D’abord une enfance trouble, d’un môme atteint de la Danse de Saint Guy, qui ne trouve refuge que dans la prière, le dessin et le cinéma. On peut imaginer que ce jeune garçon prénommé Andy WAHROLA ait senti un lien particulier l’unissant avec cette créature rejetée de tous.
Certes il n’avait alors que 3 ans quand FRANKENSTEIN de James WHALE sort au cinéma, et 7 lorsque sa suite BRIDE OF FRANKENSTEIN envahi les salles. Mais après tout, il est aussi possible qu’il ait vu dans le cadre de quelques rediffusions : il est facile d’imaginer qu’un enfant rejeté par ses camarades se retrouve dans l’incarnation de cette créature. Imaginait-il, dans le confort d’un siège de velours rouge et englouti dans la pénombre d’une salle de cinéma, tandis que la créature composée de morceaux de cadavres commençait à revenir des morts projeté sur la toile, qu’il partagerait bien plus encore que ce rejet des autres et ce profond sentiment de solitude ?
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On ne peut que comprendre dès lors, pourquoi FRANKENSTEIN sera sa première production « tout public », sans qu’il ne souffre que son nom soit associé à cette version qui n’hésite pas à se vautrer dans la boue de l’indécence. Sexe, inceste et nécrophilie : la HAMMER y avait ajouté la nudité, Paul MORRISSEY n’hésitera pas aborder une forme d’érotisme et de gore qui ne met pas forcément à l’aise le spectateur, à moins que celui-ci y trouve une forme d’humour excessif frôlant l’art abstrait. Dans le film, les adultes sont tous aussi pathétiques, cédant à toutes les primales intentions (envie, jalousie, mégalomanie), et ces deux enfants qui semblent être ici comme un accroche pour le spectateur, assistent stoïquement à leur folie sanglante sans laisser contenir une forme certaine de curiosité malsaine.
Le film, s’il n’était pas patronné par l’un des plus grands artistes du XXe siècle, serait certainement oublié dans les rayons des films outranciers, financés par des producteurs peu scrupuleux qui pensent – trop souvent à raison parfois – qu’il suffit de pousser les curseurs « du toujours plus » dans le domaine du sexe, de la nudité et du gore pour un rapide retour d'investissement.
Un Objet Filmique Non Identifié qui, s’il s’incruste à une soirée de films d’horreur, peut laisser quelques traces indélébiles sur les rétines, moins pour son éblouissante mise en forme que pour ses dérives que l’on sent être seulement fait pour choquer la critique bienpensante de l’époque.
FRANKENSTEIN JUNIOR de Mel BROOKS – USA/1974/N&B/ 101 mn
Lors d’une nuit orageuse zébrée d’éclairs précédés de coups de tonnerre, un scénariste d’origine juive, issu d’une famille germano-russe, fameux pour ses « stand up » et ses premiers films – dont l’un fut primé d’un oscar (THE PRODUCERS – 1968) – sort de terre une icône du fantastique. Dans des décharges d’humour, il ranime dans un noir et blanc et une mise en scène des plus classiques (dont les fameux fondus au noir enchaînant les scènes) l’un des plus grands classiques du cinéma que l’on dit gothique, au point de tourner une œuvre gavée de références qui fera sa marque de fabrique, où il pousse l’hommage jusqu’à filmer sur le plateau où se tourna le premier FRANKENSTEIN de James WHALES et d’en conserver le style de musique.
Un humour qui ne fait pas rire aux éclats, mais prête au moins à sourire, la parodie poussée à son paroxysme pouvant perdre quelques-uns. Gene WILDER incarne Frederick Frankenstine, descendant du fameux docteur Frankenstein, qui bien qu’il rejette la réputation de son aïeul, accepte l’héritage de son oncle et revient au pays de ses ancêtre, la Transylvanie, où il cède à la tentation de renouveler l’expérience de son lugubre arrière-grand-père. Le film, malgré une attention portée sur la photographie, souffre du comique de répétition. Mécanique dangereuse si la première exposition du gag ne fait pas forcément mouche. Pourtant, on ne pourra pas retirer le fait que FRANKENSTEIN JUNIOR est une déclaration d’amour au genre, un acte de générosité d’un cinéphile qui dépoussière une œuvre pour la nouvelle génération, afin peut être, de la rendre plus accessible.
La comédie marquera son temps, au point d’être répertoriée dans les classiques du genre. Mel BROOKS ne s’arrêtera pas là et mettra en scène ses hommages au western (BLAZZING SADDLES (LE SHERIFF EST EN PRISON) – 1974), film de science-fiction (SPACEBALLS (LA FOLLE HISTOIRE DE L’ESPACE) – 1987), aux sagas historiques (HISTORY OF THE WORLD : PART 1 (LA FOLLE HISTOIRE DU MONDE) – 1981), au mythe de Robin des bois (ROBIN HOOD : MEN IN TIGHTS (SACRE ROBIN DES BOIS) – 1993) et même Dracula (DRACULA : DEAD AND LOVING IT (DRACULA : MORT ET HEUREUX DE L’ÊTRE) – 1995).


Mais l’on devra aussi à Mel BROOKS, bien plus que son humour, puisque celui-ci, cinéphile dans l’âme et pourvu d’un nez fin pour sentir le talent chez les autres, produira notamment par le biais de sa boîte de production BROOKSFILMS, THE FLY de David CRONENBERG (1986) et ELEPHANT MAN de David LYNCH (1980).
TERROR ! IL CASTELLO DELLE DONNE MALEDETTE (LE CHATEAU DE L’HORREUR) de Dick RANDALL – ITALIE/1974/Couleur/ 89 mn
Parfois, on se trouve devant un écran et on se demande ce que l’on est en train de regarder. Pourtant, le titre du long métrage - que ce soit le titre original dans sa traduction littérale (Le château des femmes maudites) et le titre français, on est loin d’imaginer que l’on tombera sur un ersatz de Frankenstein ! – les Américains, eux, nous prouvent au moins qu’ils regardent un film avant de lui donner un titre pour le marché US (FRANKENSTEIN’S CASTEL OF FREAKS). Car du fameux docteur et de sa créature, il en est bien question, et ceux-ci sont entourés de créatures semblant toutes échappées d’un cirque ou d’un asile.

Un troglodyte est chassé par des paysans jusqu’à ce que ceux-ci le laissent pour mort. Le docteur Frankenstein (Rossano BRAZZI) envoie récupérer le corps pour sa terrible et légendaire expériences, afin de concrétiser ses obsessionnelles et lugubres recherches : donner la vie à une créature inanimée.
Bien que ce corps robuste soit le vaisseau parfait pour son terrible projet, il lui faut un cerveau frais. Il s’en va donc avec ses sbires, une équipe de bras cassés composés de Kreegin (Xiros PAPAS), serviteur bossu et amant de l’épouse du majordome, ce dernier, Hans, dévoué à son maître, Igor – qui, bien qu’il en porte le nom, n’a rien de bossu (Gordon MITCHELL), taiseux à la silhouette de culturiste, et l’inénarrable Genz, nain curieux et libidineux (joué par le légendaire et fou Michael DUNN), que l’on remercie de sa présence, sans quoi, l’intrigue n’avancerai pas.

Le scientifique fou réussit son expérience dans son laboratoire miteux tout aussi équipé qu’une classe de sciences physiques dans un collège au budget anémique.
Mais aux lendemains, sa fille arrive avec son fiancé et une de ses plus grandes amies, Krista Lauder (Christiane RÜCKER), jeune femme curieuse à l’esprit scientifique, qui s’éprendra du Comte.
Entre temps, la police (composé d’un préfet et de deux agents) découvre une empreinte de pied d’enfant prêt de la tombe profanée, et il n’y a pas besoin de passer par une section scientifique pour suspecter le serviteur nain du Comte.
The full movie...
Film qui ne cherche pas à camoufler son petit budget, composé d’acteurs devant cachetonné pour payer dettes et impôts, on ne peut dire qu’il marquera l’histoire du cinéma, à moins peut être sa musique, qui à un certain volume et dans la continuité, est capable de provoquer un sentiment de malaise frôlant l’écœurement : mélodie synthétique mêlant croassement de grenouille et gargouillis abdominale trahissant un début de diarrhée… Michaël DUNN reste fidèle à lui-même dans son rôle de pervers qui ne rate jamais l’occasion de mettre son nez là où il ne faut pas (que ce soit dans le laboratoire du Comte ou en observant des jeunes femmes se baigner nues dans une grotte).
TERROR ! IL CASTELLO DELLE DONNE MALEDETTE est une production typique du cinéma italien des années 70, où la production copie en moins bien les succès d’ailleurs. Mélange de gothico-psychédélique saupoudrez d’érotisme vulgaire : soit vous vous laisser corrompre et vous vous amusez des scènes toutes plus surréalistes les unes que les autres, soit vous ressentez un profond malaise (voire les deux, selon le déroulé des scène).

Dick RANDALL, lui, aura tâter de tous les genres, du porno hardcore en passant par les arts martiaux le mondo, les giallis et le slasher – tous sorte de genre à l’investissement à court terme, se jouant des pulsions les plus inavouées du spectateur. On le retrouvera même dans le casting du slasher SLAUGHTER HIGH (LE JOUR DES FOUS) en 1986 avec la légendaire Caroline MUNRO. Il décédera d’un accident vasculaire cérébral à Londres, en 1996, dans l’indifférence la plus complète, si ce n’est celles de ses proches…
GOTHIC de Ken RUSSELL – ROYAUME UNI/1986/Couleur/ 87 mn
GOTHIC est le récit étrange d’une nuit singulière qui s’est tenue le 16 juillet 1816, dans une luxueuse villa surplombant le Lac Léman en Suisse. Une orageuse bien évidemment, car il ne pouvait en être autrement. L’ennui ayant amené au défi d’écrire chacun de son côté, une histoire effrayante. Lord Byron (Gabriel BYRNE) et Percy Shelley (Julien SANDS) ne pouvait qu’être les favoris, mais les muses de la création sont insaisissables : si Claire Clairmont est trop sous l’emprise d’un Lord BYRON qui ne voit en elle qu’un jouet dont il se lasse déjà, le docteur Polidori et Mary Shelley (Natasha RICHARDSON) couvent en eux des tourments qui ne pourront que donner bas à des œuvres marquantes : l’un, de part sa fascination pour son patient et ami, Lord Byron, écrira Le Vampire et l’une, traumatisée par la mort de son enfant, racontera l’histoire d’un homme qui se prendra pour dieu et donnera la vie à la matière morte. Mais cette soirée était-elle juste une réunion d’auteur confirmés et amateurs ou une nuit étrange, que la consommation d’alcool et d’opiacé, des séances de spiritismes et la tension sexuelle dont Lord Byron s’amuse à entretenir, avec Percy Shelley, Docteur Polidori et Claire Claremont.

Ken RUSSELL de retour des Etats Unis et affectés très certainement par son expérience cuisante outre atlantique (ces trois productions américaines ont été difficiles et n’ont pas rencontré le succès mérité s’attaque à un projet qu’il avait lancé une dizaine d’années plutôt mais qui a avorté faute de financement. Plutôt que de s’attarder sur le processus de création, intime, il essaie de capter et de dévoiler une folie contagieuse pouvant être cathartique et créatrice. Dans cet huis clos qui s’amuse à reprendre les codes du cinéma gothique dont il veut conter les origines séminales, on assiste peu à peu à une orgie de comportement immatures d’artiste blasée, se moquant de tout avec talent sans craindre de sombre dans la vanité. Mary Shelley est la seule a suscité un lien émotionnel tant elle doit surmonter les caprices d’un amant pour qui elle a tout sacrifié et qui ne semble pas assumer complètement sa fascination pour ce Lord Byron méphistophélique – tandis que Polidori est pathétique dans son attirance homosexuelle qui n’assume pas, et nous fait d’ailleurs penser à Renfield de Dracula).

Le film offre quelque beau tableau, notamment des scènes oniriques anxiogènes inspirées de peintures telles Le Cauchemar de Johänn Henrich FÜSSLI et le chaos créatif auquel nous sommes témoin fascine parfois, quand il n’est pas plombé par un surjeu (notamment celui de Julian SANDS) de certains acteurs.
Ken RUSSELL, retrouvera grâce à cette tempête créatrice, le succès perdu et relancera sa carrière pour la fin des années 80.
FRANKENHOOKER de Frank HENENLOTTER – USA/1990/Couleur/ 81 mn
Jeffrey Franken est un électricien de génie qui n’est pas reconnu pour son talent. Ce dernier rêve de belles expériences mais doit se contenter d’un travail de technicien dans une centrale électrique, jusqu’à ce qu’un anniversaire lors d’un après-midi d’été, tourne mal et fini en massacre : sa petite amie étant happée par une tondeuse à gazon qu’il avait équipé lui même d’un système de télécommande dont il a perdu le contrôle.
Mais quel génie n’a-t-il pas rêvé de défier la fatalité ? Fermement convaincu qu’il peut redonner vie à son ancienne petite amie dont il a mis ses morceaux au frais dans le congélateur, il part en quête d’un corps idéal. Pourquoi pas celui composé de membres parfaits et quel meilleur endroit que la 42e rue, où grouillent autant de prostitué.es, que de camé.es et de cinémas porno ?

L’affiche française a le mérite d’être clair avec sa phrase d’accroche « 50% monstre, 50% pute, 100% FRANKENHOOKER » Frank HENENLOTTER a bien l’intention de faire là une pierre deux coups d’un film hommage. L’un pour la créature de Mary SHELLEY et son savant fou défiant Dieu en voulant créer la vie d’une substance morte, et l’autre pour le cinéma d’exploitation dont il est lui-même l’un de ses fameux artisans (BASKET CASE, 1982 –, BRAIN DAMAGE, 1988).
New York, et particulièrement la 42e rue, est encore fameuse pour ses prostitué.es qui racolent, ses sex shop, ses cinémas pornos, ses camé.es se mêlant aux détritus, avec, par-ci par-là, quelques salles qui offrent aux cinéphiles obsessionnels quelques perles d’un cinéma d’exploitation ne provenant pas forcément des grands studios, où le sexe flirte avec le gore, l’action s’embaume de l’odeur de la poudre, où le sifflement d’un coup furtif d’un maître en art martiaux transperce la pénombre d’une projection. Un New York qui s’est effacé depuis de notre imaginaire collectif, tant celui-ci s’est bien gentrifié (le vice se déplaçant depuis dans ce Far West que l’on nomme Internet).

Patty MULLEN, deux fois sacrées playmates chez Penthouse, tient ici le rôle d’une figure virginale se retrouvant avec un corps composé de membres de prostituées, et forcément, retrouve les bas-fonds de New York pour continuer ses passes, comme poussée par la mémoire cellulaire de ces membres volés, dans un macabre conditionnement l’acculant dans les retranchements d’un jeu clownesque frôlant presque la caricature. Ce qui pourrait être perçu au premier abord comme une production sexiste et graveleuse se révèle plus « féministe » qu’il n’y parait, puisque Jeffrey, subira le revers de sa folle et macabre ambition.
Sans prétention, FRANKENHOOKER se regarde, amuse, écœure et résiste à l’oubli : son ton et son sujet le préservant certainement d’un quelconque remake opportuniste.
MARY SHELLEY’S FRANKENSTEIN de Kenneth BRANAGH – USA JAPON ROYAUME UNI/1994/Couleur/ 123 mn
Fort du succès critique et public de son adaptation de DRACULA en 1992, Francis Ford COPPOLA se penche sur ce second pilier du fantastique gothique, ce frère de l’ombre du Prince de la Nuit, qui, à chaque ère cinématographique, précède ou succède le vampire mythique.
L’adaptation de l’œuvre de Bram STOKER était imprégnée d’érotisme et des premières magies propres au 7e art, cette nouvelle adaptation de FRANKENSTEIN sera, elle, plus fidèle au texte que les adaptations précédentes (et dotée de bien plus de moyens) : pour preuve, sa durée qui dépasse de quelques minutes les deux heures de projection. Mais Francis Ford COPPOLA reste seulement producteur et propose à Kenneth BRANAGH, l’adaptation qu’il souhaite bien plus littéraire.
BRANAGH, à travers sa passion pour l’œuvre de William SHAKESPEAR – il suffit de voir dans sa filmographie les quelques adaptations tirées du dramaturge : HENRY V (1989), MUCH ADO ABOUT NOTHING (1993), et plus tard son incroyable HAMLET de plus de 4 heures (1996) – apportera ce petit plus qui manquait jusqu’à présent, et qui frustrait les amateurs du roman d’origine qui s’est pourtant imposé comme un des classiques de la littérature, grâce à une dramaturgie shakespearienne aux éclats opératiques.

MARY SHELLEY’S FRANKENSTEIN s’offre le luxe de somptueux décors naturels et de plateaux (avec notamment cet escalier du domaine des Frankenstein digne d’une scène d’opéra) et d’un casting grandiose – avec un Robert de NIRO touchant (Gérard DEPARDIEU refusant le rôle), dans l’interprétation de cette créature qui se découvre délaissée par son créateur, en quête d’un bonheur que son apparence empêche de gagner et dont la solitude se dégage tout autant que le pourrissement de sa chair.
Fidèle ? pas tant que ça. L’adaptation prend quelques libertés, mais Kenneth BRANAGH apporte ce qui a sûrement toujours manqué dans les adaptations précédentes : les moyens, dans une adaptation gothique qui ne peut qu’être coûteuse si elle souhaite être fidèle au texte.
Bien que film de studio à la mise en scène emphatique, la cruauté n’est pas en reste. Le corps de la créature est un patchwork de morceaux de cadavres réalistes, le choléra n’est pas juste un concept, mais s’incarne dans les tragiques corps de ses victimes qui s’entassent dans les rues, un cœur y est même arraché à main nue.

On y croise aussi Helen BONHAM CARTER avant d’être starifiée dans FIGHT CLUB de David FINCHER (1999), dans le rôle d’Elizabeth Lavenza Frankenstein, comme un avant-goût de ses futurs rôles dans les prochains Tim BURTON, dont elle deviendra l’égérie et l’épouse.
Le film aura son petit succès et bien que nominé à plusieurs occasions, n’obtiendra pas de prix.
Le redécouvrir aujourd’hui, c’est apprécié un classicisme à sa juste valeur, tant à cette époque le cinéma et les studios découvraient les nouvelles opportunités technologiques (effets spéciaux, montage, captation vidéo) au détriment d'un grand spectacle de qualité.
MARY SHELLEY’S FRANKENSTEIN s’est presque bonifié avec le temps, et peut être considéré comme l’une des plus belles adaptations de l’œuvre de SHELLEY. Mais le long métrage se noyant dans un catalogue changeant sans cesse de support streaming, il semble avoir sombré dans une forme d’oubli cinéphilique.
Souhaitons-lui qu’il retrouve les rives de la reconnaissance qu’il mérite.
FRANK3N5T31N de Bernard ROSE – USA/2015/Couleur/ 89 mn
Le monde du cinéma est petit, celui du cinéma fantastique bien plus encore : Bernard ROSE, est un proche de Clive BARKER. Il adaptera d’ailleurs en 1992 une de ces nouvelles, The Forbidden, qui donnera naissance à l’une des légendes des croquemitaines du cinéma fantastique, CANDYMAN, dont la suite sera tournée par un certain Bill CONDON – GODS AND MONSTERS (NI DIEUX NI DEMONS), rappelez-vous, produit par Clive BARKER et qui évoquait notamment les derniers jours de James WHALE, réalisateur des deux premiers FRANKENSTEIN produit par UNIVERSAL.

Ici, la créature appelée Adam, n’est nullement une expérience d’un savant fou ayant la prétention de vouloir défier Dieu en créant la vie de membres volés sur des cadavres, mais un scientifique d’un laboratoire d’un département de recherche. Mais l’ambition n’est-elle pas parfois folie ? Bien qu’il ne soit pas nommé, le laboratoire où voit le jour Adam (Xavier SAMUEL), dispose d’un personnel et d’agent de sécurité, le programme est donc financé et bien connu par certaines instances privées ou gouvernementales. Adam est un être artificiel, né d’expérience sur les cellules souches. Un être quasi parfait, beau, innocent, mais doté d’une intelligence de nourrisson. Une création qui fait la fierté de ce docteur Victor Frankenstein (joué par Danny HUSTON : un de ces acteurs qui marquent les esprits par ces seconds rôles qu’il interprète bien qu’on ne mémorise jamais son nom et qu’il soit aussi le fils de John HUSTON) et de sa femme, Elizabeth (Carrie-Anne MOSS éternelle Trinity de MATRIX – 1999).
Mais comme chacun sait, la perfection est une fulgurance d’un instant et bien qu’elle puisse être incarnée dans un corps, l’imperfection finit toujours par s’y introduire tôt ou tard. Adam, au fil de son développement intellectuel, commence à laisser paraître des symptômes inquiétants. Ces cellules produisent des kystes et des malformations, renvoyant peut-être à ses créateurs la limite de leurs compétences et de leur ambition, menaçant aussi de fait leur financement. Ils décident donc de l’euthanasier, même si pour Elizabeth, on sent qu’un lien mère/fils s’est tissé peu à peu entre la créature et elle, et que cette décision pose chez elle un problème moral.
Laissé pour mort, pourtant, Adam ressuscite et s’enfuit du laboratoire.

Le mythe de Frankenstein revisité. Où, cette fois-ci, la créature côtoie la misère du monde moderne (un chien errant, un sans domicile fixe aveugle et une prostituée) sa violence intrinsèque (agression de rue, indifférence, misère sexuelle, pauvreté, lynchage, violence policière). Adam est autant rejeté par les hommes que par le système. La mère de substitution dont il garde l’image, hante sa conscience mais elle le rejettera tout autant lorsque l’occasion lui sera donnée de la retrouver et d’être sauvé par elle.
Il saura malgré tout se créer des liens, même si ceux-ci se basent sur l’interdépendance dont le désintérêt se calcifie au fil des relations (le chien ayant été le plus pur des autres puisque dénué de jugement, le clochard joueur de jazz (incarné par Tony TODD, connu pour son interprétation de CANDYMAN,et qui nous a quitté récemment) y gagnant, lui, la vue et une compagnie, et la prostituée, un peu d’affection tarifée).
FRANK3N5T31N de Bernard ROSE, malgré la recontextualisation de l’histoire et le verni social de son récit, conserve cette émotion brute, cet hymne à la solitude souffrant du rejet. Au point d’ailleurs qu’Adam, dans un plan final, lâchera aussi son cri. Mais pas celui de l’effroi, du désespoir, ou du rejet d’une représentation paternelle ou maternelle, mais celui d’un être qui souhaite rappeler une ultime fois, qu’il est doté de sensibilité et doué de conscience, et que parce qu’il dispose d’un nom, il existe !
Un cri de désespoir qui ne peut laisser insensible le spectateur, témoin de son odyssée de solitude.
DEPRAVED de Larry FESSENDEN – USA/2019/Couleur/ 114 min
Et puis le cinéma c’est aussi une histoire de rencontre hasardeuse. Le Cycle FRANKENSTEIN terminé, une sélection sur une chaîne de streaming offre un nouvel opus inattendu, réalisé par Larry FESSENDEN, artisan New Yorkais dans la production de films fantastiques, à travers sa boîte GLASS EYES PIX, quand il n’est pas lui-même acteur.
DEPRAVED commence par une scène où un couple se quitte après un moment de tendresse se terminant sur un malentendu. Lucy exprime peut-être trop rapidement le sentiment qu’Alex ressent lui-même. Frustré, il part pour rentrer chez lui, sans savoir qu’il ne la retrouvera plus. En chemin, un homme l’agresse et le poignarde. La douleur et la surprise de l’attaque seront ses dernières pensées, tandis qu’il meurt sur le trottoir, au pied d’un lampadaire, dans le silence de la nuit.

Plus tard, un autre homme se réveille. Des cicatrices couvrent son corps tout entier. Peu à peu, le lien avec l’œuvre de Mary SHELLEY s’affirme (à travers le nom de certains protagonistes : Adam, la créature recousue semblant renaître des morts et à l’intelligence infantile, Henry le scientifique (comme le professeur Frankenstein de la version James WHALE), Polidori (comme le médecin qui assista au lendemain d’une nuit d’été, à la naissance de l’œuvre de Mary SHELLEY)). Au fil de l’évolution d’Adam, on devine une corrélation entre sa « naissance » et l’assassinat gratuit d’Alex, tandis que les motivations d’Henry évoluent. Ce médecin ancien militaire assailli de Troubles Post Traumatiques, qui puise sa volonté de vaincre la mort dans ses angoisses morbides, commence à voir en Adam, plus qu’une créature née d’un projet financé par son ami Polidori dans le simple but de s’enrichir, mais un être doué de sensibilité et de conscience, d’autant que cette vie fut au prix d’une autre…

Film attachant, porté comme toujours par l’acteur incarnant la créature (ici Alex BREAUX), au point qu’il serait intéressant de faire un classement des meilleures interprétations de la créature de Frankenstein dans l’histoire de cinéma, tant l’implication de l’acteur détermine très souvent la qualité du film – et ce parfois, malgré des maquillages qui n’arrange rien. Le final sombre bien évidemment dans la revanche d’un être chassé pour son manque d’humanité et qui pourtant, en possède bien plus que ceux qui le rejettent et rappelle que Mary SHELLEY, de son jeune âge, a léguée à l’humanité une œuvre intemporelle que l’on pourrait presque considérer comme fondatrice de notre société moderne, tant ses adaptations au fil du temps intègrent les maux et les questionnements de notre civilisation tout en conservant l’esprit de l’œuvre d’origine.
En un temps où l’homme a désormais le pouvoir de jouer les Prométhée avec le vivant (transhumanisme, génétique), l’œuvre de Mary SHELLEY s’enracine plus encore dans le terreau de notre inconscient collectif, et ce, quel que soit les cultures (il n’y a qu’à lire le prix Imaginaire 2017 Frankenstein à Bagdad transposant ce mythe moderne dans un Irak sous occupation américaine, meurtri par le terrorisme qui fournit les bouts de cadavres).