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Eli Roth

Eli Roth

L'objecteur de bonne conscience

THE ROTTEN FRUIT – USA/2000/Couleur/ Saison 1/ 3 épisodes

Eli ROTH est né le 18 avril 1972 à Boston, d’un père de confession juive et d’une mère chrétienne. Très vite, il porte un intérêt certain pour l’horreur au point qu’une de ces vidéos faites à 11 ans, montre ses frères se faire démembrer : le court métrage s’intitule SPLATTER ON THE LINEUM. Ses parents s’en inquiètent-ils ? Nous ne le saurons pas. Mais le virus prolifère en lui. Quelques années plus tard, il suit des études de cinéma qu’il finit en 1994, à l’Université de New York. En 1999, il se lance dans la production d’un animé, CHOWDAHEADS pour le compte de MANDALAY ENTERTAINEMENT – qui produira notamment DONNIE BRASCO de Mike NEWELL et SEVEN YEARS IN TIBET de Jean Jacques ANNAUD – puis, produit et anime une émission sur le catch (WCW Monday Nitro sur une chaîne de TNT).

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The Rotten Fruit

THE ROTTEN FRUIT est une série de 3 épisodes en stop motion, qui suit un groupe punk composé de fruits et légumes destroys, portant en eux tous les clichés que l’on peut trouver chez ce type d’artistes en rébellion contre la société. Entre massacre et giclée de pulpe, baise et diarrhée, les anti-héros squattent et saccagent un hôtel jusqu’à finir par faire eux-mêmes le ménage, quand ils ne se débarrassent pas d’un groupe de boys band pour gagner un concours ou ne rackettent leurs fans qui téléchargent illégalement leurs chansons, les privant de leurs oboles.

Déjà, l’attrait pour le gore et l’humour noir sont présents. Ce dernier pourrait être indigeste pour quelques-uns, et fait plus sourire les autres par son excès et ses références que par sa subtilité. Reconnaissons toutefois l’animation plaisante, en stop motion.

CABIN FEVER – USA/2003/Couleur/ 93 mn

Paul, Bert, Karen, Marcy et Jeff incarnent à eux cinq, cette jeunesse américaine insouciante qui pense être toujours dans le bon camp et de fait, que tout lui est permis. L’année universitaire terminée, ils décident de s’accorder du bon temps et s’en vont faire une petite virée en campagne, dans les bois, avec assez d’alcool et d’herbe pour s’éclater le weekend – l’attraction des corps se chargera du reste, au grand damne du célibataire de la bande qui lui, devra se contenter des mélodies des étreintes à travers les cloisons.

 

Rien de tel, pour cela, que de louer une cabane dans les bois. Pourtant, depuis quelques décennies, on a bien compris qu’il fallait revoir à deux fois ce genre de projet ! Tout le monde sait que vous y prenez le risque de découvrir une bande magnétique dans un lecteur couvert de poussière dont l’écoute peut éveiller des entités anti diluviennes, quand vous ne vous exposez pas au rejet de rednecks dégénérés qui ne se privent jamais de gâcher le weekend des urbains en essayant de les trucider comme les éclaireurs d’une fracture sociale entre rats des champs et rats des villes.

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Cabin fever

Mais à peine installés, c’est une tout autre menace auxquels ils font face, plus insidieuse et… d’actualité pour nous : un ermite surgit des bois, paniqué et mal au point, les pores et les yeux saignant comme un martyr, les suppliant de l’emmener à l’hôpital le plus proche. Mais hors de questions pour ces cinq jeunes de remettre à plus tard leur projet de fêtes, beuveries, fumettes et parties de jambes en l’air :  comme un seul homme (ou une seule femme), ils rejettent le désespéré au point de le tuer accidentellement. Pensant s’être débarrasser du corps, ils ne réalisent pas que les crises d’hémoptysie ont contaminé un des membres du groupe.

CABIN FEVER est le premier film d’Eli ROTH, et comme dans toute première œuvre, on peut découvrir un condensé des préoccupations du réalisateur qui s’affineront au fil des œuvres. Ici, cette idée que l’Amérique porte en son sein son propre mal, incarné sous les traits d’une jeunesse se disant progressiste mais qui, au fond, n’est que purement animé par son individualisme. Les réseaux sociaux ne sont encore que balbutiants, mais pour Eli ROTH, il est évidemment que le narcissisme qui anime notre civilisation couvait bien avant leur hégémonie. L’amitié est une illusion qui s’évapore quand la question de survie s’impose. Mais est-ce encore une simple dénonciation, où pour le moment, dans ce film, juste le jeu d’un renversement des codes du genre : les urbains sont antipathiques, les rednecks moins rugueux et bêtes que leur apparence laisse paraître.

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Eli ROTH aurait été aussi inspiré par une anecdote personnelle, après avoir subi une violente crise de psoriasis, si aiguë qu’il lui était même difficile de porter des vêtements. Comme dans tout premier film, on trouve toujours une scène pour y glisser un hommage même si celui-ci ne colle pas forcément à l’intrigue, comme si, dans la tête d'un jeune réalisateur, la première œuvre pouvait être aussi la dernière. Mais l’apport de ce comique décalé donne un ton particulier au film qui dénote avec le cynisme condescendant de l’époque. Une sincérité transpire, comme les corps des protagonistes suintent de sang et pourrissent.

 

Ce premier essai fera son petit effet dans le milieu des passionnés du cinéma d’horreur, et tapera dans l’œil d’un réalisateur qui enchaîne depuis quelques années déjà, plusieurs succès critique et public : Quentin TARANTINO.

HOSTEL – USA/2005/Couleur/ 93 mn

Hostel

Josh et Paxton font le tour de l’Europe – peut-être viennent-ils de la même université que Paul, Bert, Karen, Marcy et Jeff de CABIN FEVER. Pendant que ces derniers saignaient de tout leur corps dans une obscure forêt, eux sont en quête d’expériences mémorables. Dans leur odyssée, il croise Oli, l’Islandais qui les entraîne plus encore dans leur quête de plaisir. Tout le monde le sait, on est bien plus ouvert en Europe qu’aux Etats Unis ! Entre Coffee Shop et visites du Quartier Rouge d’Amsterdam, les trois petits cochons croisent le chemin d’un jeune slovaque qui les incite à partir en Slovaquie où les filles seraient plus ouvertes… et si c’est un Slovaque qui le dit, cela ne peut qu’être vrai, et avoir la conscience tranquille…

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Les étoiles dans les yeux, même chez ce Josh qui, pourtant, rêve secrètement du grand amour, ils prennent le premier train pour retrouver ce royaume où la volupté est loi et les femmes sont belles.

Et effectivement, les promesses sont au rendez-vous :  Natalya et Svetlana les accueillent avec ces sourires qui feraient fondre la banquise. Et puis, il y a cette charmante Alex qui se joint à eux, l’hôtesse de cette fameuse auberge de jeunesse qui donne son nom au long métrage. Visites, bars, flirts : c’est le bonheur pour ces trois jeunes gens tourmentés par leurs hormones… jusqu’à ce qu’Oli disparaisse.

 

Il y a bien cette étrange photo reçue sur leurs téléphones portables, où l’on voit Oli avec une des Japonaises croisées dans l’auberge, mais la photo semble à ce point si truquée qu’elle ne rassure pas vraiment. Puis c’est au tour de Josh… Paxton se retrouve seul dans une ville qu’il ne connait pas, dans un environnement, une culture, qu’il n’a jamais pris la peine de découvrir et dont il ne connait bien évidemment pas la langue. L’attirance pour les filles soi-disant faciles a toujours son prix… Mais Paxton ne se laisse pas faire, et face aux forces de polices locales, quelques peu dubitatives devant ses accusations frôlant la paranoïa, n'hésite pas à rappeler ses droits en tant que citoyen de la plus grande démocratie – et force armée – du monde. N’ont-ils pas le devoir de lui porter assistance ?

Puis, comme une petite mouche esseulée enlisée sur un papier adhésif, il se fait lui-même prendre et se retrouve dans cette ancienne usine désaffectée entourée de limousines et de chauffeurs aux mines patibulaires. Une usine surmontée d’une cheminée qui crache une fumée noire, épaisse et grasse, corrompant le ciel bleu, la façade enlaidie par une peinture écaillée et par des traînées de rouille. Dans ses entrailles, des cris s’échappent : Paxton découvre que sur Terre, il y a un bien un enfer et que celui-ci est mis à la disposition d’hommes et de femmes riches pouvant, en toute impunité, s’adonner à leurs pires fantasmes. Après tout, le capitalisme n’offre-t-il pas cette opportunité de « marchandiser » même ce que la morale réprouve ? Démembrements, énucléations, arrachages de dents, d’ongles et bien d’autres sévices encore, rien n’est épargné aux victimes, pas même le sourire sadique du tortionnaire, barrant le visage d’un homme ou une femme sans histoire dans leur propre vie quotidienn : salarié.es exemplaires ou entrepreneurs, père ou mère d’une famille bien intégrée dans la société civile.

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Le Torture Porn est né (surtout avec SAW de James WAN – 2004), mais au cinéma comme tout autre forme d’art, rien ne vient de nulle part : Pier Paolo PASOLINI ne dénonçait-il pas à sa manière les dérives d’une oligarchie si puissante qu’elle pouvait cueillir dans ce qu’ils estimaient les bas-fonds, matière à assouvir les pires sauvageries sadiques dans SALO OU LES 120 JOURNEES DE SODOME - 1976 ? Le cinéma italien d’exploitation des années 70, dont s’inspire Eli ROTH ne nous a-t-il pas offert des cauchemars frôlant la limite de l’indécence avec leurs films de cannibales et de nazis, reprenant l’initiative de Hershell Gordon LEWIS, père du cinéma gore, en 1963 ?

On raconte que les courants de cinéma fantastique émergeaient toujours d’un contexte politique. Quatre ans plus tôt, l’Amérique a essuyé l’une des plus traumatisante attaque terroriste sur son territoire, depuis Pearl Harbour, et s’engage dans une lutte sans pitié contre le terrorisme, envoyant ses troupes en Afghanistan et en Irak. Le Patriot Act est voté, et Guantanamo profite de son statut de territoire extérieur à toute zone où s’applique le droit international, pour recevoir toutes personnes soupçonnées de lien quelconque avec le terrorisme. Le délit existe-t-il quand le droit n’existe pas ? Une démocratie assume la torture, considérant que si elle permet de remonter une filière d’une cellule terroriste ou de mettre à mal une tentative d'attentat, la fin justifie les moyens : le Torture Porn (HOSTEL, SAW et consorts) sont donc les fruits de leur époque, et au vu de leur succès, le public y est sensible, jouant sur ces fantasmes sadiques, comme une catharsis : car bien que torturées, les victimes sont vengées de leur tortionnaires, et souvent par l'une des victimes – ce que la réalité n’assure pas, au grand damne de celles et ceux, qui les subissent.

HOSTEL gagne en peu de temps dix fois son budget au box-office.

La gloire peut provoquer aussi des dégâts collatéraux : le gouvernement slovaque n’apprécie pas l’image horrible donné du pays, au point qu’Eli ROTH doit s’expliquer publiquement et préciser que s’il a choisi la Slovaquie, c’est parce que ce pays était inconnu de ses compatriotes au point que son entourage informé de son projet de tournage à Prague (le film est tourné là-bas et non en Slovaquie où se tient l’histoire), lui conseillait de prendre avec lui des rouleaux de papiers toilettes pensant que le pays était encore sous emprise communiste.

 

Quand la réalité dépasse la fiction…

THANKSGIVING – USA/2007/Couleur/ 2 mn 42 (trailer sequence for GRINDHOUSE (DEATH PROOF by Quentin TARANTINO)

Thanksgiving

Pour le compte de Quentin TARANTINO (pote et producteur de ses longs métrages) et de son projet GRINDHOUSE exécuté en collaboration avec Roberto RODRIGUEZ (deux films faisant un hommage au Grindhouse, cinéma d’exploitation, alimentant les drive in ou les cinémas de la 42e rue de New York où l’on pouvait voir deux programmes pour le prix d’un), Eli ROTH participe à la série de fausses bandes annonces avec Robert RODRIGUEZ (la bande annonce MACHETE avant qu’il en fasse le film), Rob ZOMBIE (WEREWOLF WOMEN OF THE SS), Edgar WRIGHT (DON’T) et Jason EISENER (HOBO WITH A SHOTGUN qui deviendra aussi un long métrage avec le regretté Rugter HAUER).

Eli ROTH s’approprie la bande annonce d’un slasher qui aurait bien pu exister, tant le genre s’est emparé de tous les jours de fêtes qu’offre le calendrier chrétien : Noël avec le séminal BLACK CHRISTMAS de Bob CLARK, HALLOWEEN de John CARPENTER, FRIDAY THE 13th de Sean S. CUNNINGHAM, MY BLOODY VALENTINE de George MIHALKA, même la fête des mères n’a pas été épargnée.

Voix atone et lugubre, images rayées, et bande son abimée, on devine qu’à l’occasion du Thanksgiving, un esprit malade et revanchard s’acharne sur la population d’une petite ville américaine. Décapitation et ménagère offerte en guise de dinde fourrée au marron, quand ce ne sont pas une lame de couteau surgissant d’un trempoline alors qu’une pom pom girl s’apprête à rebondir sur la toile dans un grand écart. La bande annonce de ce film qui ne se fera jamais – en fait, si, bien après l'écriture de cet article –, un slasher digne de ce qui nourrissait à l’époque les cinémas et les vidéos stores des années 80, éveillant la nostalgie – quand ce n’est pas la soif d’en connaître  plus – d’un cinéphage obsessionnel, même si, probablement, il est préférable de se contenter de cet trailer visible sur le net, plutôt que de découvrir  ce qu’aurait pu être le reste du film, tant cette bande annonce en montre beaucoup.

HOSTEL : PART II – USA/2007/Couleur/ 91 mn

Paxton a certes survécu, et bien que reclus dans une maison de campagne avec son amie, il ne cesse de revivre l'enfer, la nuit dans ses cauchemars, et le jour, dans sa paranoïa. Mais peu importe, car son destin ne nous intéresse pas vraiment... Désormais c’est au tour de trois américaines en vacances en Europe, et qui bien évidemment, souhaitent découvrir un continent sous un autre un angle que leurs prédécesseurs.

 

Lorna, Beth et Whitney veulent aussi profiter de leur voyage, mais leurs caractères diffèrent tellement, qu’elles doivent trouver un consensus. En croisant le chemin d’Axelle, modèle italienne rencontrée lors d’une séance de cours de dessin en plein air durant leur passage en Italie, elles se décident à la suivre en Slovaquie où elle souhaite se reposer dans un établissement de cure thermale.

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Hostel Part 2

Nous y retrouvons la même auberge que le volet précédent. Sur le téléviseur du hall de l’auberge, il y passe encore à la télévision, PULP FICTION de Quentin TARANTINO, une nouvelle fois producteur. Les trois américaines ne se doutent pas qu’elles tombent elles aussi dans un piège, bien que la joie de l’aubergiste de recevoir des Américaines, semble un peu bizarre et devrait leur mettre la puce à l'oreille. Mais bon, l’orgueil d’être citoyen de la plus grande nation du monde émoussent sûrement l’instinct de survie.

Leur arrivée tombe un jour de fête. Il y a bien quelques hommes qui les regardent avec une certaine appréhension, l’un d’entre eux cherche même à les prévenir et en paiera le prix. Whitney est la première à disparaître, les autres suivront : leur passeport scanné ayant été le motif d’enchères dont les trois gagnants attendent leur lot.  

HOSTEL : PART II nous fait passer de l’autre côté : celui des tortionnaires en suivant les derniers moments de ces touristes américaines, mais aussi ceux de ces deux américains quadragénaires : Todd, l’entrepreneur à qui tout réussi, qui souhaite, comme pour pousser jusqu’au bout son sentiment de toute puissance stimulée par ses succès dans les affaires, s'adonner à son premier meurtre  quelle meilleure offrande à son image d’homme d’affaire au-dessus de tout, que celle d’un crime qu’il peut s’offrir sans avoir à craindre la justice ?  Todd entraîne avec lui, Stuart, ami de longue date qui lui, si passif et discret, pourrait peut-être se défouler de cette frustration qu’il cumule en lui, à cause d’une épouse autoritaire…

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Todd, malgré toute sa bonne volonté, s’avérera bien plus boucher que tortionnaire, comme un puceau perdant tout contrôle avec son premier rendez-vous. Tandis que Stuart, c’est la révélation, l’épiphanie qui le révèle plus monstre qu’il ne le pensait…

HOSTEL : PART II va plus loin dans le gore, mais aussi dans le portrait au vitriol d’une classe moyenne CSP + entrepreneuse, où ici, les droits ne sont pas un dû comme le pense leur progéniture gâtée, mais le prix d’efforts récompensés par la réussite. Todd et Stuart sont un peu les deux facettes d’une même pièce, de pâles imitations de Patrick Bateman du roman American Psycho de Brett Easton ELLIS. Lâches, arrogants, l’horreur sombre dans la farce et dresse un majeur à la phallocratie régnant en maître sur notre monde (particulièrement celle esquissé par le cinéma), au point qu’une survivante se transforme en bourreau dont la condition de victime l’exemptera de tous ses crimes.

 

Cette deuxième partie est l’opportunité d’offrir des rôles à quelques figures d’un cinéma italien d’exploitation, annihilé par l’ère berlusconienne : on y croise dans les couloirs lugubres de cet enfer terrestre un certain Ruggero DEODATO, réalisateur de CANNIBAL HOLOCAUST, savourant la chaire d’une des victimes, et la sublime Edwige FENECH (5 BAMBOLE PER LA LUNA D’AGOSTO (L’ÎLE DE L’ÉPOUVANTE - 1970) de Mario BAVA, TUTTI I COLORI DEL BUIO (TOUTES LES COULEURS DU VICE - 1972) et IL TUO VIZIO E UNE STANZA CHIUSA E SOLO IO NE HO LA CHIAVE (TON VICE EST UNE CHAMBRE CLOSE DONT MOI SEUL AI LA CLÉ - 1972) de Sergio MARTINO) en professeure de dessin.

STOLZ DER NATION (NATIONS’S PRIDE) – USA/2013/N&B/ 6 min 11 (trailer sequence for INGLORIOUS BASTERDS by Quentin TARANTINO)

L’histoire véridique de Frederick ZOLLER incarnant son propre rôle, luttant vaillamment contre un bataillon entier de marines américains composé de 250 hommes, haut perché dans un clocher, seulement armé de son fidèle fusil, car non, la Guerre n’est pas terminée. Produit par Joseph GOBBELS, dont on dit qu’il aurait été très présent sur le tournage derrière le jeune réalisateur talentueux Alois VON EICHBERG, ce film aurait été le favori d’Adolf HITLER…

…peut-être… dans un autre monde… fort heureusement : STOLZ DER NATION n’est que le film projeté sur l’écran de cinéma où les héros de INGLORIOUS BASTERDS souhaitent attenter à la vie du Führer. Eli ROTH le tourne en Noir & Blanc en Allemagne, non loin de la frontière polonaise, avec son frère, Gabriel ROTH et Daniel BRÜHL dans le rôle de Frederick ZOLLER. En 4 minutes, Eli ROTH singe le genre de cinéma de guerre américain, "tourné" par un jeune metteur en scène nazi pompant sans le moindre scrupule, l’une des plus grandes œuvres du cinéma soviétique :  LE CUIRASSÉ DE POTEMKINE – 1925 – de Sergueï EISENSTEIN.

Hemlock Grove

HEMLOCK GROVE – USA/2013 > 2016/Couleur/ 3 saisons (33 épisodes – Netflix)

Hemlock Grove, Pennsylvanie : une ville ravagée par la désindustrialisation, comme nombre de petites villes américaine où le vent glacial d’hiver ne souffle pas seulement sur les détritus et les vieux papiers journaux, mais aussi sur les cendres d’une époque glorieuse désormais révolue. Pourtant, telle une verrue sur ce visage ridé, une tour de verre règne en reine, arborant en son sommet, le nom de la famille Godfrey, riche et puissante lignée qui fit fortune dans la métallurgie et qui depuis, s’est lancée dans la biotechnologie, bien plus lucrative, au grand damne de la classe ouvrière composant la communauté.

 

Une nouvelle ère certes, mais avec les mêmes maîtres.

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Dans ce contraste entre époque passée et modernité, cette petite ville redécouvre la peur primale, celle qui lie ou divise la société, lorsqu’il est trouvé dans les bois le corps d’une jeune femme, étudiante au lycée fréquentée par l’un des descendants, Roman Godfrey – Bill SKARSGÅRD, le Clown Grippesou dans IT (ÇA – 2017 & 2019) d’Andres MUSCHIETTI –, fils d’Olivia Godfrey – Famke JANSSEN, Jean Grey des X-MEN (2000) de Bryan SINGER. Bien qu’il inspire la crainte, les soupçons se portent plutôt sur ce jeune homme de la communauté gitane, Peter Rumancek – Landon LIBOIRON. Mais les soupçons n’empêchent pas les meurtres de se succéder, la pression monte, répandant peu à peu la psychose dans la petite ville.

Pendant ce temps-là, Letha, cousine de Roman Godfrey, se découvre enceinte d’un mystérieux ange. Y aurait-il une relation plus perverse entre elle et Roman ? Et qu’est-ce qui tue ces jeunes femmes ? Un homme ou ce qui se murmure dans les fonds de pub ou dans les ruelles crasseuses, jusqu’aux foyers les plus respectables fermés à double tour : un animal… voire, pire encore ? Et puis que se passe-t-il dans cette tour de verre qui domine cette ville exsangue ? Est-il vrai qu’on s’y adonne à des expériences qui dépassent l’entendement et la morale ? Que pratique donc ce professeur Johann Pryce – Joel de la FUENTE ?

Eli ROTH, producteur exécutif de la série, s’accorde le droit de tourner le premier épisode, dans une mise en scène assez impersonnelle, malgré les excès gore et la présence rapide au casting de son égérie du moment, Lorenza IZZO. Toutefois, le titre honorifique de producteur imprègne la série de de son appétence pour le gore dans des moments excessivement sanguinolents où la lycanthropie particulièrement mise à l’honneur – la première transformation étant d’ailleurs assez surprenante en soi.

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Série pour jeunes adultes, HEMLOCK GROVE semble un peu plus perverse que le tout-venant de ce genre si codifié : l’inceste en filigrane, qu’il soit entre Roman et sa cousine ou avec sa propre mère, quand ce n’est pas un nouveau personnage qui apparaitra en dernière saison, les scènes parfois morbides qui flirtent presque avec du Lucio FULCI dans le pourrissement de la chair. Après une saison assez banale dans ses enjeux, la seconde saison développe un peu plus de mystère et de perversité, pour exploser dans une saison finale où le casting tombe comme des mouches.

Sûrement pas la meilleure des séries Netflix, mais l’occasion de découvrir le charisme d’un Bill SKARSGÅRD qui apportera beaucoup dans l’adaptation récente de ÇA, et une Famke JANSSEN qui semble s’épanouir dans le rôle d’une mère poussant si loin son égocentrisme que la survie de sa progéniture semble peu compter pour elle.

Green Inferno

THE GREEN INFERNO – USA/2013/Couleur/ 96 mn

Justine est une étudiante discrète, américaine type, qui se révolte lors de ces cours d’anthropologie avec sa colocataire : comment les instances internationales peuvent-elles ne rien faire contre des pratiques aussi barbares comme l’excision ? Mais cela suffit-il pour se donner l’illusion d’apporter une pierre à l’édifice d’un monde meilleure, plus bienveillant, plus bienpensant ?

 

Son chemin croise cet étudiant plus âgé qu’elle, qui porte un combat qui fait écho en elle. Seulement est-ce son combat, ou n’est-ce pas plutôt son charme charismatique de latino ombrageux : Alejandro, chef de ce groupe de militants écologique sur le campus qui élabore une action qui marquera les consciences. Justine souhaite se joindre à eux et finit par convaincre Alejandro de sa sincérité. L’idée : une opération commando dans la jungle péruvienne où une entreprise pétrolifère déboise à tout va, détruisant faune et flore, mais aussi des populations qui vivent coupées du monde et qui se gardent bien de vouloir rentrer en contact avec notre civilisation impérialiste, qui ne sait que consumer tout ce qu’elle convoite.

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Ils partent en groupe, jusqu’à Lima puis rejoigne un jeune jetsetteur qui, entre deux soirées, financent les opérations d’Alejandro. Celui-ci leur met à disposition un petit avion qui les amène au lieu de la déforestation. L’opération est un succès, mais tout le monde ne s’en réjouit pas : Justine n’aurait-elle pas été manipulée par Alejandro, informé qu’elle était la fille d’un avocat pour une instance internationale ?

 

Mais la colère n’aura pas le temps de se diffuser que le petit avion tombe en panne en pleine jungle et s’écrase dans cet Enfer Vert, non loin d’une tribu oubliée des hommes, où le cannibalisme est un rituel sacré et qui ne peut rechigner devant cette offrande des dieux, tombée du ciel.

Hommage indéniable aux films de cannibales italiens (CANNIBAL FEROX d’Umberto LENZI(1981), CANNIBAL HOLOCAUST de Ruggero DEODATO (1980)– dont le documentaire, d’ailleurs, sur ce dernier s’intitule THE GREEN INFERNO), Eli s’accroche à son mépris pour ses concitoyens qui, même investis d’une cause "juste", ne peuvent que l’envelopper d’une moral aveugle anthropocentriste et nauséabonde, où la manipulation peut être de mise tant qu’elle profite à leurs projets. Justine est innocente (et nous pourrions presque la voir comme une héroïne sadienne découvrant à ses dépens, de son point de vue d’occidentale aisée, un mode de vie qui aurait tout du vice absolu, puisque s’adonnant au tabou ultime : l’anthropophagie).

 

D’ailleurs dans sa mésaventure n’a-t-elle pas le corps couvert de peinture blanche comme signe de sa propre vertu ? Elle se situe entre deux mondes cannibales (pour ne pas dire trois si l’on compte l’assimilation intellectuelle quand on se laisse endoctriner) : celui de cette tribu qui laisse paraître malgré leur pratique « horrible » une harmonie les sexes et les âges se confondent, le corps sacrifié et partagé par la tribu sert de liant, et chacun y savoure sa part et celle, économique, nommée Capitalisme, qui s’englouti lui-même tel un Ouroboros aveuglé par l’avidité.

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Eli ROTH pousse le curseur à l’extrême même si l’effet n’atteint pas l’ignominie des productions italiennes, dont particulièrement CANNIBAL HOLOCAUST qui avait fait scandal en son temps. Le monde a bien changé depuis et la banalisation du gore affadi peut être la violence graphique de ce type de cinéma. Même si l’on peut se questionner sur ce qui motive Eli ROTH à mettre son ancienne compagne Lorenza IZZO, dans pareilles situations filmée.

Mais une autre question s’impose peu à peu : Eli ROTH peut-il s’extraire de ces références pour mettre en scène une histoire originale, avec sa propre touche ? N’atteint-il pas avec THE GREEN INFERNO la limite de sa démarche de fan film maker ?

Durant la promotion du film, Eli ROTH raconte l’anecdote où, ayant trouvé une tribu avec qui tourner ce film, ces derniers lui firent comprendre qu’ils n’avaient jamais vu de film. Eli ROTH installa donc un téléviseur et leur diffusa CANNIBAL HOLOCAUST : étrange manière de présenter un art à une communauté qui en est complètement étrangère.

 

Pas sûr que la communauté des anthropologues ait appréciée.

STURMGRUPPE – USA/2015/Couleur/ 2 mn 40 (Clip vidéo Lana del REY & Marylin MANSON)

Sturmgruppe

Mercredi 19 novembre 2014, une vidéo est lâchée sur le net et fait son effet. Un clip illustrant une musique d’ambiance sombre, tel un mauvais rêve, un montage entre deux clips de Marylin MANSON, No Refexion et Slo-Mo-Tion (de l’album Born Vilain, 2012), auxquels il a été intégrée une scène de viol d’un sosie de Lana del REY agressée par un homme joué par Eli ROTH. La combinaison de ce montage créé une fascination nauséeuse et pourtant, nul n’en tire le mérite. Marylin MANSON se dit étranger à ce projet, puis concède que cela a été une expérience avec son ami Eli ROTH. Lana del REY, elle, n'y serait pas associée. Eli ROTH, quant à lui, n’est pas très clair sur le sujet. Cette vidéo aurait-elle pour but de passer un message ? A y regarder plus attentivement (l’agression d’une femme en noir et blanc, donc passé, et un couple dont la femme pose la tête sur l’épaule d’un homme stoïque tandis que des gamines fracassent l’environnement que l’on pourrait associé à la colère) nous pourrions imaginer que la vidéo dénonce quelque chose que l’actualité couvrira quelques années plus tard, quand l’ex-femme de Marylin MANSON, Evan Rachel WOOD dénoncera les violences sexuelles et psychologiques dont elle aurait été victime, par son ex-mari.

Clown

CLOWN de Jon WATT – USA/2014/Couleur/ 97 mn

L'audace paie, parait-il. Jon WATTS rêve de se lancer dans le cinéma et met en ligne une bande annonce d’un film inexistant, titrée CLOWN, qui serait produit par Eli ROTH. Ce dernier prend le pari de proposer à ce jeune audacieux, de produire son premier film : l’histoire d’un père de famille qui, devant remplacer le clown embauché pour animer la fête anniversaire de son fils, tombe sur un costume couvert de poussière dans l’une des maisons qu’il doit vendre en tant qu’agent immobilier.

 

Mal lui en prend, car le costume ne peut être retiré : malgré tous ses efforts, ses tentatives, le costumes lui reste. De même pour ce maquillage, à moins que ce soit sa propre peau qui vire au blanc… Mais si ce n’était que ça ? Nous nous contenterions d’une farce digne d’un épisode de TWILIGHT ZONE. Au fil des jours, son ventre gargouille et la nourriture ne semble pas lui convenir, puisqu’elle le rend malade… mais la vue d’enfant ne fait rien pour attiser sa faim.

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Nous ne savons s’il existe une catégorie de film regroupant ces films « vendu » avant d’être conçu. Les réseaux sociaux aidant, des trailers de films inexistants ou des courts métrages sincères, deviennent potentiellement faisables au fil des chiffres des compteurs de visionnage. CLOWN pourrait être une belle histoire, un conte de fée, sur un inconnu qui se lance et qui séduit un réalisateur reconnu qui lui offre sa chance de faire son premier métrage qui, lui, aura son petit succès d’estime puisque depuis, Jon WATTS a été embauché par MARVEL pour réaliser la nouvelle saga SPIDER-MAN. Oui, une histoire qui nourrit le fantasme du mythe américain, où l’audace et l’entreprenariat finissent toujours par payer, pour peu que la Providence fasse quelques pichenettes.

CLOWN a tout d’une série B que l’on matte un samedi soir avec une bonne pizza et une bonne bière fraîche. On se surprend d’assister à quelques bonnes tentatives faisant sortir de sa torpeur le spectateur biberonné à l’horreur, avec notamment le meurtre d’enfant par l’esprit ancestral qui possède ce pauvre père qui a voulu être exemplaire pour son enfant roi. La mythologie de la créature à l’origine de la possession, maline, pourrait être vraie, même si l’on doit le mot clown à l’expression que l’on aurait donné aux romains retraités à qui l’on offrait des terres dans des régions lointaines et qui étaient moqués par les habitants.

 

Quelques scènes gores bien senties, mais hélas bridées par la mise en scène sans prise de risque, CLOWN se regarde et s’oublie vite et aura le mérite de montrer une facette d’Eli ROTH un peu joueur.

KNOCK KNOCK – USA/2015/Couleur/ 99 mn

Even WEBER (Keanu REEVES que le temps n’atteint jamais) est un architecte sans histoire, heureux en amour et en famille. Il vit peut-être dans l’ombre de la réussite de sa femme et peut être regrette-t-il le temps où il se rêvait DJ, mais l’harmonie et l’amour qui l’entoure lui offre ce baume qui ne peut qu’anesthésier les regrets. Ne vit-il pas dans une belle villa, n’est-il pas le père de deux enfants pleins de promesses. Le jour de la fête des pères, il est obligé de rester à la maison tandis que sa femme et ses enfants partent en weekend, retenu par un projet qu’il doit absolument terminer. Il restera donc seul avec le chien.

Tandis qu’il est plongé dans son travail et qu’un orage gronde, il se relâche un peu et fume un joint pour décadenasser un peu son esprit, lorsque l’on frappe à la porte. Deux jeunes femmes : Genesis (Lorenza IZZO) et Bel (Ana de ARMAS), sont à la porte, aussi courtement vêtues qu’elles sont trempées jusqu’aux os. De leurs regards de faons, elles le supplient de les laisser entrer, le temps qu’elles puissent contacter leur amie qui se trouve à une fête. Even, en bon américain démocrate et progressiste, ne peut laisser ses jeunes femmes sous la pluie ainsi, et cède.

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Knock Knock

On dit parfois l’enfer pavé de bons sentiments, et cela semble plus vrais encore quand on est un homme qui laisse entrer chez lui deux jeunes femmes séductrices qui n’auront de cesse de titiller ses sens. La morale est une chaîne qui peut finir par céder sous les pulsions du désir. La sexualité peut-elle être une porte vers un autre monde ? Even WEBER découvrira au réveil qu’il y a bien pire que la mauvaise conscience d’un acte que l’on doit assumer le restant de sa vie conjugale, les deux séductrices se dévoilant psychotiques et animées de perverses intentions à son égard.

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Eli ROTH met de côté le gore, et trempe sa plume dans une ancre noire et corrosive, s’amuse à ronger de l’intérieur cette bienpensante Amérique. Keenu REEVES, producteur aussi du long métrage, incarne l’archétype d’une classe sociale américaine qui se laisse emprisonné par ses propres illusions et son matérialisme. Animal vulnérable, il s’expose au danger sans se douter que l’animalité qui couve en lui peut à tout moment s’éveiller et le mettre en mauvaise posture. On ne peut que ressentir une certaine pitié pour cet homme qui par « bonté » – aurait-il laissé entrer deux afro américain trempés jusqu’aux os ? – se retrouve confronté à la folie destructrice.

 

Bel et Genesis incarnent avant l’heure (et cela sonne comme un écho de STURMGRUPPE, le clip avec « Lana DEL REY ») la colère d’une féminité outragée et plus particulièrement encore dans cet Hollywood qui n’hésite pas à vider de son jus les starlettes en quêtes de rêves, que révèlera notamment l’affaire WEINSTEIN – même si celles-ci sont animées de mobile effrayant : une insouciance de l’âge combinée d'une conscience que le désir qu’elle suscite est une arme. KNOCK KNOCK est une plongée dans un cauchemar moderne lestée par une morale bien plus pesante qu’elle en a l’air. Eli ROTH réussit son essai dans le domaine du thriller psychologique, même s’il lui est difficile de ne pas jouer avec l’hémoglobine et qu’on le sent bien aidé par ses scénaristes (Guillermo AMOEDO et Nicolas LOPEZ).

DEATH WISH – USA/2018/Couleur/ 107 mn

Paul Kersey (Bruce WILLIS) est un chirurgien urgentiste respecté et respectable, dans un hôpital de Chicago. Père et mari aimant, il vit dans une banlieue sans histoire, loin de tous ces faits divers qui alimentent les chaînes d’information en continue. Luttant trop souvent contre la Mort, qui guette le chevet de ces patients débarquant dans son service, qu’ils soient fauchés par un chauffard, malchanceux, victime ou perdant d’un duel au revolver, qu’importe la raison de leur venue dans son service, ils ne sont qu’une vie menacée qu’il se doit de garder parmi les vivants.

Il est prêt à baisser la tête pour éviter l’affrontement, quand un parent un peu trop bruyant se prend pour le coach de l’équipe de football de sa fille. Il est de cette classe sociale qui ne se salie jamais les mains, et encore moins dans une perte de contrôle de soi qui le rabaisserait peut-être à une classe qui, au fond, il sous-estime sûrement.

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Death Wish

Paul Kersey le découvrira malgré lui lorsque, de retour d’une intervention d’urgence à l’hôpital, il retrouvera son épouse assassinée et sa fille unique dans le coma. Face à la lenteur de l’enquête, la colère ne cesse de bouillonner, de monter, jusqu’à ce que l’opportunité de trouver une arme cristallise le fantasme de se faire justice lui-même. Paul se laisse envelopper par les ténèbres et rôde la nuit dans les rues de Chicago, encapuchonné, main dans les poches, armé, en quête des agresseurs de sa femme et de sa fille. Et tant pis si, sur son chemin, il croise de menus malfrats qu’il ne se gênera pas à descendre.

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Mais la non-violence qui anime notre Docteur Paul Kersey est-elle vraiment une force intérieure, une vertu spirituelle ? Ou n’est-ce pas plutôt une apathie d’un être protégé par sa condition sociale, se sachant à l’abri économiquement, socialement, épargné par les malheurs d’une classe bien plus exposée et qui, lâchée par les instances sensées la protégée, fini peut-être par céder à la vengeance.

Eli ROTH reprend un projet qui se transmet comme une patate chaude entre scénaristes et réalisateurs : le remake de DEATH WISH avec Charles BRONSON (de Michael WINNER – 1974) qui avait tant fait polémique en son temps chez la critique, puisqu’elle prônait selon elle une forme de self-defense aux allures fascistes. Sylvester STALLONE, un temps, s’attèle au projet, puis c’est ensuite au tour de Joe CARNAHAN (NARC – 2002 –, SMOKIN’ACES – 2006 –, THE GREY – 2012). Eli ROTH retrouve une occasion de faire un nouvel hommage : on s’éloigne du gore et de l’horreur, mais l’on retrouve ce côté polar urbain rugueux, où la nuit, tous les chats sont gris, où tout parait permis avec toujours ce cynisme qui lui est propre, celle crachant sur cette Amérique bien-pensante, trop bienveillante, pour être foncièrement honnête.

 

Comment un WASP peut-il céder si facilement à une quête de vengeance, lui qui pourtant, bénéficie par le biais de sa classe sociale, de tant de privilège (ne peut-il pas se payer une mutuelle pour assurer ses prises en charge de santé, ne peut-il pas dormir sur ses deux oreilles dans sa maison de banlieue protégée, dans ce quartier huppé où la violence se trouve peut-être derrière les murs sans que cela n’inquiète personne ?). La police n’est-elle pas prompte à l’écouter, à s’investir un peu plus dans l’enquête qui le concerne, que s’il avait été pauvre, afro américain ou latino ? Et pourtant, le WASP, malgré son niveau d’études et son niveau de classe sociale lui offrant tous ses acquis, n’en reste pas moins un homme traversé de sentiment, bons ou mauvais. Et la vengeance, est humaine, surtout quand la justice des hommes traîne.

Eli ROTH se fait plaisir, mais ne révolutionne pas la mise en scène, Bruce WILLIS engourdi dans ses caprices de stars, n’exprime plus depuis longtemps la moindre expression sur son visage. Il plisse du regard, marmonne un punch line de sa voix presque enrouée, mais cela suffit : après tout, la soif de vengeance qui anime cet homme ne le déshumanise-t-il pas ? En rebelle grossier, Eli ROTH glisse même une vanne sur Milton FRIEDMAN, fervent défenseur du libéralisme de l’Ecole de Chicago (qui inspirera PINOCHET et sa bande dans les pires extrémités de cette doctrine). Vincent D’ONOFRIO lui, se distingue, en frangin vivant un peu trop dans l’ombre de la réussite de son frère aîné médecin.

 

DEATH WISH offre une série B de bonne facture, que l’on regarde sans se sentir plus impliqué que cela, sans que le mobile de ce Paul Kersey ne nous questionnes plus que ça, sans que cela crée en nous cette forme de dilemme que l’on peut avoir entre le sentiment de justice et de vengeance.

THE HOUSE WITH A CLOCK IN ITS WALLS        (LA PROPHETIE DE L’HORLOGE)                       – USA/2018/Couleur/ 105 mn

Lewis Barnavelt n’a que 10 ans et a déjà perdu ses parents et doit s’en aller vivre chez un oncle qu’il n’a jamais vraiment connu. Cet oncle Jonathan (Jack BLACK) est un peu farfelu et vit dans une étrange maison où la nuit, une horloge semble battre la mesure du temps dans ses murs. Une maison si étrange que les objets semblent dotés de vie, quand ce n’est pas le vitrail donnant face à l’entrée, longé par l’escalier, qui change de scène colorée selon les jours. Mais où donc est tombé ce jeune Lewis Barnavelt ? Qui est donc vraiment cet oncle excentrique qui semble être parti en quête d’un mystère, avec cette Florence Zimmerman (Cate BLANCHETT) qui, après avoir côtoyé en Europe, le Mal incarné par les hommes, ne craint aucunement celui qui se cache dans l’au-delà…

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The House with Clock i it walls

Retrouver Eli ROTH dans cette production AMBLIN (la boîte de production des SPIELBERG post E.T avec pour logo Elliot pédalant dans le ciel devant la lune avec l'extraterrestr dans panier fixé au guidon) peut surprendre, tant le film, sous ses allures de productions familiales dénotent dans sa filmographie. Peu de violence graphique, peu de discours corrosif contre l’american way of life – même simpliste. Au contraire, on y ressent presque une forme de nostalgie d’une Amérique édulcorée des années 50 qu'il n'a jamais connu et qui pourtant avait son lot d'injustices. Il y a certes une noirceur qui pourrait nous faire revoir à deux fois l’idée de montrer le fim à un enfant, mais Eli ROTH s’efforce d’être accessible et de rester fidèle à l’esprit AMBLIN (GREMLINS – 1984 –, la trilogie BACK TO THE FUTUR (RETOUR VERS LE FUTUR – 1985 > 1990 –, MEN IN BLACK – 1997), au point que l’on oublierait qu’il se trouve derrière la caméra.

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Le film est agréable, et peut évoquer Guillermo DEL TORO à certains aspects. Mais lorsque le générique tombe, on se demande ce qui a bien pu motiver Eli ROTH pour qu’il s’approprie un tel projet ? Une lassitude de ses fims très/trop inspiré du cinéma de genre qui l’a formé et dont il doit sa réussite ? Un passage à un autre type de cinéma ? Une volonté de s’extraire de son genre de prédilection ? Un rêve de gosse de faire un film « spielbergien » ? En tout cas, THE HOUSE WITH A CLOCK IN ITS WALLS (LA PROPHETIE DE L’HORLOGE) donne l’apparence d’être une sorte de film transitoire dans la carrière du réalisateur, une halte, une pause, ou un relais pour une autre voie qui se dessinera à partir de sa prochaine réalisation.

THANKSGIVING (THANKSGIVING : LA SEMAINE DE L’HORREUR) – USA/2023/Couleur/ 106 mn

Depuis quelques temps le projet germait.

La bande d’annonce d’un faux film dans le cadre du diptyque GRINDHOUSE composés de DEATH PROOF (BOULEVARD DE LA MORT) de Quentin TARANTINO et PLANET TERROR (PLANETE TERREUR) de Roberto RODRIGUEZ, avait nourrit beaucoup de fantasme dans le milieu des fans de films d’horreur.

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Thanksgiving - the movie

Bien que le genre Slasher ait abordé une bonne partie des jours fériés du calendrier américain, la Thanksgiving n’avait, curieusement, jamais été utilisée…

Etrange, quand on connait l’écart entre le mythe fondateur et la réalité…

Pour rappel, en 1621, les pèlerins du Mayflower se retrouvent comme des cons sur un territoire complètement étranger. Les Amérindiens de la région viennent à eux et leur transmets les bonnes pratiques permettant aux européens d’avoir une belle récolte à Plymouth. Le gouverneur de l’époque, William BRADFORD, organise alors une fête pour les remercier et depuis 1789, après que le Congrès ait demandé à George WASHINGTON une proclamation afin d’instaurer la Thanksgiving Day…

Bon, ça c’est le côté gentillet essentiel au mythe fondateur… et comme tout mythe fondateur, c’est un peu une vérité tordue au bon vouloir du vainqueur : d’abord, William BRADFORD n’organisa cette fête que 16 ans plus tard et pas pour les raisons que l’on croit. En mai 1637, un marchand local – c’est-à-dire, un homme peu scrupuleux au point que la communauté de Plymouth le chassa - fut retrouvé tué. Les pèlerins soucieux de justice, décidèrent sans la moindre preuve que leur haine et ressentiment, que les Indiens Péquots étaient responsables de ce crime, ce qui les arrangeaient tant les premiers ils ne supportaient pas la présence embarrassante de ces natifs. Ils lancèrent donc une attaque contre le village des amérindiens, vers Mystic River, sous le commandement d’un certain capitaine John MASON. Seuls cinq Péquots survécurent au massacre… Mais les pèlerins ne se sentirent pas pour autant satisfaits de cette action de justice et chassèrent toute l’année suivante les derniers 5 rescapés. Les rares survivants rejoignirent d’autres tribus, pourtant alliées aux pèlerins jusqu’à ce qu’ils découvrent la vraie facette derrière ce masque de bonté. Les pèlerins semblèrent si révoltés par la mort de cet homme qu’ils avaient pourtant eux-mêmes banni, qu’ils rayèrent de la carte la tribu Péquot ; John MASON s’étant promis « d’effacer toutes traces de ces indiens de la surface de la Terre ».

Effacé des mémoires, les Péquots seront honorés par Melville dans Moby Dick, en attribuant leur nom au baleinier du capitaine Ahab.

Voilà donc ce qu’est Thanksgiving : une journée dédiée à l’entraide et la bonté, faux nez d’un génocide barbare qui en dit long sur le déni fondateur des Etats Unis d’Amérique.

Rien de tel pour inspirer un Slasher qui raconte souvent la vengeance meurtrière d’une âme en peine (survivante ou non).

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Eli ROTH, sûrement pour d’autres raisons, se chargent de combler ce vide et d’exaucer le souhait des fans en faisant le film promis par sa bande année de 2007.

A l’occasion d’un Black Friday, les habitants de Plymouth se retrouvent sur le parking, prêts à se glisser dans le centre commercial quand celui-ci ouvrira ses portes. Aux premiers, l’offre du siècle : une console de jeu à un tiers de son prix, de la crème chocolat vendu au kilo, des écrans plats à prix cassés : une frénésie électrise la foule. Alors qu’un groupe de jeunes pénètre dans le centre commercial en catimini, la foule de consommateurs, fatigués par l’attente, perd patience et force le passage, dans un chaos total qui provoquera une émeute, quelques blessés et coûtera la vie de trois personnes.

Un Thanksgiving tristement gravé dans les mémoires.

Un an passe. Le drame est toujours dans les esprits, malgré les tentatives du directeur commercial d’effacer ce triste souvenir dans des œuvres caritatives. Mais pour le groupe de jeunes ayant été les responsables de l’émeute meurtrière, des notifications d’Instagram les identifient, dont l’auteur est un individu étranger, portant le masque du fameux Père Pèlerin, John Carver.

Commence une série de meurtres, dont le lien avec les victimes serait cette tragiques nuit de Thanksgiving, dans des meurtres tout aussi sadiques que spectaculaires dans leur mise en œuvre.

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L’exercice n’était pas facile : depuis 2007, nombre fantasmait la concrétisation de ce film imaginaire, se basant sur des images à la prédominance carnée, une voix inquiétante, et quelques extraits de scènes de meurtres que l’on retrouve dans ce long métrage qui profite aussi de glisser un triste message : le Black Friday tombant quelques heures avant le Thanksgiving, la fête fondatrice d’un esprit de réconciliation et l’occasion de se retrouver en famille est désormais entamer par la frénésie d’achat, de celles qui fait perdre toute décence ou humanité.

L’intrigue suit les codes du genre Slasher, les survivants devenus cibles d’un meurtrier masqué que l’on devine être un des membres du casting, enquêtent pour leur survie bien que l’effectif se réduise au fil des différentes étapes menant à la terrible vérité.

THANSKGIVING tient ses promesses : un slasher qui aurait pu être tourné dans les années 80 où il n’y avait pas un mois sans que l’une de ses productions tienne l’affiche. Peut-être plus pudique même si l’on peut comprendre que la saison où se tient cette fête ne s’y prête pas forcément).

Avec cette éternelle fin ouverte s’assurant une possible suite.

Bien que le film ne fût pas un succès au box-office, il assura malgré tout un score suffisant pour rembourser son budget.

Une production sincère, qui devrait effectivement connaître une suite pour 2026.

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