top of page
Solitude

Solitude

La Vieillesse

UMBERTO D. de Vittorio de SICA - ITALIE/ 1952/N&B/ 89 mn

Umberto Domenico Ferrari est retraité de la fonction publique, mais sa petite pension ne suffit plus à payer le loyer de sa modeste chambre. Sans famille, sans amis, prêt à être expulsé par sa logeuse, il erre le jour en ville avec son petit chien Flyke, seul compagnon de qui il tire ses dernière forces pour ne pas céder à la tentation du suicide...

Umberto_D-113681447-large.jpg
Umberto D

On entend souvent dire que l'on naît comme l'on meurt : seul. Certains sont même socialement déjà morts avant que la Faucheuse ne fasse son œuvre. 1952, et pourtant, le sujet reste toujours d'actualité : l'histoire d'un homme vieillissant dans une société qui n'a que faire de ses vieux qui s'obstinent à survivre avec leur retraite de misère, comme si le privilège de vivre longtemps, pesait tellement sur la société qu'à défaut d'euthanasier, celle-ci préférait détourner son regard de leurs sorts. Dans UMBERTO D., on assiste sous la caméra de Vittorio de SICA, les derniers moments du déclin d'un homme simple, qui bien qu'il se soit dévoué à la tâche jusqu'à la retraite, doit se battre une dernière fois pour subsister, au point de, par désespoir, perdre toute dignité et mettre mal cette dernière confiance vitale à sa survie. S'il y a bien pire que la mort, il y a cet instant fatal où l'être qui vous aimait encore n'éprouve qu'effroi ou dégout, et fuit votre présence, car elle se sent désormais trahie. Poignant, juste, comme peut l'être le néo réalisme italien, UMBERTO D, raconte dans un ton doux amer cette triste histoire de petit retraité qui n'aurait que la mort pour solution...

 

Ce petit film qui a gagné sa place dans le panthéon des chefs d'œuvres du cinéma, fut celui dont Vittorio de SICA (LE VOLEUR DE BICYCLETTE) était le plus fier, mais c'est aussi un des films qu'affectionnent particulièrement Martin SCORCESE.

umberto-d-6.jpg

Anecdote 1 : Le chien fut changé au cours du tournage pour une chienne, l'animal semblant méfiant vis à vis de l'acteur principal qui, lui, n'était qu'un simple professeur d'université jouant là, son premier rôle).


Anecdote 2 : Ce film devait gagner le Grand Prix de Cannes de 1952 (au temps où la Palme n'existait pas encore), mais la pression du Gouvernement italien qui jugeait le film trop noir et pessimiste, empêcha de SICA d'obtenir son second Grand Prix de Cannes... Pas grave, les Oscars sut le noyer d'Or pour rendre grâce à son talent... (11 septembre 2016)

La Conviction

12 ANGRY MEN (12 HOMMES EN COLÈRE) de Sidney LUMET - USA/1957/N&B/ 92 mn

Douze jurés sont enfermés dans une pièce pour délibérer : l'adolescent est il coupable du meurtre de son père ? Onze d'entre eux en sont convaincus. Pour certains, sur la base de faits présentés par le procureur général, pour d'autres sur des présomptions ou des préjugés, quand quelques uns ne sont pas tout simplement pressés de rentrer chez eux ou juste des suiveurs. Mais voilà, la peine de mort est en jeu, et un doute légitime travaille la conscience du douzième juré...

12 angy men.jpg
12 Angry Men

La conviction est la plus honorable des solitudes, mais certainement une des plus difficile à porter ; nous confrontant seul contre tous, elle est la flamme que nous devons brandir devant la meute qui préfère rester dans ses propres ténèbres plutôt que d'oser lâcher prises aux vieilles idées et préjugés quand ce n'est pas par la peur de se retrouver seul, extrait de la norme. Mais la conviction suffit parfois pour ébranler une société, imploser des préjugés, changer la face du monde. Il suffit juste d'un être, ayant la foi en ce qu'il juge juste, et qu'il soit prêt à en payer le prix.


Souvent copié, jamais égalé, ce huis clos tient en haleine le spectateur durant toute la projection, le terrifiant devant cette réalité crue que sont les rouages de la psychologie des masses. Les faibles suivant les meneurs, eux mêmes marionnettes de leurs propres convictions.


Un film qui a cette vertu de pouvoir être diffuser aux plus jeunes, avec cette belle leçon sur cette Vérité qu'il est bon de défendre malgré l'aveuglement du monde, surtout quand il en va de la vie d'un innocent.


12 ANGRY MEN n'a pas la prétention de se poser en pamphlet contre le peine de mort. Il est bien plus subtil que ça : l'idée même que cette peine de mort puisse être appliquée dans un système judiciaire perfectible et basée sur une délibération d'hommes et de femmes tout aussi défaillants suffit à remettre en cause son application. Plus qu'un point de vue morale, c'est une argumentation logique soucieuse d'une justice impartiale : tant que la justice sera perfectible, une peine si fatale ne peut être appliquée.


Henry FONDA interprète un héros anonyme, manipulateur à sa manière qui, tel un joueur d'échec, se joue des faiblesses de chacun pour conquérir les raisons embrumées, convaincre les autres jurés de l'innocence d'un jeune homme promis à la potence. Jubilatoire. Un chef d’œuvre du huis clos qui n'a jamais pris une ride.

12 angry men movies pic.jpg

Anecdote 1 : au fil du tournage, Sidney LUMET employa des objectifs de focales croissantes afin d'accroitre un sentiment d'étouffement et de tension.

 


Anecdote 2 : (plus personnelle) un après midi dans ma tendre jeunesse, je tombe sur une série américaine sur TF1 "7 A LA MAISON" reprenant le pitch de 12 HOMMES EN COLÈRE en inversant la situation : le doute du héros joué par Stephen COLLINS convainc les jurés d'appliquer la peine de mort. qui n'a pu m'empêcher de ressentir un sentiment de malaise. Plus tard, on apprit que Stephen COLLINS fut accusé d'actes de pédophilie... (25 septembre 2016)

L'Ermite

JEREMIAH JOHNSON de Sidney POLLACK - USA /1972/Couleur/ 116 mn

Jeremiah Johnson fuit à tout prix la compagnie des hommes. Désertant le conflit entre des Etats Unis d’Amériques balbutiants (nous sommes au milieu du XIXe siècle) contre le Mexique, il s’en va loin vers le nord, avec la ferme intention de vivre en ermite dans les Rocheuses, prêt à se confronter aux lois intransigeantes de la Nature qui, elles, ne laissent aucune chance aux faibles.

Jeremiah Johnson.jpg
Jeremiah Jonhson

La solitude choisie est une force.

 

S’éloignant de la folie des hommes et de leurs villes bruyantes aux maelstroms mugissants de bas instincts, l’individu, en tranchant ses liens avec la communauté, trouve un sentiment de liberté insoupçonné, une pulsion animale qui hibernait en lui. Ankylosée, enchainée par la civilisation, elle retrouve sa vitalité au contact de la Nature, et pour peu que l'Homme retrouve cette énergie vitale, il passe un seuil empêchant tout retour possible vers la communité. Pourtant, cette force vitale ne condamne pas  pour autant à l’isolement, et ce qui brûle chez ce paria peut en attirer d’autres exclus volontaires ou ostracisés , qui, au hasard de leurs chemins, s'effleurent, rentrent en contact ou s'évitent, échangent, dans l'immensité de cette Nature silencieuse, comme pour éprouver leur choix, tel un amour se confrontant parfois à la tentation.


Une des œuvre maîtresses de ce cinéma que l'on nomme Nouvel Hollywood où de jeunes réalisateurs, engagés politiquement, surgissent après la disparition des grands maîtres d'Hollywood (Alfred HITCHCOCK, John HOUSTON, Elia KAZAN, Orson WELLS) et prennent à bras le corps des genres représentants les mythes fondateurs de l’Amérique pour les imploser de l’intérieur. Sydney POLLACK présente un indien qui n’est pas la Némésis du colon, mais une forme de conscience morale réagissant contre ce nouveau peuple qui, animé par la peur et la convoitise, écrase de ses pieds balourds l'équilibre fragile de cette Nature en apparence immuable. Tirant à boulet rouge sur les Etats Unis du XXe siècle alors embourbé à l’autre bout du monde dans son conflit au Vietnam, JEREMIAH JOHNSON s’attaque à ses piliers fondateurs (le marché qui n’a que faire des cultures qu’il spolie, l’armée et l’église prêtes à souiller le sacré pour satisfaire leurs ambitions). La poésie, malgré tout, s’impose, comme une force tranquille. Entre documentaire et onirisme lyrique, la beauté n’est pas moins entachée par la cruauté humaine ou animale (massacre d’innocents, blasphème du sacré, équilibre fragile du bonheur). Au-delà d’un portrait historique cherchant à tendre vers le plus grand réalisme, il y a une forme de souffle écologique avant l'heure (un décor naturel de toute beauté, les conditions de survie du héros) teinté de romantisme (l’incommunicabilité dans l’amour et les clivages culturels) qui traverse l’œuvre… Robert REDFORD possédé par son rôle, dégage cette force et cette noblesse de cœur qui devait sûrement faire défaut au personnage historique qu’il incarne, mais qui crée ce lien entre le spectateur et cette Nature inaccessible et mystérieuse.

jeremiah Johnson pictures.JPG

Anecdote 1 : Le vrai Jeremiah Johnson était réputé pour manger le foie des indiens ayant tué sa femme amérindienne qu'il chassait au point d'être surnommé Liver-Eating Johnson

 


Anecdote 2 : Malgré sa présence en compétition du festival de Cannes 1972, le film n’obtint qu’un prix obscur au Western Heritage Award de cette même année… (13 novembre 2016)

Le Monstre

ELEPHANT MAN de David LYNCH – USA-GB/1980/N&B/ 118 mn

Londres, 1884. En errant dans une fête foraine, Frederic Treve (Anthony HOPKINS) croise dans une animation de monstres de foire, l’Homme-éléphant (John HURT) : attraction si choquante pour nombre de visiteurs que la police interdit très vite l’exhibition. Et pourtant, le chirurgien Treve n’aura de cesse de retrouver cette aberration de la nature pour l’exposer à son tour à ses confrères et qui sait, se faire un nom… Mais voilà, derrière la difformité, se révèle une humanité pure, innocente, qui ne peut que forcer l’attachement...

Elephant man.jpg
Elephant Man

Le Monstre : difforme, effrayant, il suscite l'effroi, la fuite, la moquerie, le rejet, à croire que la qualité de celui-ci est de révéler la bestialité se cachant dans la norme, comme un terrible miroir au reflet sans concession. De nos jours, plus de foires et d'exhibition spectaculaires, les sites, émissions tv et les tabloïds ont pris le relais : la fascination et l'insensibilité, elles, restent là, identiques à celles qu'animaient nos aïeux... Que cherche le spectateur dans cette contemplation de l'accident de la Nature d'habitude si harmonieuse, le sentiment de malaise ou est-il simplement fasciné par la vérité de ces traits incarnant une monstruosité qu'il s'évertue à enterrer sous des strates de morales ?


David LYNCH, dans son second long métrage, d'un noir et blanc aussi contrasté qu'un ciel blanc au dessus d'une cité couverte de suie, s'attache avec pudeur, à nous conter cette triste histoire d'un homme qui ne dépassa pas le quart d'une vie, souffrant, martyrisé, subissant les pires des affronts mais qui, pour ces derniers moments de vie, su apprécier les honneurs et l'amitié, la douceur de l'attention. Difforme, monstrueux, John Merrick ne peut qu'émouvoir par sa naturelle innocence. Bien plus que son martyre, c'est cette pureté qui se dégage de ses traits grotesque et de son regard apeuré qui fait mouche : celle d'un être qui ne peut que verser sa larme devant les délicates attentions, même si elles ne sont que le fruit d'un code social qui poussent à la retenue. David LYNCH fait là un coup de maître : concilier un projet "tout public" avec ses qualités d'artiste insondable. ELEPHANT MAN a ce côté hypnotique qui endort la raison pour mieux toucher au cœur. Qui ne peut être ému par cet être difforme, dont nul ne respecte la pudeur, acculé dans une pissotière par une foule enragée, criant son humanité ?


ELEPHANT MAN est un bel hommage à l'anormalité, une perle noire du 7e art... Un hymne aux monstre qui n'avait pas été égalé depuis FREAKS de Tod BROWNING.

Elephannt man pictures.jpg

Anecdote 1 : John Merrick a réellement existé. Certains disent qu'il était atteint de neurofibromatose, d'autre du Syndrome Proteus. Mais il ne s'appelait pas John mais Joseph... John vient de l'ouvrage du chirurgien Treves qui inspira le film.

 


Anecdote 2 : ELEPHANT MAN reçu 8 nominations aux Oscars mais n'obtint aucune statuette, dégouté, Mel BROOKS, producteur du film, déclara "Dans dix ans "DES GENS COMMES LES AUTRES" ne sera plus qu'une simple question de quizz, ELEPHANT MAN au contraire sera un film que les gens regarderont encore." Le temps lui donna raison... (11 décembre 2016)

Le Psychopathe

HENRY : PORTRAIT OF A SERIAL KILLER de John Mc NAUGHTON - USA/1986/Couleur/ 80 mn

Henry portrait of serial killer poster.j

Il rôde, jours comme de nuits, dans les rues de Chicago et sa banlieue. Sans le moindre mobile et seulement soucieux de changer de modus operandi pour que la police ne puisse faire le lien entre ses meutres, il massacre ses victimes sans raison précise, si ce n'est d'assouvir cette colère originelle qui prend racine dans son enfance, maltraité par une mère abusive qu'il a fini par tuer pour s'en libérer... Sa soif de destruction inextinguible finira par corrompre une âme faible, Ottis, son colocataire rencontré quelques années plutôt en prison. Comme les ténèbres ont besoin de lumière, Becky, la sœur de ce  dernier, se laissera de son côté attendrir par l'humanité qu'il daigne lui laisser transparaître ; cette dernière étant de ces femmes qui savent choisir leur homme comme des pigeons, le gobelet cachant la bille lors d'une partie de bonneteau dans un quartier d'attrape touristes.

Henry Portrait of a Serial Killer

Si les monstres des contes de fées, sont le fruit d'une malédiction divine ou d'une union contre nature, le Psychopathe, lui, est l'œuvre d'une enfance brisée. Comme on dresse les chiens à mordre et à tuer, par la maltraitance, il en est de même de ces enfants qui baignent dans les eaux visqueuses et nauséabondes de sadisme et de violence.

Animé par des pulsions sexuelles et meurtrières qu'il tente de canaliser, le Psychopathe sème la mort. Ses victimes , par leur ressemblance (physique, sociale, ou sexuelle) éveille cet animal attisée par la colère et le besoin de destruction. Il sait cette bête en lui, et sûrement essaie-t-il de la contenir, jusqu'à l'évènement déclencheur qui le fait transgresser la limite. On dit qu'un chien qui a goutté au sang, est à abattre. En est-il de même pour lui ? Le déchaînement cathartique ne le condamne-t-il pas sà les répéter jusqu'à ce qu'il se fasse prendre ? Il peut être n'importe qui : votre voisin, un collègue, voir peut-être celui qui écrit ces critiques de films... Solitaire dans ses tempêtes de pulsions et dans l'assouvissement de sa violence, où l'agonie et les suppliques de ses victimes sont à ses oreilles merveilleuses mélodies, il rôde jusqu'à ce que l'Ordre finisse par le neutraliser (comme si une part de son humanité, le poussait toujours à l'erreur qui mettra un terme à son massacre).

Le Psychopathe a fasciné la littérature et le cinéma, comme il fait les choux gras des émissions télés et des rubriques faits divers. Il est ce miroir dans lequel se reflète la part sombre de notre animalité enchaînée par nos lois et la Morale. Un puit sans fond dans lequel nous aimons plonger notre regard pour surprendre l'éclat du Mal. Transfiguré par le 7e art, il est presque l'anti héros de notre ère, quand il est ne prend l'aspect de martyr mystique pour certaines âmes fragiles et névrotiques : un Prométhée du vice qui a eu l'audace de défier les dieux et leurs lois, en assumant ses pulsions les plus viles tout en bafouant les premiers commandements. Progénitures immondes de nos périodes pacifiées où plus un seul conflit n'a besoin désormais de sa psychopathie. Fils du Chaos, quand il s'éveille, il aurait presque sa fonction sociale : ses exactions mettant souvent le doigts sur les failles du système qui nous gouverne (vulnérabilité des personnes fragiles, la place des femmes dans la société etc.)...

HENRY : PORTRAIT OF A SERIAL KILLER n'a rien à voir avec ces figures criminelles où le psychopathe est un être raffiné et d'une intelligence extra-ordinaire... Non, Henry inspiré du tueur en série Henry Lee LUCAS, qui fabula plus ses crimes qu'il ne les commis est un loup, qui cède à ses pulsions, traîne dans les rues à bord de sa Chrysler rouillée jusqu'à ce qu'il repère une victime. Ses meurtres sont brutaux. Si brutaux que John McNAUGHTON les filme très peu, se contentant d'un plan sur les corps massacrés, sans vie, avec pour seule bande son, les cris et les coups. La violence de l'acte ne peut être visuelle sans qu'elle n'édulcore sa puissance dévastatrice : le réalisateur prend le parti pris du son qui sert de terreau à l'imagination du spectateur ; le cadre d'une Amérique réganienne, la photo granuleuse, la colorimétrie, donnent l'impression de se trouver aussi dans la tête d'Henry, et pourtant, malgré la barbarie, une forme d'empathie se crée entre cet anti-héros et le spectateur en parti grâce au jeu d'un Michael ROOKER tenant là un de ces tous premiers rôles qui sous son masque de chair et son regard reptilien, laisse transparaitre cet enfant forcé d'assister aux passes d'une mère castratrice, déguisé en fille pour ensuite être humilié par elle et ses clients, ainsi que cette solitude béante en lui, qui pour peu qu'on s'approche de trop près, nous ferait trébucher dans le vide.

Henry portrait of serial Killer picture.

Anecdote 1 : Il est amusant de constater que le manque de moyen (un budget seulement de 100 000 dollars) donna l'occasion à MC NAUGHTON d'éviter les effets spéciaux. Une bonne leçon de cinéma à ceux qui pensent que la créativité doit être à la hauteur d'un nombre de zéros sur le budget.
 


Anecdote 2 : Tout le film s'inspire peu ou prou d'une vraie affaire criminelle célèbre aux États Unis. C'est en tombant sur un documentaire sur Henry Lee LUCAS que MC NAUGHTON se propose de faire un film sur ce personnage qui se vanta d'avoir tuer plus de 360 personnes, seul ou avec son complice homosexuel et cannibale Ottis TOOL. Le premier décédera d'une crise cardiaque en cellule avec ses mensonges et ses secrets, l'autre du Sida. Il s'avèrera que LUCAS était plus mythomane que serial killer : en effet pour satisfaire le Ranger qui se chargeait de son enquête, Henry Lee LUCAS s'attribua de nombreuses affaires à la grande joie des policiers qui bouclèrent ainsi les dossiers et augmentèrent leurs statistiques, même si parfois deux affaires séparées d'une centaines de kilomètres de distances ont été liés malgré la preuve que LUCAS se trouvait ailleurs.(29 janvier 2017)

L'Artiste

BARTON FINK de Joel COEN - USA/1991/Couleur/ 116 mn

Barton Fink poster.jpg

Porté par son succès à Broadway, Barton Fink (John TURTORRO) est invité par le studio Capital Pictures pour écrire un scénario de film de catch. Tiraillé entre son éthique d'artiste engagé, sa volonté d'écrire une œuvre qui dépasserait en qualité la précédente, et sa solitude dans une ville étrangère loin des codes new-yorkais, il se confronte dans sa chambre d'un hôtel miteux au syndrome de la page blanche. Son voisin de chambre, Charlie Meadows (John GOODMAN), malgré son côté envahissant pourrait bien s'avérer d'une aide précieuse...

Barton Fink

L'artiste a besoin de solitude pour créer. Elle est pour lui comme une muse qui, dans ses moments d'inspiration, se penche par dessus son épaule pour lui souffler des images, des histoires, des couleurs ou des symphonies.


Combien d'entre eux se sont exclus socialement, se sont éloignés du bourdonnement frénétique du monde, pour se consacrer corps et âme à leur œuvre ? La sensibilité à fleur de peau les tourmentant si profondément dans leur chair, qu'ils se doivent de trouver une forme d'expression qui dépassent les mots. Œuvre qui devient plus tard pour peu que le fruit de leurs tourments touche le grand public un remède, une source d'espoir ou d'inspiration pour des générations d'âmes réceptives à leur création. L'artiste est un serrurier de l'Imaginaire, qui nous ouvre les portes d'un outre monde qui, tout en nous transportant, nous plongent plus encore en nous même...


Barton Fink est de ces artistes qui intellectualise tellement ce que ses viscères lui soufflent, qu'il en arrive à une forme de castration créative : le syndrôme de la page blanche. Hollywood est un néon anti moustiques, où nombre de génies s'y sont allés, attirés par les promesses de gloire, et s'y bruler les ailes. D'ailleurs, certains moustiques ne tourmentent ils pas le sommeil de ce jeune scénariste, quand ce n'est pas son voisin vendeur d'assurance à la bonhommie envahissante, qu'il ne sait écouter, malgré sa sensibilité d'artiste proche des "petits gens" ?


Les frères COHEN réussissent par l'image et les dialogues à retranscrire cette phobie de l'artiste ici celle de l'écrivain qu'est le manque d'inspiration – ou pire, quand l'inspiration est présente, l'impossibilité de la transmettre sur le support comme si l'artiste était prisionnier de l'attractivté de l'idée sans qu'il puisse s'extraire de son orbite et revenir dans le monde réel. Où cette feuille blanche (désormais l'écran d'ordinateur) renvoie au vide intime où le moindre son extérieur, le moindre détail que croise le regard, détourne la concentration stérile de ce moment où l'on tâtonne dans le noir de sa psyché en quête de cette amorce, de ce premier trait, ce premier mot, qui entrâinera les suivants en phrases, paragraphes, puis chapitres...


Dans cet hôtel miteux où les murs suintent la colle, désert malgré toutes ces chaussures posées aux perrons des portes à l'attention du cireur, comme une prison imaginaire où les prisionniers/ouvriers/artistes (car Hollywood est une industrie, ne l'oublions pas) mais aussi comme des personnages emprisonnés dans l'esprit de Barton FInk, le privant de leurs caractères et de leurs histoires, le héros est désespérément seul et conscient que l'on ne crée rien si on a pas cette oreille et le cœur nécessaire à sentir les âmes...


Le jury de Cannes 1991 ne s'est pas trompé en lui attribuant le prix de la mise en scène mais aussi la Palme d'Or.

Barton Fink picture.jpg

Anecdote 1 : Alors qu'ils écrivaient le scénario de MILLER'S CROSSING, en panne d'idée, les frères COEN écrivent le scénario de BARTON FINK en 3 semaines. Quel meilleur exercice pour lutter contre la panne d'inspiration que celui d'écrire dessus...


Anecdote 2 : En amoureux de cinéma, Ethan et Joel COHEN s'inspirent et font des hommages à de vraies personnalités de l'Âge d'Or d'Hollywood : Barton Fink : Cliffords ODETS, jeune dramaturge qui suite au succès d'une de ces pièces de théâtre à New York, s'en alla écrire à la Mecque du Cinéma ; Jack LIPNIZ ; Harry COHEN, producteur connu pour être un dictateur autoritaire ; W. P Mayhew, un mixe entre William FAULKNER et F. Scott FITZGERALD. (26 février 2017)

L'Etranger

THE 13TH WARRIOR (LE 13e GUERRIER) de John McTIERNAN - USA/1999/Couleur/ 102 mn

13th Warrior poster.jpg

921 après Jésus Christ. Ahmed Ibn Fahdaln (Antonio BANDERAS), poète à la cour du Calife de Bagdad est éloigné du palais pour avoir convoité une femme d'un proche de ce dernier. Sous le statut d'ambassadeur, il parcourt le monde jusqu'à ce qu'il croise le chemin d'une troupe de Vikings qu'il rejoint comme 13e guerrier sur les conseils d'un oracle, afin de sauver un village nordique victime d'une invasion de démons, si terrifiants que nuls n'osent prononcer leur nom...

13th Warrior

L’Étranger est un solitaire, loin de sa famille et de ses proches, il subit plus souvent  cette condition qu'il ne la choisit, chassé par la guerre, la folie sanguinaire d'un tyran ou la famine, l’Étranger doit son salue et son intégration, par l'observation. Discret et armé de patience, le regard captant le moindre détail des interactions sociales de cette nouvelle civilisation qui l'accueille dans sa fuite, il apprend peu à peu le langage, les us et coutumes et toutes les subtilités qui fondent la culture du peuple hôte... Une intégration qui s'enrichit de sa propre histoire, de sa propre culture, faisant de lui un être à part qui, même s'il finit par prendre racine, conservera toujours ce recul et cette perception décalée sur tout ce qui touchera, de prêt ou de loin, sa terre d'accueil...

Dès le générique, un détail met la puce à l'oreille et confirme ce qui se disait à Hollywood : une production CRICHTON / McTIERNAN : le "/" étant comme un coup de hâche entre ces deux caractères réputés têtus et difficiles. Un tournage houleux qui poussera John McTIERNAN (DIE HARD, PREDATOR) à claquer la porte durant la phase de post production, laissant ainsi le champs libre à l'auteur/producteur Michael CRICHTON (auteur notamment de JURASSIC PARK, mais aussi MONDWEST qui sera repris bien plus tard par HBO pour WESTWORLD). Mais malgré la gestation et son accouchement difficile, THE 13th WARRIOR à la réputation de "Grand Film Malade" s'impose comme un modèle du genre. Ne serait-ce par le biais de cette scène où l'on voit le personnage interprété par Antonio BANDERAS, assimiler le langage des nordiques au fil des soirées passées avec ses compagnons autour du feu : subtile, simple, et d'une efficacité rare...


Soucieux d'une forme de crédit historique enrobé d'un étrange mystère, le film vire à la barbarie pleine de bruits et de fureur, préfigurant la future trilogie LORD OF THE RINGS.


THE 13th WARRIOR est d'autant plus attachant qu'il marque le début du déclin dans la filmographie d'un John McTIERNAN dont l'aboutissement de celui-ci sera  son emprisonnement en 2013, condamné dans l'affaire Pellicano et ses écoutes illégales et qu'il prend pour héros un perse musulman, chose qu'il est presque impossible de revoir de nos jours, en l'état actuell des productions hollywoodiennes...

13th Warrior picture.jpg

Anecdote 1 : le roman de Michael CRICHTON "Le Royaume de Rothgar" dont THE 13th WARRIOR est l'adaptation, est lui même inspiré des récits d'Ibn Fadlân, poète du Xe siècle, qui a écrit le récit de ses voyages en tant qu'ambassadeur du Calife de Bagdad.


Anecdote 2 : Le nom du chef Viking, Buliwyf (Vladmir KULICH) est un clin d'oeil au mythe de Beowulf dont le scénario est un peu inspiré...

 

Anecdote 3 : Pour s'assurer qu'aucune version de Mc TIERNAN ne sortira sur support, Michael CRICHTON brûlera les bobines des scènes tournées par ce dernier (9 avril 2017)

Le Sage

BOM YEOREUM GAEUL GYEOUL GEURIGO BOM (PRINTEMPS, ÉTÉ, AUTOMNE, HIVER... ET PRINTEMPS) de Kim KI-DUK - CORÉE DU SUD/2003/Couleur/ 103 mn

Un vieux maître zen vit avec un petit garçon dans un temple en bois, flottant à la surface d'un lac de montagne. Au fil des saisons, le sage suit l'évolution de son jeune disciple, assiste à la perte de son innocence et à ses premières passions. Passions qui finiront par le corrompre et le consumer de l'intérieur jusqu'à ce que le jeune moine trouve la voie de la rédemption...

Printemps automne hivers printemps poste
Printemps Eté Automne Hiver Printemps

Le Sage embrasse la Solitude dans un abandon total. Loin du tumulte de la société, de son matérialisme verni de superficialité, il s'enfonce dans une nature reculée pour y trouver la paix et cette sérénité précieuse pour penser, si loin, que le temps moderne même, aux pulsions sexagésimales artificielles, semble abandonner l'idée de le suivre. Les saisons défilent, sa vie suit le rythme d'une nature qui meurent et renaît. Avec le temps, il s'adapte à celle-ci, suit ses rites et médites. L'égo n'est plus qu'une étincelle : le Sage fait désormais parti d'un tout. Tel l'arbre enfouissant profondément ses racines, ses pensées vont autant dans les sombres recoins de sa psyché qu'il s'élève, si haut qu'il lui est possible de percevoir la vraie nature de l'Homme par delà les Montagnes infranchissables qui l'entourent.


Mais de nos jours où le Sage peut-il se réfugier ? Tant notre monde hyper connecté annhile toutes frontrières et refuges, où le futile, l'impulsif et l'émotion règnent en maître : quelle partie du Monde reste-t-il pour méditer, loin des hommes et de leur boucan ? La méditation serait-elle amener, elle aussi, à disparaître comme nombre d'espèce face à la voracité égotique de l'homme ?

Kim KI-DUK, porté par sa passion d'artiste autodidacte, offre des tableaux animés illustrant les saisons, et conte cette belle histoire pleine de poésie bouddhiste sur un maître Zen qui suit l'évolution, la destruction et la renaissance de son jeune disciple, conscient que le cycle de la vie nous impose de franchir le seuil de la souffrance et des erreurs pour que l'on puisse s'élever et effleurer du doigt, cette vérité que tant souhaite éluder. La vie d'un homme serait-elle à l'image du passage des saisons, non une linéarité mais un Cycle, comme l'Arbre qui perd ses feuilles et les retrouvent, mais plus grand, plus majestueux, plus fort.

 

PRINTEMPS, ÉTÉ, AUTOMNE, HIVERS... ET PRINTEMPS est si chargé de symboliques bouddhistes qu'un seul visionnage ne suffit pas pour assimiler toute sa richesse et sa profondeur...


D'une beauté sublime, on se surprend à rêver cet endroit paradisiaque où la folie des hommes ne serait qu'une légère rumeur portée par les vents d'hiver. Et en ces temps difficiles, encerclé de bitume et de rage gratuite et folle, ce lieu n'en est que plus attractif... Qu'importe si l'on doit subir le froid glacial de l'hiver, l'été suffocant et caniculaire au silence cisaillé par les stridulations des grillons, la Nature sait aussi offrir les douceurs des nappes épaisses de neiges immaculées, la renaissance majestueuse d'un environnement qui s'éveille, la vitalité d'un été éphémère qui s'éteint peu à peu, au point que les feuilles des arbres elles même prennent la teinte de mille feux...


Kim KI-DUK fut sûrement ma première rencontre avec le cinéma du Pays du Matin Calme, et ce fut bien avant l'explosion de leur industrie qui ne cesse de nous surprendre, tant sur la forme que sur le fond de leurs productions... Ce dernier, après avoir été accusé d'harcèlement, décède dans l'indifférence la plus complète, à Riga, en Lettonie, sa nouvelle patrie d'accueil, du COVID.

 

La Cancel Culture aura eu raison de ce cinéaste coréen atypique, privant le cinéma d'un génie à l'œuvre tout aussi sage, profond, que complexe...

film-printemps-ete-automne-hiver-printem

Anecdote 1 : Parmi la multitude de symboliques que regorgent le film, une saute au yeux : la présence d'animaux pour chaque tableau saisonnier, comme des références chronologiques : le chien, le coq, le chat, le serpent et tortue qui marquent les années...

 


Anecdote 2 : Comme pour donner une puissance plus autobiographique, Kim KI-DUK interprète le moine qui récupère le vieux temple et prend en charge, au second printemps du film, un jeune disciple que le destin fait croiser sur son chemin...

Le Fantôme

HONOGURAI MIZU NO SOKO KARA (DARK WATER) de Hideo NAKATA - JAPON/2002/Couleur/ 101 min

Dark water 2.jpg

La vie de Yoshimi Matsubara est une lutte : Jeune mère en instance de divorce, n'ayant plus exercée sa profession depuis la naissance de sa fille, elle doit trouver un travail et se battre pour conserver la garde de sa fille face aux coups bas d'un ex mari qui souhaite juste lui faire payer son souhait d'indépendance.


C'est aussi la bataille pour trouver un appartement potable où elle pourra vivre avec sa fille et ce, malgré son modeste salaire.


Face à l'urgence, Yoshimi accepte cet appartement dans un immeuble vétuste mais très vite, des choses étranges s'y déroulent. Tout d'abord, il y a ce sac d'enfant trouvé par sa fille sur le toit de l'immeuble dont elle ne peut se débarrasser, comme si quelqu'un s'obstinait à lui remettre toujours dans les pattes... et puis cette infiltration d'eau s'écoulant du plafond qui semble ne pas inquiéter les locataires de l'appartement du dessus et dont ils peuvent entendre l'enfant courir à toute heure de la journée...

Dark Water

Le Fantôme est l'expression d'une solitude par delà la mort. Qu'il ignore ou qu'il nie son propre trépas, il erre, prisonnier de sa dernière demeure ou d'une boucle temporelle, ne croisant dans son égarement les survivants de ce monde auquel il n'appartient plus et dans lequel il ne peut qu'interagir qu'en silence. L'incommunication est telle qu'elle paraît insurmontable, brouillée qui plus est par la peur que suscite son apparition et son statut du revenant. Car sa présence ne confirme-t-il pas qu'il y a quelque chose après la Mort, une destination toute au moins pour les âmes, qu'il serait possible de refuser ou de manquer ? Ne s'effraie-t-on pas du fantôme pour ce que nous devinons métaphysiquement à travers sa présence, plus que de la raison de son apparition qu'elle soit motivée par le chagrin ou la soif de vengeance ? Celui d'une âme perdue, esseulée, enchaînée par cette ultime et vive émotion qui accompagna son dernier souffle de vie : qu'il soit serein, apaisé, protecteur ou vengeur, il est malgré lui un messager solitaire expulsé du Temps.

Le Fantôme n'est il pas aussi l'expression de la solitude dans nos sociétés modernes, une projection de soi dans une société qui n'a jamais été si interconnectée (réseau sociaux, travail, pandémie, etc.) et qui n'a jamais autant souffert de l'isolement. N'existe-t-il pas des âmes si esseulées qu'elles peuvent passer une journée entière en société sans croiser un éclat d'intérêt dans le regard de l'autre ?

Hideo NAKATA, qui impulsa le J-Horror avec RING, adapte à nouveau l'auteur de celui-ci, Kôji SUZUKI. DARK WATER a ce petit plus qui le classe dans les pièces maîtresses du genre. Car au delà d'une simple histoire d'épouvante de fantôme, c'est aussi un beau portrait de femme luttant contre une société machiste, où il n'est pas bon de vouloir gagner son émancipation et surtout, une tendre histoire entre une mère et sa fille. L'horreur est une chose, mais pour qu'elle soit percutante, saisisse le spectateur et l'emporte dans l'effroi, il lui faut du cœur : une détresse, de l'émotion qui l'appâte. Et DARK WATER trouve cet équilibre parfait, au point qu'une porte suffit à s'ouvrir lentement, au fond d'un couloir, pour que l'on ressente la chair de poule...


Le final quant à lui, d'une beauté à fendre le cœur ne peut que nous rappeler que la peur n'est que trop souvent la source d'un amour incompris et offre certainement le plus bel hommage au sacrifice maternel.

Dark water picture.jpg

Anecdote 1 : Hideo NAKATA a commencé sa carrière dans la mise en scène de Pinku Eiga (film à caractère érotique) et peut être est-ce ce qui a toujours donné une puissance à ses films d'épouvante. Mêlé l'Eros au Thanos dans sa mise en scène qui accouche d'un malaise qui vous drape dans l'effroi.


Anecdote 2 : En 2013, le film fait à nouveau parler de lui à l'occasion d'une étrange affaire criminelle à Los Angeles. Elisa LAM, étudiante canadienne d'origine honk kongaise est retrouvée morte à l'Hôtel Cécil, dans des circonstances quasi identiques à DARK WATER. Le plus troublant, c'est que cette jeune femme en vacances et logeant dans cet hôtel est filmée par les caméras de surveillance de l'hôtel en train de communiquer avec des personnes invisibles, dans cet établissement réputé hanté. Sa mort fut classée comme accidentelle, même si personne ne saura vraiment comment cette jeune femme a pu se trouver dans cette partie de l'hôtel normalement accessible qu'au personnel qualifié Netflix produira un documentaire sur cette affaire, et le phénomène des réseaux sociaux qui fut pour beaucoup dans la surexposition de cette affaires aux théories complotistes... (6 aout 2017)

Le Survivant

127 HOURS (127 HEURES) de Danny BOYLE - USA&GB/2010/Couleur/ 94 min

127_hours_poster_01.jpg

Aron Ralston (James FRANCO) est passionné de randonnée au point qu'il n'a pas besoin de trouver quelqu'un pour la partager et la vivre pleinement. A la moindre occasion, il n'hésite pas à monter dans son 4X4, avec sac à dos, couchage, gourde et couteau suisse, il s'en va dans les Gorges de l'Utah éprouver l'environnement du Blue John Canyon sous les pneus crantées de son VTT. Ses performances n'ont qu'un but : ne faire qu'un avec la Nature, loin de la ville et de son animation, de cette énergie de ruche en furie, de sa folie et de sa pollution, une fuite en avant où seul son corps marque ses limites. Aron apprécie tellement ses périples qu'il ne prend plus la peine de dire à ses proches où il part et quand il reviendra, tant cela est devenu une seconde nature : il est libre et ne doit des comptes à personne, si ce n'est aux règles élémentaires de survie et de sécurité qu'impose la Nature. Car si paisible soit elle, elle n'est jamais avare de dangers mortels.


Une minute d'inattention, et qui viendra vous sauver quand nul ne sait où vous vous trouvez ? et l'ironie du sort ne veut-elle pas que même le plus vigilant des hommes ne soit jamais à l'abri du danger ?


127 Hours

Plus encore quand celui-ci, dans sa précipitation, part sans son couteau suisse ?

Le Survivant n'éprouve-t-il pas la plus horrible et profonde des solitudes ? Douleur, famine, déshydratation, délire, coincé, si loin de la société que nul n'entendra ses appels au secours. Seules lui restent sa conscience et sa perception du temps, rythmé par les foudres de douleurs, pour sentir s'approcher de ce seuil qui interdit tout retour : l'espoir est une fleur coupée qui fane rapidement.


Le Survivant a ce privilège de vivre ses limites jusqu'à ses extrémités, de frôler cet abîme de désespoir. "Quand tu regardes l'abîme, l'abimes regarde aussi en toi" comme dirait Friedrich : trahi par les carences de son organisme, une porte s'ouvre dans la psyché du survivant que l'inhibition lui a jusqu'alors condamné, où passé et futur s'entremêlent et s'enserrent, étouffent cet instant qui n'est que souffrance, agonie, abandon et solitude. Le Survivant est le vainqueur de ces propres limites : il en sortira différent, à jamais marqué, et pour peu qu'il ne cède pas à la posture statique du trauma, s'en sentira transfiguré, : l'agonie et le surpassement que nécessite la survie, ne seraient-elles pas à l'image de ces métamorphoses qui font des larves des papillons ?

Danny BOYLE fort du succès de SLUMDOG MILLIONNAIRE, s'offre une expérience plus visuelle et expérimentale : un "survival" inspiré d'une histoire vraie, celle vécue par Aron RALSTON qui survécu au prix d'un sacrifice extrême alors qu'il a frôlé la mort, main coincée sous une pierre, dans un canyon en fente des Gorges de l'Utah, après 127 heures d'agonie : une expérience cinématographique viscérale qui n'épargne pas le spectateur, capté par le jeux et la présence d'un James FRANCO. Fort de ses expériences visuelles sur ses précédents projets, on se laisse happer par le délire d'Aron dont la raison sombre peu à peu au fil de son agonie et de son désespoir... conscient que la Mort ne tardera pas à le cueillir. Car on peut accepter son funeste destin, mais un peu moins le chagrin de ceux qui nous aiment et qu'on laisse sans la moindre explication sur votre disparition. Efficace, délirant, montage serré, 127 HOURS, c'est 94 minutes d'un "survival" qui tient autant au montage et la mise en scène qu'au personnage à la main coincée, faisant l'introspection sur sa vie, ses erreurs et ses espoirs...

127-hours-2-scream4-help.jpg

Anecdote 1 : Ryan GOSLING a été pressenti pour ce rôle : il est amusant de constater qu'il est difficile de l'imaginer à la place de James FRANCO, tant ce dernier semble parfait dans la peau du personnage.


Anecdote 2 : Il se dit que la venue de l'hélicoptère arrive au bout d'une heure et 27 minutes de métrage : hasard ou volonté perfectionniste du réalisateur ? (21 aout 2017)

bottom of page