top of page

Ron Howard

Ron Howard

L'obsession du dépassement

THE SPIKES GANG (DU SANG DANS LA POUSSIERE) de Richard FLEISCHER – USA/1974/Couleur/ 96 mn

Trois jeunes gens, Will (Gary GRIMES), Les (Ron HOWARD) et Tod (Charles Martin SMITH) s’ennuient dans leur petite ville de Far West et rêvent d’aventure, jusqu’à ce qu’ils tombent un jour sur un homme gravement blessé qu’ils réalisent être le fameux braqueur de banque, Harry Spikes (Lee MARVIN). Ce dernier rétabli et sauvé par les jeunes gens, reprend sa fuite, mais il ne faudra pas longtemps pour ces jeunes gens de tenter de leur côté l'aventure du Grand Ouest, et d’abandonner famille et promesses d’un avenir embourbé d’ennui, pour la vie de Hors la loi. Mais celle-ci ne ressemble en rien à celles lues dans les romans d'aventures qu'ils s'échangeaient, et avoir sa tête mise à prix vous destine plus sûrement au nœud coulant d'une potence, si elle ne vous promet pas une vie de pleine de peur, de sueur, de poussière et de sang, plutôt que celle entourée de jolies femmes...

The spike gang.jpg
The Spike Gang

Ron HOWARD rejoint le casting de ce western mis en scène par ce vieux briscard de Richard FLEISCHER au summum de sa carrière, se situant entre un classique de la Science-Fiction : SOYLENT GREEN (SOLEIL VERT) et  un pamphlet contre l'esclavagisme : MANDIGO – qui, par son refus d'un traitement manichéiste, fera basculer sa carrière.

Ron HOWARD n’est pas un visage inconnu du public tant il est loin déjà de son premier rôle. Né le 1er mars 1954 à Duncan dans l’Oklahoma, Ronald William HOWARD, fils de comédiens, tombent très tôt dans le bain du cinéma. Dès ces 18 mois, il est sur FRONTIERE WOMAN, un western de Ron ORMOND. En 1973, AMERICAN GRAFFITI de Georges LUCAS le met plus en avant et, après un épisode sur la série M.A.S.H, il interprète le fameux Richie Cunningham dans HAPPY DAYS en 1974 dont il tiendra le rôle pendant 6 ans, avant de se retirer peu à peu de cette série populaire. Bien que THE SPIKE GANG pourrait paraître sans importance dans la filmographie de Ron HOWARD, il a peut-être laisser une empreinte, tant la carrière de Richard FLEISHER évoque la sienne, avec cette façon de toucher à tous les genres et d’y rencontrer autant le succès que les bides.

The spike gang picture.jpg

Au-delà du western typique des années 70 qui brisent de milles éclats le mythe fondateur américain du western trop souvent idéalisés par John FORD et Howard HAWKS, THE SPIKES GANG traite avec réalisme de la désillusion d’une jeune génération ayant construit ses idéaux sur la base de récits héroïques expurgés de toutes noirceurs où le hors la loi est plus perçu comme un aventurier, un rebelle, qu’un criminel ; mais aussi de cette réalité qui traverse tous les siècles, celle où la vieille garde n’hésite jamais à sacrifier la génération qui la succède. Ici les braquages ne sont pas l’œuvre de bravoure et d’héroïsme : ils sont fatals, tant pour ceux qui les subissent que ceux qui les occasionnent. Les balles fusent, transpercent les corps, et il n’y a pas que la poussière qui est imprégnée de sang. Harry SPIKES (Lee MARVIN) profitant de sa figure de père qu’il inspire aux trois jeunes, est si hanté par sa propre mort qu’il entraîne avec lui ces trois idéalistes dans son parcours de sang, au risque de sacrifier leur propre jeunesse et liberté.

 

Ce western porte en lui un sujet universel : l’influence que peut avoir certaines figures sur de jeunes idéalistes, que nous retrouvons partout dans l’histoire, depuis l’aube de l’humanité jusqu’à nos jours, où des jeunes sont prêts à partir pour des conflits lointains, vivre l'aventure, en se laissant endoctriner par des idéologies radicales et barbares, portées par des figures portant le masque du respect et de la sagesse, quand ils n'adhèrent pas à des discours politiques se basant sur le rejet et un passé fantasmé, les projetant vers un idéal mortifère.

COCOON – USA/1985/Couleur/ 117 mn

Cocoon poster.jpg

Trois pensionnaires d’une maison de retraite, vont comme à leur habitude se baigner dans la piscine d’une villa abandonnée, et découvrent un jour que de mystérieux cocons se trouvent au fond du bassin. Passé la curiosité et ne pouvant en sortir une des eaux, ils s’adonnent à leur chahut comme à leur habitude, dans la limite de ce que leur corps vieillissant permette. Au lendemain de cette escapade, leur santé s’améliore au point qu’ils retrouvent leur vigueur de jeunesse.

Cocoon

1977, Ron HOWARD se lance enfin dans la réalisation de long métrage avec GRAND THEFT AUTO (LACHEZ LES BOLIDES) après s’être essayé à la mise en scène avec trois court-métrages. GRAND THEFT AUTO raconte le périple de deux amoureux ayant volé la Rolls Royce du père de la jeune femme. En 1982, il enchaîne sur NIGHT SHIFT (LES CROQUES MORTS EN FOLIE) où l'on suit deux jeunes gens enfermés la nuit dans une morgue). 1984, c'est la consécration : SPLASH avec Tom HANKS et Daryl HANNAH qui remportera un si franc succès au box-office qu’il rentre dans la cour des grands.

Robert ZEMECKIS étant engagé sur le tournage de ROMANCING THE STONE (A LA POURSUITE DU DIAMANT VERT), 20th Fox Century se tourne vers Ron HOWARD et bien leur a pris. Le film casse la baraque au Box-Office, et sera sélectionné dans 19 festivals, où il remportera 7 récompenses dont 2 oscars – celui des meilleurs effets spéciaux et du meilleur second rôle.

Même si l’histoire évoque plus ou moins un épisode de la série télévisée TWILIGHT ZONE (JEUX D’ENFANTS, épisode 21 de la 1ere saison), ce film a tout du feel good movie où pour une fois, ce sont les séniors qui tiennent le premier rôle, même si l’intrigue retrouvera un jeune Steeve GUTTENBERG – THE BOYS FROM BRAZIL (LES GARCONS QUI VENAIENT DU BRESIL) de Barry KOHLER et, dans un autre registre la série de films POLICE ACADEMY – dont la présence est purement anecdotique, tant son personnage apporte peu d'intérêt à l'intrigue comme si ce dernier avait été parachuté dans le scénario afin de créer un lien avec le jeune public, dans cette histoire portée essentiellement  sur les préoccupation des personnes âgées et la nostalgie de la jeunesse perdue.

Cocoon picture.jpg

Se démarquant des comédies familiales traitant du mythe de la fontaine de jouvence, COCOON incarne à sa manière le passage de relais entre différentes générations d’acteurs comme l’Histoire du Cinéma peut offrir quand deux générations d'acteur se chevauchent. Plutôt qu'être dans la confrontation où, au terme d'une histoire, l'ancienne génération se met en retrait pour la nouvelle, COCOON est un chant d'honneur pour une vieille garde qui sombrait peu à peu dans l'oubli du public, avec un casting composé de certaines légendes d’Hollywood telles que Don AMECHE – ALEXANDER’S RAGTIME BAND (LA FOLLE PARADE) d’Henry KING –, l’éternel second rôle Wilford BRIMLEY – THE THING de John CARPENTER –, Hume CRONYN – SHADOW OF DOUBT (L’OMBRE D’UN DOUTE) d’Alfred HITCHCOCK–, Maureen STAPLETON – THE FUGITIVE KIND (L’HOMME A LA PEAU DE SERPENT) de Sidney LUMET –, dont Brian DENNEHY –  le shérif Teasle dans FIRST BLOOD (RAMBO) de Ted KOTCHEFF – serait la passerelle avec liant ce casting à la nouvelle génération d'acteurs.

Bien que le film profite d’effets spéciaux révolutionnaires pour l’époque, des studios INDUSTRIAL LIGHT & MAGIC, Ron HOWARD ose offrir à la nouvelle génération de spectateurs, un cinéma plus ancré dans un âge d'Or où danser était aussi naturel dans un film que d’aimer, tout en abordant sous un angle tendre et drôle, les désarrois que provoque la vieillesse. Que pouvions nous attendre d'un enfant de la toile ?

WILLOW – USA/1988/Couleur/ 126 mn

Willow poster.jpg

Suite à une prophétie annonçant la naissance d’une princesse capable de menacer son règne, une reine tyrannique ordonne à ses soldats qu’ils arrêtent toutes femmes enceintes du royaume, afin de tuer chaque enfant mis au monde. Dans le donjon du château de la reine, une enfant naît en cachette et est remise à une servante qui s'empresse de mettre la nouvelle née à l'abri. La reine apprenant qu'un enfant vient de naître au sein même de son château, envoie ses molosses rattraper les fuyards, mais la servante met à temps l'enfant dans un berceau d'osier sur les eaux de la rivière.Quelques temps plus tard, un fermier qui se destine magicien malgré les moqueries de ses compagnons villageois, récupère l’enfant sans se douter qu’il va se retrouver impliqué dans une histoire qui dépassera ses rêves d’aventures.

Willow

Ron HOWARD, scintillant de l’aura du Golden Boy à qui tout réussi, n’attend pas longtemps pour retrouver les plateaux de tournage après la sortie de COCOON, et dirige à nouveau Michael KEATON pour GUNG HO  (GUNG HO, DU SAKE DANS LE MOTEUR, 1986) qui illustre à sa manière le contexte de rachat d’entreprises américaines par le Japon que connaîssait les Etats Unis, au point d'obséder Hollywood. Une réalisation afin de garder la main – ou la baraka –  en attendant un projet plus à la hauteur de ses ambitions. Georges LUCAS, pendant ce temps, cherche le réalisateur qui pourrait transposer un projet qu'il a à cœur mais qu'il ne peut mettre en scène lui même : pourquoi pas cet ancien acteur qu'il a dirigé dans AMERICAN GRAFFITI, n'y a-t-il pas un peu de lui et de Steven SPIELBERG dans ce jeune acteur/réalisateur qui vient d'enchaîner deux gros succès au Box office et qui n'a plus rien à prouver, et qui semble être en plus à l'aise avec cette nouvelle génération d'effets spéciaux ?

Car Georges LUCAS mijote ce projet depuis 1972. Il le chéri tout autant que sa trilogie STAR WARS, mais ce n’est qu’à partir des années 80 et grâce aux avancées dans le domaine des effets spéciaux qu’il se décide à lancer cette histoire fortement inspirée de ses lectures des mythes et des travaux de Joseph CAMPBELL. Une nouvelle fois mais dans un univers d’Heroïc Fantasy cette fois  on retrouve un héros impliqué malgré lui dans une aventure destinée à changer la face d’un monde dominé par un tyran, et qui se révèlera dans sa quête, avec pour compagnon un aventurier à la moralité douteuse qui s’éprendra d’une princesse bien évidemment, le héros étant toujours pur (mais là un peu plus sexué car père de famille), le tout sur les rails de l'ironie d'une prophétie auto réalisatrice…).

Georges LUCAS croise le chemin de Warwick DAVIS (la saga LEPRECHAUN, LIFE IS TOO SHORT où il joue son propre rôle) sur le tournage du RETURN OF JEDI où il interprète l’Ewok Wicket. L'acteur principal trouvé, son choix se porte donc sur Ron HOWARD.

Willow pictures.jpg

Bien que profitant des technologies révolutionnaires d’INDUSTRIAL LIGHT & MAGIC, WILLOW ne laisse pas une marque indélébile dans l’Histoire du cinéma tant il souffre d’un manque de moyen par rapport à ses ambitions. Sûrement l'ombre de son producteur/concepteur qui a pesé sur les épaules de Ron HOWARD qui n'a pu travailler en toute liberté.  Mais la fraîcheur du personnage principale – le choix d’un acteur de petite taille permettant d’illustrer littéralement la lutte des faibles contre les puissants, thème cher à LUCAS – et les péripéties d’un Madmartigan (VAL KILMER), mercenaire sans foi ni loi qui s’éprend de la noble cause tout en s’adonnant à certaines formes de grivoiseries, laisse une impression de bons moments qui s’estompent assez rapidement avec le temps. Ron HOWARD cherchait à changer de registre en s’éloignant du feel good movie qui fit son succès et commence à en faire sa marque, et pourtant, on ne le sent pas encore prêt à passer le cap. Bien au contraire, on sent dans la mise en scène qu'il s'accroche à ses habitudes.

WILLOW, marquera pourtant son temps avec l'usage du morphing – une première pour l’époque – où une sorcière qui, subissant les maladresses de l’apprenti magicien Nelwyn, sous les yeux ébahis des spectateurs, se changera de phalanger à chèvre, de chèvre à autruche, d’autruche à tortue, de tortue à tigre et enfin de tigre à sorcière.

 

Mais malgré les espoirs de Georges LUCAS, WILLOW n’atteindra pas l’objectif qu’il espérait, à savoir d’atteindre les scores d’E.T au box-office sorti 6 ans plus tôt, même si, avec le temps et le marché vidéo, le film gagnera en réputation. L’univers d’ailleurs continuera d'évoluer puisque quelques années plus tard, une série de roman sera publiée, reprenant les mêmes personnages et qu’au moment où cet article s’écrit, Disney travaille sur une série pour sa plateforme de streaming.

BACKDRAFT – USA/1991/Couleur/ 132 mn

Ron HOWARD continue dans sa lancée avec PARENTHOOD – PORTRAIT CRACHE D’UNE FAMILLE MODELE –, en 1989, qui rencontra un beau succès au box-office US en atteignant les 100 millions de dollars aux États Unis et qui sera son premier vrai succès commercial – mais, curieusement, en France, le film ne cumulera  que 26 000 entrées ! – avant de d’enchaîner sur un projet risqué, capable de lui brûler les ailes : BACKDRAFT.

Backdraft-movie-poster.jpg
Backdraft

100 millions de dollars, c’est justement le budget pour cette nouvelle production spectaculaire qui restera dans les annales des effets spéciaux de plateau dans le domaine de la pyrotechnie. L’histoire suit deux frères, orphelins d’un père pompier mort au combat contre le Feu, confrontés à une série d’incendies criminels dont la maîtrise évoque l’œuvre d’un professionnel du feu. Un pyromane ? Ou ne serait-ce pas plutôt un membre de la compagnie ? Et, si tel est le cas, pourquoi ses victimes ? Quel lien les unit-il ?

On a comme l’impression que Ron HOWARD aborde enfin ce qui le tiraillait depuis longtemps, et qui fait échos à ce que préfigurait peut-être son personnage dans THE SPIKES GANG (DU SANG DANS LA POUSSIERE) : franchir la ligne et repousser toujours un peu plus la limite. Loi, vitesse, espace, océans, frontière du Grand Ouest, raison, Ron HOWARD amorce peut être à travers BACKDRAFT, dont l’élément Feu joue le personnage principal, cette thématique obsessionnelle que l'on ne peut que sentir en visionnant la plupart de ces projets : le dépassement d'une humanité confronté aux limites qu'impose le monde, qu’il soit d’ordre physique, sociale ou psychologique. Concept, dans ce projet plus que les autres, qu'il s'applique à lui même tant la logistique et la sécurité ont du énormément peser sur le tournage.

backdraft-great-pic.jpg

BACKDRAFT suit une intrigue très marquée par son temps au point que l’on suspecte assez vite que le mouton noir se trouve très certainement dans le troupeau. Qu’importe… la pyrotechnie est saisissante (rappelons que ce sont des effets spéciaux de plateau, que les incendies sont bien réel et que, bien que maîtrisé, les acteurs s'y exposent totalement – même si l'on se doute que, nombre d’entre eux, sont doublés – et que rare une telle pyrotechnie a été vu au Cinéma de cette manière). Cela se ressent d'ailleurs tellement qu’il ne manquerait plus que l’odeur de brûlé et la bouffée de chaleur dégagé par une contre explosion – qui donne d'ailleurs son nom au titre – pour que l’on cède à la panique et fuit vers les sorties de secours.

Le casting, quant à lui, impressionne le cinéphile puisqu’il regroupe Kurt RUSSELL, William BALDWIN Scott GLENN, Donald SUTTERLAND et Robert de NIRO, ce dernier, d’ailleurs, est curieusement discret dans son rôle d’inspecteur de la compagnie de pompier comme pour mieux mettre en avant le jeune BALDWIN, comme si un feu de forêt s’estompait le temps qu’une allumette se consume. BACKDRAFT c’est aussi une des premières compositions d’un jeune compositeur, Hans ZIMMER, qui marquera pour longtemps l’art de la musique de film – pour le meilleur comme pour le pire, tant ce dernier sert encore de mètre étalon dans le domaine.

Le film aura assez de succès pour donner l’idée à Universal de créer une attraction dans son parc, fermée depuis, et proposer une suite tardive en 2019 qui ne sortira qu’en direct to video.

FAR AND AWAY (HORIZONS LOINTAINS) – USA/1992/Couleur/ 140 mn

Comme pour se libérer de l’enfer qu’à pu être le tournage de BACKDRAFT, avec sa pyrotechnie n’acceptant aucune erreur, son casting de stars aux égos inflexibles couverts, très certainement, par de mirobolants contrats d'assurance, la pression du succès public et de cette industrie qui vous demande toujours de faire plus, Ron HOWARD s’échappe en Irlande pour nous conter une histoire qui, à bien des égards, évoque ces fragments de mythes fondateurs ayant construit l’Amérique et que le Cinéma apprécie tant.

Far and Away poster.jpg
Horizons lontains

Joseph Donelly (Tom CRUISE) s’arrache les ongles dans une terre caillouteuses sur cette île verte, jusqu’à ce que son père soit tué accidentellement par les hommes de main du propriétaire terrien. Porteur du flambeau glacé de la vengeance, il se promet d’honorer la mémoire de son père, même si c'est au prix d'une part de son humanité. Mais alors qu'il s'apprête à passer à l'acte, il rencontre Shannon Christie (Nicole KIDMAN), aristocrate capricieuse, que son énergie et sa soif de vie mettent à l'étroit dans cette aristocratie poussiéreuse. Shannon s'évade à travers ses rêves qu'elle espère concrétiser, notamment celui de rejoindre une Amérique fantasmée – dont on peut apprécier le lien avec THE SPIKE GANG –, où tous les rêves sont réalisables, pour peu que l’on veuille se pencher pour les cueillir.

 

Les deux jeunes gens fuguent, et dès leur arrivée au port de New York, réalisent très vite qu'il y a toujours un écart entre ce que l'on rêve et ce que le réel vous propose :  une cité qui grouille de pauvreté et de vulgarité, où la violence peut être la seule forme de communication audible. Shannon voit peu à peu son rêve s’étioler et regrette sa vie d'aristocrate au fil des journées à l’usine où elle s'abime les mains, et les nuits dans cette chambre de maison close qu'elle partage chastement avec un Joseph qu'elle fait passer pour son frère. Ce dernier, sachant faire parler ses poings, gagne peu à peu ce respect et cette notoriété auxquels il prétendaient et que sa condition en Irlande ne lui permettait pas d'apprécier.

Far and away pictures.jpg

En le résumant ainsi, on pourrait craindre que FAR AND AWAY (HORIZONS LOINTAINS) aime à se vautrer dans le misérabilisme, la noirceur et la misanthropie. Et pourtant, dès le premier plan, on sent une énergie rare, une vitalité généreuse, tout comme il donne l'impression que le film est bien plus personnel qu’il n'y parait (pourrait-on y voir un hommage à des ancêtres ?), avec sa photographie (Mickael SALOMON ayant déjà travaillé avec Ron HOWARD), la musique de John WILLIAMS (qu’on ne présente plus) une énergie se dégage de ce couple d’acteurs qui commence à faire les choux gras de la press people… FAR AND AWAY dénote des productions des années 90 – du moins, du souvenir qu'elles nous en ont laissés – tant la manière d’enrober la tension sexuelle des protagonistes par les dialogues et les scénettes, évoque un cinéma d’un Âge d’Or depuis longtemps révolu, où l’œil du réalisateur et la plume du scénariste savaient faire allusion sans être trop monstratif, permettant au spectateur, par la compréhension du sous entendu, d'apprécier sans qu'il ne soit obligé de se voiler la face, créant ainsi une complicité avec l'œuvre. Certains plans d’une nature transcendée d’un Grand Ouest mythique font instinctivement penser aux deux John (FORD & HUSTON) imposant, malgré son souci de réalisme, cet univers mythologique chargé de cette beauté immuable d'une Nature indomptée.

Ron HOWARD est un enfant de la balle, le rejeton d’une famille d’acteurs Hollywoodiens : à travers son film (dont quelques membres mêmes partagent le casting) il fait un hommage à sa lignée, ses aïeux qui, s’ils ne sont pas tous de son sang, lui sont liés au moins par la sensibilité.

On rit. On s’émeut, FAR AND AWAY (HORIZONS LOINTAINS) propose cette fraîcheur que seul le cinéma sait offrir : une rêverie.

 

Mais c’est aussi un film charnière dans la carrière de Ron HOWARD, puisqu’à travers son titre, une thématique qui se faisait sentir jusqu'alors, est désormais pleinement assumée et sera – parfois moins, d’autre fois pleinement – récurrente dans ses prochains films : des protagonistes contraints dans leur existence, mais portés par leur volonté de dépasser les limites, quelle soit physique, sociale ou spirituelle.

L’incident spatiale qui suivra ne faisant que le confirmer.

APOLLO 13 – USA/1995/Couleur/ 140 mn

Tout le monde vous le dira : la science et la technologie s’appuient sur la raison et le pragmatisme, et ne laissent aucune place à la croyance ou la superstition, et pourtant…

La fusée Saturn V de la mission APOLLO 13, décolle le 11 avril 1970 –  à une époque où l’humanité gardait encore la tête haute et fixait les étoiles pour y projeter ses rêves – à 13h13. Elle emporte avec elle, dans un grondement monstrueux et une nuée gigantesque de fumée et de flammes projetées des puissants réacteurs, James Lovell (Tom HANKS), Fred Haise (Bill PAXTON) et Jack Swigert (Kevin BACON) vers la lune, avec pour mission de s’y poser. Mais le 13 avril, à 21h07, une explosion, détruit des réserves d’oxygène et des piles à combustible. La fusée devient dès lors un sarcophage de métal emportant trois astronautes livrés à une mort horrible et quasi certaine qui, sûrement, ne sera pas sans conséquence sur le programme de recherche de la NASA après l’accident de la mission précédente où l'équipage tout entier a été brûlé vif peu avant le décollage.

Apollo 13.jpg
Apollo 13

La famille, la population, et sûrement l’humanité s’en émeuvent, même si le public commençait à se désintéresser aux programmes diffusés à la télévision : déjà, les spectateurs et les médias trouvent banal de marcher sur la Lune – après tout, ce premier pas ne date que d'un an… Mais l’homme reste homme : et l’incident devient une opportunité à faire – déjà – du sensationnalisme. L’intérêt revient, comme un ex rappelant une ancienne relation dans un moment de solitude : les téléviseurs du foyer s’allument et suivent en direct, le sort de ces trois astronautes voués à une mort certaine.

Mais c’est oublié que ces hommes ne sont pas de simples mortels, mais des personnes à part, sur entraînés, capables de surmonter le stress à toute occasion : peut être seraient-ils de ceux qu'on pourrait surnommer "héros". Avec pour seuls moyens, les seuls équipement de la fusée, leur sang-froid et le soutien de l'équipe de chercheurs pleinement investis à Houston pour trouver une solution, l’équipage fait son possible pour revenir sur Terre.

Tiré d’une histoire vraie, le scénario s’inspire du livre de James LOVELL & Jeffrey KLUGER : Lost Moon : The Perilous Voyage of Apollo 13. Un huis clos tendu, efficace, qui prend le spectateur aux tripes tant il le renvoie à sa peur intime  d’être enterré vivant. Efficace, porté par un casting au jeu nuancé, où la fragilité transparait sous ces tempéraments d’acier, on suit cette aventure humaine que Ron HOWARD a la bonne idée d’immortaliser sur celluloïd, de ces héros que la société de consommation a noyé dans l’oubli depuis bien longtemps, dans ce temps moderne qui banalise le formidable, l’extraordinaire, pour ne laisser paraitre que le médiocre, la bêtise et le futile. Un hommage à ces hommes qui se sacrifient pour les générations futures, qui dépassent leur peur, leurs liens pouvant être parfois des chaînes, dans un acte frôlant le sacrifice. Certes, la notoriété d’une mission accomplie, de retour sur Terre, apporte la gloire, la reconnaissance, mais est-ce vraiment ce qui motive ces hommes qui, dans l’espace, bien au-delà de nos regards, bien au-delà du ciel bleu qui nous protège, touche la Grâce de Dieu avec cette perception que peu d’homme peut se vanter d'avoir eu dans sa vie, où se révèle la majestuosité et la fragilité de cette planète bleue qui nous abrite : voir notre planète d'en haut nous renvoyant plus encore notre vulnératbilité totale, là, flottant dans cette immensité de ténèbre constellée d'étoiles scintillantes, tout en se dirigeant vers cet astre qui veille sur nos nuits.

Apollo 13 picture.jpg

Un bel hommage, ce film, pour ces hommes, ces scientifiques pleinement investis – quelques soient leur origine et l'idéologie politique qui les motivent – qui nous rappelle que l’Humanité a su saisir un projet rassembleur qui n’est que trop temps de reprendre, tant elle a besoin de trouver une raison nouvelle de redresser la tête.

A Beautiful Mind

A BEAUTIFUL MIND (UN HOMME D’EXCEPTION) – USA/2001/Couleur/ 135 mn

Après RANSOM avec Mel GIBSON – 1996 (LA RANÇON) –, ED TV avec Matthew MCCONAUGHEY – 1999 (EN DIRECT SUR ED TV) –, et HOW THE GRINCH STOLE CHRISTMAS avec Jim CARREY – 2000 (LE GRINCH) –, telle une abeille allant de genre en genre, Ron HOWARD s’attèle à cette histoire vraie d’un mathématicien qui sera honoré en 1994 du Prix Nobel pour ses recherches en économie.

A beautiful mind.jpg

1947, Princeton. John Forbes Nash Jr (Russel CROWE), un peu gauche, maladroit et taiseux, se fait remarquer par ses camarades de promotion dès les premiers jours, avec ces manquements cocasses aux conventions sociales. De même pour sa manie d’errer sur le campus, un carnet et un crayon en main, notant au moindre détail, à travers les chiffres, les mouvements qu’il croise sur son chemin, d’étudiants vacants dans le parc entre deux cours aux allées et venues de pigeons sur le gazon. Fort heureusement, Charles Herman (Paul BETTANY), excentrique coturne de chambrée, est là pour le raccrocher à cette réalité que son obsession pour les mathématiques éloigne. John Nash finira, enfin, sa thèse sur la Théorie économique des Jeux lui ouvrant les portes du Massachussetts Institute of Technology où, il le sait, il travaille parfois pour le gouvernement américain, notamment sur le décodage. Jusqu’un soir où William Parcher (Ed HARRIS), agent d’une obscure organisation, lui demande d'aider le gouvernement américain à décoder les messages soviétiques qui seraient glissés dans la presse : John accepte sans savoir qu’il s'apprête à ouvrir une porte qui l’emportera bien au-delà des limites de sa propre réalité.

Ici encore, une frontrière la raison est dépassée (ou plutôt débordée), à travers l'histoire de cet homme à l’esprit unique que le génie entraîne vers une forme de folie l'empêchant de se fier à sa perception du réel, au grand désarroi de son épouse impuissante devant l'engloutissement de sa raison, Alicia (l’intemporelle Jennifer CONNELY). Difficile d’aborder la schizophrénie, trouble psychologique trop souvent mis en image sous l'angle de jeu divers d'un même acteur interprétant un homme hanté par diverses personnalités au point de trop sombrer dans le sketch de foire tout en faisant l’impasse sur la réelle souffrance des malades rongés par le doute de ce qu'ils perçoivent et les angoissent quand, dans leurs moments de lucidité, ils sont conscients du mal fait aux proches qui les entourent.

 

Russel CROWE ne peut que susciter la compassion dans son jeu à fleur de peau, où la vulnérabilité qu'il dégage fait oublier son apparence physique digne d’un quarterback. Se jouant des champs et hors champs, Ron HOWARD nous trouble, nous trompe, et donc, nous fait ressentir l'intangible folie du héros, en nous entraînant insidieusement dans son délire psychotique. On suit le tourment d'un homme exceptionnel qui, par le biais de son génie peut être, saura contenir ses démons et retrouver les rives du monde réels, au point qu'il gagnera le respects de ses pairs et de ses étudiants.

A BEAUTIFUL MIND (UN HOMME D’EXCEPTION) raflera en 2002 4 Oscars : meilleur film, meilleur second rôle pour Jennifer CONNELY, meilleur réalisateur et meilleur scénario.

Les plus attentifs  remarqueront dans un un passage rapide que Ron offre à sa fille Bryce Dallas HOWARD, un de ses premiers rôles de figurante. Fugace, l'apparition suffit pour que le spectateur retienne ce regard azur qu'il retrouvera quelques années plus tard dans des premiers rôles où elle tiendra seule l'affiche.

THE MISSING (LES DISPARUES) – USA/2003/Couleur/ 137 mn

1885, Territoires du Nouveaux Mexique, l’hiver arrive à sa fin et la neige commence à fondre. Dans une ferme, Maggie Gilkeson (Cate BLANCHETT) élève ses deux filles, Lilly (Evan Rachel WOOD) dont l’adolescence rend rebelle et l'emplit de rêves l'attirant vers la ville et son progrès, et Dot (Jenna BOYD), fille de dix ans qui aide sa mère et n’ai jamais la dernière pour faire un tour à cheval. N'ayant jamais connu leur père, Brake (Aaron ECKHART) tient légèrement ce rôle quand Maggie le lui permet. Car Maggie est une femme forte qui s'est construite sans la figure du père, portée par sa foi religieuse Dieu n'est-il pas le Père suprème et son don de guérisseuse, elle soigne hommes, femmes, enfants et bêtes qui se présentent à sa porte.

The missing poster.jpg
The Missing

Surgissant des bois, monté sur une mule, un vieil Apache s’approche pour demander des soins. Maggie n’aurait aucun mal à le soigner, après tout, ne soigne-t-elle pas tout être, quel qu’il soit, bien que les indiens suscitent chez elle, une forme de répugnance avec leurs croyances impies, leur barbarie légendaires que l'on dit des plus sanguinaires…

Mais cet Apache, n’est qu’autre que Samuel Jones (Tommy Lee JONES) et n’est pas n’importe quel indien. Samuel est son père qui les a abandonné quand elle était toute jeune, et qu’elle n’a plus revu depuis 20 ans. Elle se contente de lui donner les soins, mais refuse de parler avec cet homme qui semble guider par le remord de ses erreurs de jeunesse dont elle a fait les frais. Mais il semble que le destin en souhaite autrement.

Il n’y a pas plus grande distance que deux cultures qui s’obstinent à ne pas vouloir s'accepter. Cloitrée sur leur île, ils se jettent des regards méfiants quand ils ne vont pas noyés par l'indifférence, cet autre que l'existence suffit pour remettre en question les coutumes et les croyances. Alors qu’il suffirait de s'engager  dans les eaux pour découvrir qu’ils ne perdraient pas pied à avancer l'un vers l'autre et découvrant qu'ils sont sûrement plus proches qu'ils ne le préjugeaient.

Mais cette distance paraît plus illimitée encore quand un parent et un enfant se sont perdus. L’enfant devenu adulte a alors cette arme qu’il a longuement affuté de son chagrin et de sa colère : le sentiment d'abandon est bien le meilleur des silex. Le parent que l'âge humanise, hanté par ses erreurs ou l'idée qu'il pourrait quitter ce monde sans que le fruit de sa chair puisse verser la moindre larme, quémande le Pardon. Mais le pardon suffit-il à rattraper ce temps perdu où l’absence c’est fait à ce point si sentir que l’enfant a su se construire sans cette figure manquante. D’aucun diront même que cette dernière a pu être compensée, transformant l’enfant fragile en adulte granitique.

 

La paix peut-elle sauter une génération, et venir de celle qui observe avec curiosité cette part de passé éludé par son géniteur et qui, par son silence, crée un vide que cette soudaine apparition pourrait combler ?

The missing picture.jpg

Ron HOWARD, comme pour compenser les figures négatives des indiens déculturés et rempli de rage d’avoir été dépossédé de leur terre et de leur croyance, tient à honorer ce peuple en utilisant leur langue, dans ce western plus ancré dans le genre que le film historique fait quelques années plutôt avec le couple Tom CRUISE et Nicole KIDMAN. Après avoir fait un film sur les migrants débarquant en Amérique, Ron HOWARD suit les aventures des colons du Grand Ouest, confronté à l’hostilité du peuple d'origines dépossédés de leur terre.

 

Dans l’immensité des paysages, la barbarie surgit, quel que soit le camp, qu'ils soient indiens ou occidentaux, bandits ou tuniques bleues.

Jusqu'à ce que des hommes décident de franchir la passerelle.

Les différences culturelles peuvent être une distance séparant deux peuples, une distance pourtant illusoire puisqu'elle ne tient sur rien, seulement des postures qui ne durent parfois même pas le temps d'une vie.

THE MISSING (LES DISPARUES) rappelle les grands westerns, où les paysages se succèdent (prairie, canyon), flirte même avec une forme de fantastique, à travers ce El Brujo meneur de bandits, sorcier au visage défiguré et figé dans une haine noire, à qui il ne faut rien laissé de soi si l’on ne veut pas sentir, la nuit, des hantises mêlées d’atroces douleurs excitées par ses psalmodies terribles.

Tommy Lee JONES est de ces acteurs que l’on a connu que marqué par le temps : visage buriné, regard triste et perdu vers de lointains horizons, il incarne à lui seul ce Grand Ouest trop longtemps caricaturé par les légendes et la propagande raciste : brut et fragile à la fois.

Un film sans prétention, si ce n’est que l’on sent tourné avec le plaisir de suivre l’ombre des grandes œuvres du genre.

Mémorable en tout cas lorsqu’on s’attarde sur le jeu de cette jeune Jenna BOYD qui hélas n’aura dans sa carrière qu’un prix pour ce rôle, avant de s’enliser dans les productions télévisuelles.

RUSH – USA/2013/Couleur/ 134 mn

Dans un concert de vrombissements monstrueux, où les pistons vont et viennent dans les moteurs bien huilés, les pots d’échappement crachotent les étincelles sous le regard d'une foule silencieuse retenant son souffle avant le feu vert du départ tandis que les membres des staff se focalisent comme un seul homme sur des pilotes concentrés. Ces derniers, casqués, les mains gantées serrant le volant tout en faisant jouer les pédales de l’accélérateur, parés au départ, tout en jouissant de cette puissance qui ronronne dans leur dos, ne fixent non pas une étoile, mais un feu orange qui s'apprête à passer au vert. Une atmosphère imprégnée d’essence et de gomme surchauffée envahie peu à peu les tribunes et les paddocks. Qu’ils soient pilotes, membres d’écurie, journalistes ou spectateurs, une seule question se pose : qui arrivera le premier à la fin de cette épreuve.

Une course, aussi courte soit elle, n’est jamais gagnée d’avance. Même si les essais permettent de fixer les places du départ, le leader n’est jamais à l’abri d’un mauvais jour, d’une mauvaise stratégie, d’un mauvais réglage, d’une mauvaise météo, d’un mauvais réflexe.

Rush poster.jpg
Rush

Puis, enfin, l’orange vire au vert, un tonnerre d’accélération, d’hurlement mécanique se mêlent aux cris et aux applaudissements du public. Les voitures démarrent, se collent l’une contre l’autre, chacun cherchant la faille pour dépasser l’autre, sauf peut-être le leader qui, dans son rétroviseur, perçoit la meute de ses concurrents qui cherche déjà à prendre sa place. Mais son esprit n'est pas dans ce qu'il voit dans le rétroviseur, mais dans cette limite que son esprit projette, ce virage qui se dessine bien avant qu'il ne le perçoit de ses propres yeux, tant il a répété, visualisé ce circuit, dans ses moindres détails, au fil de son expérience et des tours d'essai, voire parfois de ces nuits, au point qu'il serait capable de piloter les yeux fermés. Le pilote ne fait qu'un avec son bolide, il sent les vibrations du véhicule dans ses pointes de vitesses jusqu’au plus profond de son être, de ses os et viscères, le sifflement de l’air contre son casque profilé, et l’inertie de toute cette masse roulant à vive allure dans les virages.

L’audace et cet instinct qui sait  faire saisir l’instant décisif, c'est ce qui déterminera le vainqueur, même si la prudence peut aussi faire la distinction entre deux champions.

RUSH, raconte la rivalité entre deux pilotes légendaires dans les années 70, où la Formule 1 commence peu à peu à se professionnaliser et se laisse happer par le monde de l'argent. James HUNT (Chris HEMWSWORTH), pilote britannique charmeur, instinctif, n’hésite pas à prendre des risques, jouant sur la prudence de ces concurrents, et ne vit que d’adrénaline quand il ne se perd pas dans les conquêtes d’un soir, la drogue et l’alcool. Niki LAUDA (Daniel BRÜHL), l’autrichien, capable à l’oreille de sentir un dysfonctionnement dans le moteur comme un virtuose sent un instrument de musique désaccordé.

De ces deux pilotes, incarnant les deux facettes d'une même passion astiquée d'orgueil, une rivalité naît qui fera aussi couler beaucoup d'encre.

Le bellâtre et l’intellectuel, la cigale et la fourmi quand d’autres n’y voient que l'incarnation de deux pulsions créatrices, nietzschéennes, qui s'opposent, HUNT, le bouillonnant et intrépide dionysiaque et LAUDA, l'apollinien réflexif.

Rush picture.jpg

Ron HOWARD nous embarque avec RUSH dans un duel mécanique légendaire, qui marquera l’histoire de la course automobile, car au-delà de ce bras de fer entre deux êtres orgueilleux, c’est une histoire de rivalité qui soude peu à peu une amitié chargée de respect mutuel, où seule compte la performance et la vitesse, une quête de surpassement.

Mise en scène immersive emportée, RUSH enfonce son spectateur dans son siège au point que ce dernier pourrait lever le poing de la victoire à chaque coup de drapeau à damier noir et blanc annonçant l'arrivée. Ron HOWARD respecte les codes des films de courses de voitures, à savoir des moments haletants ne tenant que sur le montage, alternant sur un visage concentré, une main gantée sur le levier de vitesse et un pied sur l'accélérateur ou le frein, entrecoupé de plan extérieur. Une question de rythme qu'il maîtrise parfaitement. Peut être que RUSH lui évoque un peu son début de carrière (GRAND THEFT AUTO – LACHEZ LES BOLIDES), mais sans aucun doute, il assume son obsession pour le dépassement qui alimente sa filmographie racontant l'histoire d'hommes seulement portés par leur seule volonté, courage ou folie.

Car qu'est-ce qui distingue un pilote de formule 1, un astronaute ou un pompier, si ce n'est sûrement que les uns courent pour la gloire, et les autres pour l'avenir d'une humanité : le corps lui, fournissant la même dose adrénaline ?

In The Heart of the Sea

IN THE HEART OF THE SEA (AU CŒUR DE L’OCEAN) – USA/2015/Couleur/ 121 mn

Herman Melville (Ben WISHAW) se rend dans une auberge pour y retrouver le dernier survivant du baleinier Essex, Thomas Nikerson (Brendan GLEESON), qui coula 30 ans plutôt dans les eaux du Pacifique, avec la ferme attention de recueillir ce témoignage qui saura lui apporter la matière à son prochain ouvrage : Moby Dick. Mais Thomas Nikerson est une pierre et le regard ne peut s’empêcher de laisser paraître une certaine émotion à l’évocation de ce souvenir traumatisant. Pourtant Herman Melville est bien motivé à le faire parler et peu importe si la somme qu’il met sur la table soit élevée. Il sent que ce que renferme cet homme est la clé de son inspiration…

30 ans plutôt, nous sommes sur l’île Nantuckett, non loin de Boston. Owen Chase (Chris HEMSWORTH) quitte sa femme enceinte pour retrouver l’équipage de l’Essex avec la frustration de l’homme ambitieux qu’une parole non tenue entretient encore au poste de second. C’est la fierté contenue en lui qu’il doit assister ce jeune capitaine inexpérimenté, George Pollard (Benjamin WALKER) qui doit sa responsabilité à son nom et son sang.

Heart of the sea.jpg

Les dissensions se cumulent, la tension se forge entre les deux hommes, exacerbée par le fait qu’aucunes baleines ne croisent leur chemin, les forçant à passer le Cap Horn. Lors d’une escale en Equateur, ils apprennent l’existence d’un ban de baleines dans les eaux du Pacifique… mais ils entendent aussi une histoire étrange qu’ils ne prennent pas au sérieux, évoquant l’existence d’un cachalot blanc titanesque extrêmement agressif.

Ron HOWARD retrouve une nouvelle fois Chris HEMSWORTH, pour une épopée qu’il ne pouvait qu’être amener à tourner, tant les mythes fondateurs et le dépassement nourrissent sa filmographie. Après le Temps, la Mort, le Feu, les Etoiles, la Folie, le Grand Ouest et le Bitume, c’est au tour des océans de nourrir sa dernière production, inspirée d’un ouvrage de Nathaniel PHILBRICK racontant l’histoire vraie de ce navire qui fut coulé par un cachalot et qui inspira Herman MELVILLE pour Moby Dick.

Mais IN THE HEART OF THE SEA raconte-t-il seulement la génèse de l'histoire d'un homme obsédé par un cachalot ?

Hear of the sea picture.jpg

1820, l’Essex est attaqué par un cachalot. Une année charnière pour la chasse à la baleine puisque ce sera le début de la chute de l’empire de Nantuckett, épicentre de l’empire maritime de l’époque qui s’étend de l’Atlantique au Pacifique, où l’huile de baleine est l’or blanc grâce à quoi prospère la côte Est.

Rappelons que le cétacé n’est pas un simple animal, la science ayant depuis reconnue en lui des aptitudes cognitives proche de l’intelligence. Animal social, communicant, stratège – de fait de son besoin naturel de survivre aux attaques de ces prédateurs – il est intéressant de constater que, tant que les navire de pêche étaient en bois et donc bien plus vulnérable que ce qu’ils sont désormais, des navires coulaient, attirés au fin fond du Pacifique pour ne jamais y remonter à la surface.

 

Ne se serait-il pas déroulée une guerre silencieuse inter-espèce, entre des mammifères marins chassés et prêts à en découdre et des baleiniers inconscients de l’intelligence auquel ils s'opposaient, amenant l’empire commercial de Nantuckett à s’écrouler avec son économie ? C'est une explication que portent certains experts sur cette histoire, étayée par les découvertes récentes sur le comportement animal et des grands prédateurs.

Le diable est dans les détails et au cinéma, il se glisse dans un échange entre deux personnages, quand l’un évoque l’émergence d’une nouvelle huile qui impose sa valeur sur le marché : l’huile noir, le pétrole, qui participera aussi à la ruine de ce bref empire.

Ron HOWARD, pousse les limites de l'immersion en usant de micro camera, qui fait parfois corps avec le navire.

Malgré quelques incohérences photographiques qui font penser que nombres de scènes ont été tournées en studio sur fond vert quand elles n'ont pas été un peu trop étalonnées numériquement, l’épique reste au rendez-vous, où l’homme s’oppose aux éléments et à la Nature, malgré sa vulnérabilité.

bottom of page