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Tony Scott

Tony Scott

L'Ombre dans la Lumière

THE HUNGERS (LES PREDATEURS) - USA, ROYAUME UNI/1983/Couleur/ 97 mn

19 avril 2012, un homme marche sur la chaussée du Pont Vincent Thomas, reliant San Pedro et Terminal Island. Il est nerveux, avec dans les yeux, cette détermination folle qui interdit tout retour. Il esquive le regard des automobilistes qui circulent vers lui, moins par crainte d’être reconnu que d’être empêché d’aller au bout de sa folle décision qui le force à marcher ainsi sur ce pont, en plein jour. Il remarque un endroit où il pourrait s’accrocher, parmi cette structure métallique et verte, sur ce pont qui évoque à sa manière le Golden Bridge… Ce pont où il foule aujourd’hui une dernière fois le sol des vivant, était surnommé en son temps le « Pont vers nulle part », tant sa construction avait durée… Au vu des motivations de cet homme, il est clair que ce pont ne l’amènera pas sur l’autre rive.

The Hungers

L’homme s’agrippe au grillage et grimpe, tandis que les automobilistes ralentissent, certain même prennent le temps de s’arrêter pour observer la scène, sortent leur smartphone pour ne rien manquer. D’aucuns diront qu’ils pensaient assister à une performance d’un adepte de sport extrême, bien que l’homme ait 68 ans.

Au sommet du grillage, il passe une jambe par-dessus la rambarde et, agrippé, la peur tendant ses muscles, il observe cette eau majestueuse qui semble sans fond, là, sous lui, à plus de 50 mètres.

A quoi pense-t-il pour que sa volonté surmonte la peur. Une peur qui appelle à la survie, alors qu’il s’apprête à mourir de son propre fait. Est-ce vraiment la peur de la vie ou celle de plus pouvoir revoir les siens ?

On dit que dans sa chute, une personne voit défiler sa vie.

Anthony David Leighon SCOTT, plus connu sous le nom de Tony SCOTT, est né le 21 juin 1944 à North Shield, dans le North Tyneside en Angleterre. A seize ans, il joue dans BOY AND BICYCLE, premier long métrage de son frère, Ridley SCOTT (ALIEN, BLADE RUNNER, GLADIATOR). Diplômé en arts graphiques, il se découvre une passion pour le cinéma lors d’études complémentaire à son diplôme au Leeds College of Art and Design. Un moyen métrage aura les honneurs d’être présenté au Festival de Cannes en 1971, LOVING MEMORY. Deux ans plus tard, il dirige un plan pour BARRY LYNDON de Stanley KUBRICK. Il créé une compagnie de production publicitaire avec son frère où il réalisera pendant dix ans des publicités en tout genre, à travers lesquelles il façonnera son style, comme son frère.

1982 : Alan PARKER est sollicité par des producteurs, bluffés par son adaptation de THE WALL au cinéma, afin de mettre en scène un roman de Withley STRIEBER, mais celui-ci leur conseille de se tourner vers Tony SCOTT : ce dernier accepte et souhaite bien imposer son style pour son premier long métrage.

THE HUNGER (LES PREDATEURS) raconte l’histoire de Miriam Blaylock (Catherine DENEUVE), une vampire qui vit parmi les hommes depuis l’aube de l’humanité – du moins, le film le laisse-t-il entendre – une « non morte » depuis, au moins, le temps des pharaons. Pour surmonter cette solitude propre à l’immortalité – une immortalité qui n’est juste qu’une mort qui tarde à tomber, au point que les empires ont le temps de naître et de s’effondrer – elle fait don de sa malédiction à une personne se démarquant à ses yeux, tant par sa beauté que par sa sensibilité et son intellect. Depuis quelques siècles, c’est avec John Blaylock (David BOWIE) qu’elle partage sa « non-vie ». Mais voilà, celui-ci, laisse paraître des symptômes inquiétants de vieillissement accéléré, comme si le Temps, réalisant son oubli, s’empressait de rattraper son emprise : ses cellules vivent une minute comme un mortel vivrait une année. Miriam ne peut imaginer perdre cette moitié qui la connait si intimement et depuis si longtemps. N’ont-ils pas partagé des moments uniques, ensembles ? Une complicité de chair et d’âmes, mais aussi n’ont-ils pas assistés tous les deux aux pages marquantes de l’Histoire, été témoins de révolutions, de l’émergence de nouveaux empires, de découvertes scientifiques bouleversant totalement l’humanité ; ne commençaient-il pas à apprécier ce vent de liberté qui souffle sur cette humanité, comme jamais celle-ci n’a pu connaître dans son histoire ? Un siècle approchant de sa fin, où les mœurs s’assument, où la création se démocratise… Justement, ce siècle en particulier, ce XXe, n’est-il pas celui où la science repousse les limites de la connaissance au point que l’existence de Dieu même serait remise en question ? Et est-ce un hasard si Sarah Roberts (Susan SARANDON), jeune chercheuse pleine d’avenir, spécialisée dans le domaine du vieillissement cellulaire, a sorti depuis peu un ouvrage sur la question synthétisant ses recherches et ses découvertes ?

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Eros et Thanatos se tiennent main dans la main tout le long de ce film étrange, si stylisé qu’il évoque dans sa photographie et ses allures « néo noir », ses plans de nuits, un peu BLADE RUNNER sorti un an plus tôt et tourné par son frère. Si Ridley SCOTT aborde la question de l’humanité par le biais de la machine parfaite qui finit par se leurrer elle-même sur sa condition, Tony lui – exceptionnellement dans sa carrière qui ne traitera jamais plus de fantastique – traitera cette question par le biais de la mortalité et de ses désirs. Bien que la narration de THE HUNGER (LES PREDATEURS) soit très intellectualisée – on sent derrière chaque plan et gestuel des acteurs une réflexion minutieuse du réalisateur, une attention cherchant à tendre vers la perfection qui contient un peu la spontanéité, rendant parfois l’objet filmique un peu froid au détriment du sujet –, le film aborde les pulsions élémentaires propre à l’humanité : sexe et mort, et malgré l’intimité du sujet, on sent une forme de distance. Tandis que John vit chaque minute comme une année, et assiste à son dépérissement, Miriam, comme animée par une pulsion de survie excitée par la peur de se retrouver seule, ressent peu à peu un désir puissant pour cette jeune femme promise à un bel avenir : quelle que soit la solution qu’apportera Sarah Roberts, la guérison de John ou la réponse au désir de Miriam, cette dernière apportera un remède probable à cette peur plus intime que celle de la mort : la solitude.

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Premier film officiel de Tony SCOTT, et ce dernier transgresse déjà les codes : Miriam est ouvertement bisexuelle et John pourrait l’être tout autant – et ce n’est pas le choix d’attribuer ce rôle à David BOWIE qui pourrait prétendre du contraire. D’ailleurs, la scène d’amour entre Miriam et Sarah sera l’une des premières scènes saphiques dans un film de grand studio, et si appréciée comme telle que la communauté LGBT verra en Catherine DENEUVE, une de ces icônes !

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Malgré le cachet de sa mise en scène, ces trois acteurs incroyables et talentueux, l’audace du sujet qui ose renouveler un genre en soi, le film se plante au box-office. Plusieurs raisons pourraient expliquer ce rendez-vous manqué : les questions taboues qu’il aborde (l’homosexualité, et surtout, à mi-mot, et plus encore rétrospectivement, une maladie du sang qui fait un carnage, inconnue jusqu'alors, et dont la rumeur évoquerait une transmission par le sang ou la sexualité. THE HUNGER (LES PREDATEURS) ne traite pas directement de la question du SIDA, mais on ne peut s’empêcher de faire le lien entre l’univers interlope qu’il décrit, l’émancipation sexuelle qui s'y dégage et ce mal mystérieux qui ronge de l’intérieur John. Au point que le studio imposera une fin bien plus morale : le vampire Miriam subira le châtiment de ses choix, ce qui n’est pas le cas dans le roman.

Dans ce premier essai, Tony SCOTT assume l’hybridation entre le cinéma et la culture musicale qu’il tire de ses tournages de clip – ici, notamment, dès la scène d’ouverture avec l’interprète du groupe Bauhaus et sa chanson « Bela Lugosi’s Dead ».  Mais ce premier essai est un peu une pièce à part dans la filmographie de Tony SCOTT, comme une pierre noire d’où surgira ses œuvres futures bien plus solaires. En faisant le choix d’un fantastique qu’il n’abordera plus, son formalisme – même s’il se laissera tenter par un passage vers la Science-fiction –, que l’on pourrait lier à celle de Michael MANN (qui lui aussi, ne fera qu’un film fantastique, son deuxième long métrage THE KEEP (LA FORTERESSE NOIRE) qui traitera aussi du vampirisme, et qui ne lui réussira pas non plus – se fait les griffes et compte bien pousser au possible ses limites. 

TOP GUN – USA/1986/Couleur/ 110 mn

Tout commence par un article dans la revue California, paru mai 1983, sur les pilotes de la Navy Fighter Weapons School de San Diego, qui tape dans l’œil de Jerry BRUCKHEIMER, nouvel golden boy d’Hollywood après les succès au box-office de AMERICAN GIGOLO, LE SOLITAIRE, FLASHDANCE et LE FLIC DE BEVERLY HILLS. L’article relate le fait que les pilotes surqualifiés s’avéraient mauvais en vol et pire encore, lors des combats aériens au début de la Guerre du Viêt-Nam, et qu’une école avait été créée pour y remédier.

TOP GUN raconte l’histoire de Pete Mitchell, incarné par Tom CRUISE. Surnommé Maverick, il est un bon pilote et le sait, bien qu’il ait quelque problème avec l’autorité. Une manière peut être d’être en lutte contre une figure paternelle qu’il n’a connu que jusqu’à l’âge de cinq ans avant que celui ne disparaisse au combat durant la guerre du Viêt-Nam, laissant derrière lui non seulement un vide, mais aussi une triste réputation pesant sur ses épaules ? Ou est-ce juste une rébellion contre cette même hiérarchie qui a peut-être sacrifiée son père pour la patrie ?

Top Gun

À la suite d’un incident dans l’océan Pacifique, Maverick est envoyé à la place du pilote qui avait été sélectionné par le commandant du groupe aérien pour l’United States Navy Fighter Weapons School (surnommé Top Gun) à Miramar, près de San Diego, avec son navigateur, Nick « Goose » Bradshaw, afin qu’ils perfectionnent leur technique de combat et obtiennent le titre de meilleurs pilotes. Très vite, Maverick va rentrer en compétition avec un jeune pilote et son co-équipier, Tom « Iceman » Kazanski (Val KILMER). Ce dernier reprochant notamment ce côté chien fou chez Maverick, qui risque à tout moment de mettre en danger ses compagnons d’armes. Mais Maverick est si sûr de lui, qu’il n’entend pas raison : sa rencontre avec Charlotte Blackwood n’arrange rien, surtout quand il s’avère qu’elle est l’instructrice de leur séminaire.

Mais un terrible accident saura le faire douter de lui…

Le film rencontre en 1987 un succès phénoménal, et impose un style, un acteur (le film lancera la carrière de Tom CRUISE et l’introduira dans le panthéon des stars vivantes) et un réalisateur. Bien que Tony SCOTT ait quitté par trois fois le tournage – et que d’autres fut pressentis au poste de réalisateur avant lui, tels que David CRONENBERG ou John CARPENTER ??  – il saura imposer son style et sa vision du film, et le résultat au box-office lui donnera raison. Une revanche pour le frère de Ridley après l’échec de THE HUNGER (LES PREDATEURS). TOP GUN lève un peu plus la frontière entre le monde de la publicité, du clip et du cinéma. Un bouleversement qui n’est pas sans rapport avec la mutation de la société américaine qui a court : congés maternité, augmentation des femmes sur le marché du travail, délocalisions de l’industrie textile, automatisation de la production et financiarisation émergeantes, la figure du mâle américain est quelque peu malmenée par la réalité, l’Amérique se doit de dépoussiérer ses mythes. Film « machiste » – même si l’héroïne Charlie Blackwood interprétée par Kelly Mc GILLIS tient le statut d’officier supérieure (et d’amante plus expérimentée que Maverick qui, lui, semble comme encore enlisé dans l’adolescence comme s’il se refusait de grandir) – où l’homme ne doit plus surmonter la dureté de la vie et de la nature sauvage, la barbarie des hommes, mais surpasser les limites physiques de son propre corps – ici les forces G au fil des accélérations des avions de chasses dépassant le mur du son  – tout en conservant ses capacités intellectuelles optimales, l’agilité nécessaires aux combats aériens qui ont la particularité de se tenir dans un espaces en trois dimensions, capables de chambouler les sens et la perception, faisant parfois que le ciel devient sol, et le sol, ciel.

Derrière l’histoire archétypale d’un héros pourvu de disposition exceptionnelle en quête d’une vérité sur son passé, confronté au doute au point de perdre confiance jusqu’au déclic qui le fera surpasser ses limites, TOP GUN est un hymne aux nouvelles valeurs américaines impulsée par l’ère reaganienne. Si le héros doute, l’Amérique, elle, assurée de ses fondements idéologiques, ses ambitions géopolitiques, ne doute plus. Fini l’époque de ce cinéma critique et conspirateur, qui rongeait de l’intérieur les valeurs du Pays, où tout était terne, sombre, dépressif. Dès le premier plan, si les ombres se dessinent, c’est sous l’éclat d’une aube (ou d’un crépuscule). Des silhouettes anonymes de chiens jaunes sur la piste de décollage d’un porte avion qui, dans une danse muette, accompagne l’atterrissage ou décollage des avions de chasse, le tout sur une musique synthétique qui résonne encore à l’heure où ses mots s’écrivent. Les années 80 assument leur superficialité, distillent la confirmation d’une Amérique renaissante, confiante. Si le président REAGAN est issu d’Hollywood, le monde ne peut qu’être, lui aussi, qu’à la lisière du réel et du fantasme où les causes sont forcément justes, les corps beaux, résistants tant aux forces physiques qu’au temps lui-même. TOP GUN, à sa manière, participe à l’homogénéisation de la jeunesse occidentale auquel le cinéma participait déjà, mais qui s’étend plus encore avec la culture du clip vidéo et des chaînes musicales. Le softpower est en marche, et crédité par l’US Navy.

 

D’ailleurs, il n’est un secret pour personne que le film obtint une aide du département de la défense : celui-ci étant une vitrine parfaite au point que l’on dit qu’après TOP GUN, le nombre de jeunes hommes s’enrôlant dans l’armée pour devenir pilote d’avion augmenta de 500 % !

Malgré les tensions, Tony SCOTT tient bon et impose son style et sa volonté de faire ressentir au spectateur la réalité des pilotes dans les séquences de vols et de combats aériens. Le perfectionnisme se limitera au ressenti, au point de vue : d’autres aspects seront quelque peu bafoués pour des raisons évidentes : nul MIG 28 dans le film, seulement des Northtop F5, américains – pour info, les MIG n’ont jamais de numéros pairs. On peut imaginer que l’esprit de David LEAN a pu inspirer, d’une certaine manière, Tony SCOTT, tant parfois on pense à THE SOUND BARRIER (LE MUR DU SON – 1952) qui avait pour souci de faire ressentir aussi la pression d’un vol supersonique et ses dangers.

Tom CRUISE, que Tony SCOTT croisa sur le tournage de LEGEND, tourné par son frère, s’approprie le rôle. Il dégage une énergie et un charisme tels, que le film lui doit en partie son succès. Tony SCOTT s’extirpe quant à lui de l’anonymat et trouve enfin la reconnaissance, tout en ayant trouvé sa voie…

BEVERLY HILLS COP II (LE FLIC DE BEVERLY HILLS 2) – USA/1987/Couleur/ 100 mn

Après le succès commercial du premier volet, mis en scène par Martin BREST, Paramount Pictures souhaite développer une série télé dérivée. Mais Eddie MURPHY s’y oppose, producteur et star s’entendent sur l’idée d’un second film, tout comme sur le sujet qu’il abordera. Une première version de suite devait se dérouler en dehors de Los Angeles, mais la star souhaite pour des raisons familiales rester en Californie.

Berverly Hills Cop

Très rapidement, Don SIMPSON et Jerry BRUCKENHEIMER, plus que satisfaits du succès de TOP GUN et de leur collaboration – même si le tournage n'était pas sans tension – propose le projet à Tony SCOTT. Ce dernier hésite, impressionné de tourner avec un Eddie MURPHY au faîte de sa gloire (alors qu’il a fait son premier film avec monstres du cinéma et de la musique comme Catherine DENEUVE et David BOWIE). La vedette afro américaine, starifiée, tient sa réputation de véritable pile électrique et le premier volet ayant marqué un certain niveau de qualité, qu’est-ce que Tony SCOTT pourrait apporter de plus à la saga ? Il finit tout de même par accepter, en préférant se mettre en retrait afin de laisser le génie de l’improvisation d’Eddie MURPHY qui maîtrise certainement mieux que lui, les éléments comiques, moelle de ce type de cinéma d’action. D’ailleurs, on sent bien que l’improvisation est à l’origine des multiples scènes comiques du film, tant l’énergie du flic de Détroit, Axel Foley interprété par Eddie MURPHY, électrise le long métrage. Tony SCOTT n’est pas un yes man pour autant, et réussit à imprégner ce second volet de sa touche personnelle (lumière crépusculaire, filtrée par des persiennes, atmosphères légèrement enfumée, personnage stylisée) tout en injectant une légère noirceur.

Clins d’œil, références, se glissent dans les scènes, comme notamment une affiche de COBRA avec Sylvester STALLONE qui devait, à l’origine, tenir le rôle d’Alex Foley dans le premier volet, où joue aussi Brigitte NIELSEN – compagne de celui-ci à cette époque – qui tient ici le rôle d’une femme de main froide et sans pitié.

 

Quelque caméos, que l’on ne peut que croiser à Hollywood, comme un Hugh HEFNER qui parait tout aussi surpris de voir les policiers dans sa villa pour le film, qu’une équipe de tournage, et un jeune Chris ROCK comme pour un passage de relai entre son mentor et lui.

 

L’accueil critique sera tout de même mitigé : il est vrai que l’intrigue ne brille pas par son originalité et que le long métrage est surtout sauvé par les improvisations du célèbre comique qui se joue de la condition afro américaine dans un environnement, déjà, extrêmement bienpensant et condescendant, d’une élite si faussement progressiste que, confronté à ses préjugés si profondément ancrés, elle patauge dans la gêne.

 

Spectacle des plus appréciable qui manque cruellement aujourd’hui.

DAYS OF THUNDER (JOURS DE TONNERRE) – USA/1990/Couleur/ 108 mn

Tony SCOTT retrouve Tom CRUISE, dans un projet qui ne se déroulera plus dans les airs, mais sur le bitume des circuits de NASCAR. Cole Trickle est une jeune pilote qui quitte la catégorie IndyCar Séries pour rejoindre la ligue NASCAR. Eperdu de vitesse sans en connaître les aspects techniques (un apport au scénario qu’il co-écrit, sur son enfance, où Tom CRUISE dyslexique, se retrouva dans des classes de remise à niveau), il est associé avec Harry Hodge (Robert DUVALL) qui s’est mis à l’écart du monde des courses automobiles après que son dernier pilote ait trouvé la mort lors d’une épreuve. Les deux hommes, l’un jeune en quête de réussite et de figure paternelle (encore) et l’autre, ayant plus de vécu derrière lui que d’horizon à redécouvrir, vont apprendre à se connaître, à se respecter, à s’entre-aider. L’un y trouvera un fils qu’il n'a jamais eu, l’autre un père qu’il aurait rêvé d’avoir, l’un obtiendra une victoire, l’autre une consécration dans sa jeune carrière et un savoir qui lui était jusqu’alors étranger.

Days of thunder

Une nouvelle fois, une compétition entre deux personnes, ici Tom CRUISE et Michael ROOKER interprétant Rowdy Burns, aboutira à une amitié virile, où l’un est prêt à se sacrifier pour l’autre. Une rivalité amicale, qui pousse l’un et l’autre à se surpasser, qui ne peut que faire écho entre Tony SCOTT et son frère Ridley. Entre ces deux frères, n’y aurait-il pas, quelque part, une rivalité artistique qui pousse chacun d’eux à se surpasser ?

Trop souvent comparé à TOP GUN (même réalisateur, même acteur principal, mêmes producteurs, même intrigue : un jeune homme talentueux qui doit se surpasser après un traumatisme – même les plans d’introduction du film dès l’aube sur le circuit rappelle le fim précédent !) à juste titre, DAYS OF THUNDER réussit tout de même à retranscrire l’esprit des courses automobiles, avec ses tensions, l’osmose entre un public statique et un pilote franchissant la ligne d’arrivée sous le drapeau à damier. Les plans sont tout autant immersifs : caméra rasant le bitume, bandes blanches avalées par les calandres des bolides, la caméra vibrant sous les vrombissements des moteurs, le spectateur se laisse absorber par la tension où dans cette compétition, les pilotes ne sont pas avares de coups fourrés pour gagner. Le scenario est co-écrit par Tom CRUISE (qui est passionné par la vitesse et qui fut initié par Paul NEWMAN en personne sur le tournage de THE COLOR OF MONEY (LA COUELUR DE L’ARGENT) de Martin SCORCESE) et Robert TOWNE à qui l’on doit notamment BONNIE & CLYDE et CHINATOWN, s’inspire d’un pilote, Tim RICHMOND. Hans ZIMMER retrouve Tony SCOTT pour la partition.

 

Tony SCOTT s’inspire quant à lui d’un film de Howard HAWKS : RED LINE 7000 (LIGNE ROUGE 7000) où l’intrigue, dans le milieu de la course automobile, traite aussi d’amitié virile.

Tom CRUISE partage l’affiche avec Nicole KIDMAN, qui deviendra sa compagne dans la vie, et qu’il recommandera pour son film suivant, FAR AND AWAY (HORIZONS LOINTAINS) de Ron HOWARD.

Le film n’obtiendra pas, à sa sortie, une bonne critique, mais le public, lui, sera au rendez-vous.

THE LAST BOY SCOUT (LE DERNIER SAMARITAIN) – USA/1991/Couleur/ 106 mn

Il y a bien longtemps que Joe Hallenbeck (Bruce WILLIS) ne se respecte plus. Ancien agent des services secret missionné comme garde du corps de sénateur, il se retrouve détective privé. De celui qui ne s’occupe que des affaires matrimoniales, qui trainent dans les bars quand il ne dort pas dans sa propre voiture pour prendre sur le fait, celui ou celle que l’on accuse d’adultère. Pourquoi ferait-il l’effort de se respecter quand son épouse et sa propre fille le déconsidèrent, cette dernière semblant tester le catalogue de tous les mots orduriers appris à l’école ou à la télévision. Chaque jour, il sombre et pas besoin d’avoir l’odorama pour imaginer que sa simple présence dans une pièce empeste l'odeur d’alcool et de sueur.

The Last Boy Scout

Une nouvelle affaire s’ajoute à son quotidien, suivre une strip-teaseuse : il y a pire comme contrat. Mais voilà, ce qui semblait une pathétique affaire diligentée par un amant jaloux et fortuné, vire dans l’affaire personnelle quand l’ami de Joe, se fait sauter avec sa voiture devant son domicile après qu’il eut surpris ce dernier dans le placard de sa chambre à coucher, tandis que sa femme feignait une panne de réveil.

 

Peut-être que cette affaire est une occasion de relever la tête pour Joe, et de gagner le respect de celles qu’il aime, car il n’y a certainement pas pire enfer que d’être déconsidérés par ceux qu’on aime.

BEVERLY HILLS COP 2 avait sa petite dose de désespoir et de noirceur, THE LAST BOY SCOUT y saute à pieds joints comme un garnement sautant dans une flaque d’eau, sous les traits du scénariste Shane BLACK qui sera sur le moment l’un des scénarios les plus chers d’Hollywood (1,75 millions de dollars avant que Joe ESZTERHAS ne vende son BASIC INSTINCT à la CAROLCO), mais qui n’hésite pas à tremper sa plume dans les germes de sa dépression.

 

Ce dernier, après le four de ce film et de THE LAST ACTION HERO de John Mc TIERNAN, fera une longue période de traversée de désert, se voyant refuser ses projets et mis de côté par la profession. Entre temps, Tony SCOTT s’essaiera à l’adaptation d’une œuvre littéraire, REVENGE avec Kevin COSTNER, adapté d’une nouvelle de Jim HARRISSON issue du recueil Légendes d'Automne curieusement rarement diffusé et introuvable – ce qui n’est pas plus mal pour Tony SCOTT qui a été dépossédé du final-cut.

Il règne dans THE LAST BOY SCOUT une forme de désenchantement, de désespoir constant, tout en lorgnant sur les films de Walter HILL : il suffit de regarder l’introduction pour déglutir devant tant de nihilisme, même si celui-ci sera peu à peu relevé au fil de l’intrigue résultant de réécritures lors du tournage. Car le tournage a souffert de forte tension entre une star insupportable, un producteur si dirigiste et cocaïnomane qu’il inspirera le personnage interprété par Saul RUBINEK dans TRUE ROMANCE, et un Shane BLACK qui retient son frein pour mettre en scène ses propres histoires. Tony SCOTT est entre le marteau et l’enclume, et si souvent menacé d’être exclu du tournage s’il ne cède pas aux envies pseudo artistiques de son acteur star et de son producteur, qu’il considérera le tournage de ce film comme le pire de sa carrière… Et ne parlons pas de la relation entre Bruce WILLIS et Damian WAYANS qui n’arrange rien.

The LAST BOY SCOUT a comme une atmosphère lourde, pesante, malgré ses punchlines assez drôles bien qu’un peu surannée désormais. Il est fait mention sans le vouloir du traitement des femmes et des violences qu’elles subissent (la mort de la strip-teaseuse, les relations toxiques entretenues par le monde du sport rémunérant les sportifs en sexe et drogue). Le film ne marchera pas, et pour Bruce WILLIS qui essuie déjà l’échec de son précédent film, HUDSON HAWK de Michael LEHMANN, c'est la confirmation d'un passage à vide.

 

Son hyper violence cool qui éclate aux yeux des spectateurs, annonce pourtant les prochaines productions de Quentin TARANTINO.

Et quel curieux hasard ! c’est justement Tony SCOTT qui mettra en scène le premier scénario de celui-ci…

TRUE ROMANCE – USA, FRANCE/1993/Couleur/ 121 mn

L’Histoire s’écrit aussi dans les appartements miteux de Los Angeles. Roger AVERY écrit un script appelé OPEN ROAD et le fait lire à son co-locataire, un certain Quentin TARANTINO. Ce dernier trouve le sujet très intéressant et lui fait part de quelques critiques, mais Roger AVERY s’investissant dans l’adaptation de SILVER SURFER passe son tour et laisse la matière brute d’OPEN ROAD dans les mains de son ami : ce dernier s’y penchera pendant un an, au point que le manuscrit monte de 80 pages à 500 pages. Ce pavé irriguera les prochaines œuvres de ce jeune scénariste qui ne paie son loyer que grâce à son boulot dans un vidéo store, RESERVOIR DOG, PULP FICTION, NATURAL BORN KILLERS. Mais ce qui compte ici, c’est TRUE ROMANCE, histoire d’amour passionnée entre un vendeur de comics passionné de cinéma, Clarence Worley (Christian SLATER) qui, le soir de son anniversaire, croise le chemin d’Alabama (Patricia ARQUETTE) qui s’avère être une call girl envoyée par le patron de Clarence pour fêter cette journée importante sans qu’il ne la passe dans la solitude, même s’il lui arrive de discuter avec l’esprit d’Elvis PRESLEY (Val KILMER).

True Romance

L’amour a ce côté mystérieux, capable de germer en tout lieu, en toutes circonstances, pourvu qu'il soit inatendu : une passion indéfectible se tisse entre ces deux âmes solitaires, au point qu’il se marient dès le lendemain. Pourquoi attendre, la vie est si courte. Comme pour aider Alabama à tourner la page de son ancienne vie, Clarence s’en va récupérer ses affaires chez son maquereau, Drexl Spivey (Gary OLDMAN), regroupé dans une simple valise. Mais dans la fusillade qu’il provoque, il en ramène une autre, remplie de cocaïne. Se doutant qu’ils seront vite pourchassés par la police et la mafia, ils décident de quitter Détroit et de retrouver un ami de Clarence, Dick Ritchie (Michael RAPAPORT) qui tente de percer à Hollywood, s’imaginant que celui-ci pourrait être une porte d’entrée dans le monde cloisonné d’Hollywood.

 

Cette valise est un don du ciel, la clé pour une vie meilleure.

Tony SCOTT croise Quentin TARANTINO à Sundance, lors d’un atelier d’écriture de scénario qu’il encadre. Le réalisateur tombe vite sous le charme de ce scénario proposé par ce jeune inconnu, qui porte en lui les germes d’un nouveau genre de films noirs où l’humour et la tristesse sont si tressés l’un l’autre qu’ils forment un tout, la caractérisation des personnages est imprégnée d’un amour inconditionnel pour le cinéma et d’une cool attitude, les dialogues ne sont pas là pour remplir des vides ou enfoncer des portes ouvertes, les scènes s’inspirent d’œuvres oubliées. Un auteur à part, qui saura instituer une complicité avec le public – qu’il soit cinéphile ou non. Pour Quentin TARANTINO, une bonne scène doit tellement se suffire à elle-même qu’elle peut être reprise pour un cours d’acteur au théâtre, sans que l’on ait à connaître l’avant et l’après.

 

Samuel HADDIDA, producteur français – décédé le 26 novembre 2018 et à qui l’on doit notamment le PACTE DES LOUPS de Christophe GANS et KILLING ZOE de Roger AVERY –, a déjà les droits du scenario qu’il destine à William LUSTIG (MANIAC, MANIAC COP 1, 2 & 3). Dans la quête des investisseurs, Tony SCOTT fini par obtenir gain de cause au prix du retrait de l’investissement de Miramax, la boîte de production des WEINSTEIN qui saura pourtant épargner Quentin TARANTINO de leurs manies de coupes castratrices au montage pour ses futures productions : Harvey WEINSTEIN considérant Tony SCOTT comme ingérable – grand bien lui fit-il.

Tony SCOTT reprendra en état le scénario – comme pour se soulager de la rancœur gardée après son dernier film – sans y apporter le moindre changement, hormis la scène finale jugée trop sombre par les investisseurs et qui sera réécrite par Roger AVERY, Quentin TARANTINO étant trop occupé à vivre enfin son rêve en faisant le tour du monde promotionnel pour son premier long métrage, RESERVOIR DOGS.

Avant d’être le film culte qui lancera discrètement la carrière de son scénariste, TRUE ROMANCE est l’occasion rare de voir se croiser des acteurs légendaires : Samuel JACKSON, Val KILMER, Dennis HOPPER et Christopher WALKEN, Gary OLDMAN, Brad PITT, James GANDOLFINI… même Jack BLACK fait un caméo qui sera coupé au montage. Tony SCOTT se lâche et, à travers l’amour immodéré de TARANTINO pour le cinéma populaire, fait son propre hommage pour ces genres déconsidérés par les critiques (Blacksploitation : la scène de Samuel JACKSON incarnant un pimp, les scènes de films diffusés sur les téléviseurs), mais aussi  à la Nouvelle Vague des polars Hong-Kongais qui commence à faire parler de lui, notamment celui de John WOO et son SYNDICAT DU CRIME 2, et la scène finale de TRUE ROMANCE mettant en scène une impasse mexicaine opposant la mafia, le FBI et les héros du film.

 

Sûrement un de ces films les plus référencés dans sa filmographie, Tony SCOTT sert de vaisseau pour un auteur à part promis à la gloire, tout en s’investissant personnellement. Il s’y dégage une certaine forme de furie créatrice : Tony SCOTT obligera Christian SLATER à regarder TAXI DRIVER pour inspirer son jeu et trouver la source de sa passion morbide, ira jusqu’à gifler par surprise Patricia ARQUETTE pour la mettre en condition émotionnelle pour jouer une scène, quand ce n’est pas James GANDOLFINI qui se fera vraiment planter le tire-bouchon dans la cuisse pour qu’il ressente vraiment la douleur. TRUE ROMANCE doit peut-être son aura de film culte pour ça, ce brin de folie dans sa création qui se fait ressentir lors de son visionnage.

Malgré les critiques élogieuses dans la presse et de la profession, le film ne sera pas le succès espéré : mal vendu et légèrement en avance sur son temps, il gagnera sa réputation avec le temps.

CRIMSON TIDE (USS ALABAMA) – USA/1995/Couleur/ 116 mn

1995. Tension dans le Caucase, une rébellion tchétchène incite la Russie à répliquer en bombardant massivement les rebelles, ce qui n’est pas sans provoquer une réaction des différentes puissances internationales. Etats-Unis, Angleterre et France, condamnent les frappent mortelles sur la population civile. Une activiste ultra-nationaliste considère cette réaction occidentale comme un acte de guerre et après s’être emparé d’une base nucléaire russe près de Vladivostok, menace l’ordre mondial. L’alerte DEFCON (DEFense readiness CONdition) est au niveau 4 aux Etats Unis, des sous-marins sont envoyés avec leur chargement d’ogives nucléaire : nous sommes qu’à quelques secondes de l’Holocauste nucléaire sur l’horloge de l’Apocalypse. L’un d’entre eux est commandé par l’intransigeant et légendaire commandant Ramsey (Gene HACKMANN). Son commandant en second étant malade, il est remplacé au pied levé par le capitaine de corvette Ron Hunter (Denzel WASHINGTON). Mais il y a comme une divergence entre les deux hommes, chacun ayant une perception propre de l’obéissance aux ordres. Cela se fait notamment ressentir lors de quelques mises en situation mettant le jeune Ron Hunter à rude épreuve… mais ce qui aurait pu être une tension entre deux officiers va prendre une toutes autre tournure lorsqu’un message flash incomplet tombe après une attaque contre un sous-marin russe tenu par des dissidents, ayant manqué de les détruire dans les fonds marins. Un message qui laisse selon les conceptions des deux officiers, une libre interprétation : est-il un message de confirmation du précédent message flash, qui autorisait la frappe nucléaire sur Vladivostok comme le considère le commandant Ramsey ? Ou, comme le pense Ron Hunter qui souhaite prendre le risque de monter à la surface afin de demander confirmation, un contrordre de l’état-major ?

Crimson Tide

Tony SCOTT, après les airs, le bitume, s’essaie au fond marin dans un huis clos tendu, à l’atmosphère chargé en testostérone. Il y croise ce qui sera sûrement son acteur le plus fidèle, Denzel WASHINGTON, dans le rôle qui avait été prévu à l’origine pour Brad PITT, Andy GARCIA ou Tom CRUISE. Mais le charisme de Denzel WASHINGTON, cette capacité d’être tout autant en retenu lorsque l’émotion éclate, lui va comme un uniforme.

 

L’histoire s’inspire de la mutinerie à bord d’un sous-marin russe à l’époque de la crise de Cuba. L’armée américaine n’appréciant pas l’image d’un équipage capable de se mutiner en pleine mission, retirera son aide, mais l’armée française elle, y trouvera son compte au point de laisser l’équipe de tournage faire quelques scènes sur le porte avion Foch.

Il y a des genres très propres au cinéma, où chaque nouvel essai est rarement manqué. Le film de sous-marin est de ceux-là. Huis-clos fatal, où la moindre erreur condamne un équipage à une mort atroce, puisqu’il le bâtiment devient tout aussitôt leur tombeau. L’air se vice, la paranoïa s’installe, s’accentue au fil des suées et des moments de paniques – pour l’occasion, un plateau sur vérins, sera construit : l’immersion est totale (il sera d’ailleurs repris pour le tournage de quelques scène d’Independance Day).

Quelques dialogues font croire que Quentin TARANTINO aurait apporté sa plume, notamment la scène entre deux matelots qui s’embrouillent sur Silver Surfer et de quelle ère, celle de Jack KIRBY ou de Moebius, serait la meilleure.

Hans ZIMMER obtiendra un Grammy Award pour la composition de la bande originale.

 

Tony SCOTT trouve un moment pour y laisser sa signature (une scène tournée au lever du jour, où le sous-marin à la surface brise les eaux devant un soleil levant), et confirme son intérêt de mettre en valeur un acteur afro américain.

ENEMY OF THE STATE (ENNEMI D’ETAT) – USA/1998/Couleur/ 132 mn

Les médias et le monde politique américain sont en ébullition, un projet de loi fait débat et anime les plateaux télés : une démocratie peut-elle accepter de donner plus de pouvoir de contrôle des télécommunications, par le biais de la vidéosurveillance et l’écoute des communications, aux services de sécurité intérieure ?

Deux hommes se rencontrent à ce sujet pour en discuter secrètement, à l’abri justement de tous regards et appareils de surveillance, justement : le membre du Congrès, Phil Hammersley accompagné de son chien, et Thomas Brian Reynolds (Jon VOIGT) qui lui, s’est entouré de sa meute de garde du corps dévoués à la cause. Thomas Brian Reynolds n’est pas n’importe qui, il n’est qu’autre que le directeur de la NSA, Agence Nationale de Sécurité, si secrète que l’on a découvert que récemment son existence… Thomas Brian Reynolds souhaite bien faire basculer la voix de ce sénateur pour qu’il vote ce projet de loi, mais voilà, celui-ci est un de ces politiques romantiques qu’on ne voit qu’au cinéma : il a des conviction et tient à la liberté individuelle de chacun… Pas grave, si ce sénateur ne lui sert à rien vivant, peut être que mort, il lui sera plus utile. L’homme politique est assassiné, de telle manière que cela soit considéré comme un accident.

Enemy of State

Le weekend passe, les news abordent le fait divers qui marque une pause dans le débat politique.

Pendant que les autorités enquêtent sur les lieux du décès, sur l’autre rive, Daniel Zavitz (Jason LEE), biologiste, ouvre un caisson où une caméra enregistre les comportements des oiseaux. Sans s’en rendre compte, Daniel va se faire happer dans une machinerie inhumaine qui n’aura de répit que lorsque la NSA récupérera la vidéo où la scène de crime a été enregistrée.

La nouvelle technologie est mise en branle : car il est bien connu, quand on est au projet de loi, c’est que la technologie est bien rôdée et qu’on se dit que, peut-être, ce serait bien d’être dans les clous juridiquement. Satellites, vidéo surveillance, écoute téléphonique, l’homme est vite identifié par la NSA, qui envoie ses hommes chez lui afin de récupérer le film. Mais entre-temps, Daniel a visualisé la vidéo et comprend rapidement qu’il est devenu un homme à abattre, et que pire qu’une organisation criminelle, ce sont surement les services secrets qui cherchent à lui faire la peau. Il s’échappe à temps de chez lui. Dans sa fuite, il croise par hasard un ami de fac, un certain Robert Clayton « Bobby » Dean (Will SMITH), avocat du droit du travail à qui tout réussi et qui est promis à un brillant avenir. Le film est glissé à son l’insu, et Daniel s’échappe pour se faire tuer dans sa fuite dans un accident malheureux. Le jeune avocat découvre comme les autres témoins le corps de son ancien ami de fac, mort, alors qu’ils s’étaient retrouvés quelques minutes plutôt : la vie peut être si étrange, parfois… Il rentre chez lui sans se douter qu’il transporte avec lui, une preuve qui va faire basculer sa vie entière…

Nous sommes en 1998, pour celles et ceux qui ont eu la chance de les connaître, c’est une sorte d’âge d’argent. Bien évidemment, il y a des problèmes, des drames, des crises, des guerres, mais… malgré tout, c’était un temps où les réseaux sociaux n’étaient qu’au stade embryonnaire, la nature semblait encore invulnérable malgré les pollutions qui faisaient la une… Le téléphone n’était encore qu’un téléphone même si déjà, il pouvait nous espionner… c’était à quelques année de 2001 et justement, de ce basculement post 9/11, avant que l’Amérique et l’Occident s’enlisent dans le délire paranoïaque et sécuritaire qui est désormais notre quotidien…

Le film se veut comme un hommage aux films d’espionnage et de complots des années 70, dont Brian de PALMA portait haut les couleurs… D’ailleurs, il y a un lien tenu entre ENEMY OF THE STATE de Tony SCOTT et THE CONVERSATION (CONVERSATION SECRETE) de Francis Ford COPPOLA… D’abord par l’intermédiaire de Gene HACKMANN qui ici, dans le long métrage, joue le rôle d’un expert en écoute qui s’est mis au vert… même sa photo dans son dossier à la NSA serait issue de ce long métrage, quand ce n’est pas une scène d’extérieur qui fait un clin d’œil insistant au long métrage de COPPOLA…

Mais ENEMY OF THE STATE peut être vu aussi comme un film ironique et visionnaire : ironique car le l’excès de pouvoir est menacé par sa propre technologie, puisque le meurtre est filmé à l’insu des auteurs ; visionnaire car l’Amérique ne tardera pas à s’enliser dans le tout sécuritaire, allant jusqu’à bafouer les principes élémentaires de la liberté individuelle. Où est donc le réalisateur de TOP GUN, et son hymne à la suprématie de l’american way of life ? SCOTT s’essaie à un montage saccadé, frénétique, alternant entre différent écran qui pourrait faire office de split screen, entre plans de satellites zoomés, et multiples écrans de différents systèmes de sécurité, participant au sentiment d’être écrasé par la surveillance panoptique d’un Etat, au point de nous faire ressentir la paranoïa si chère au genre des films d’espionnage des années 70.

 

Un long métrage qui annoncera sans le savoir, l’atmosphère post 11 septembre…

 

De quoi alimenter nos sites complotistes préférés…

SPY GAME – USA, ALLEMAGNE, JAPON, FRANCE/2001/Couleur/ 126 mn

Nous sommes en 1991, la Guerre Froide n’est plus qu’un mauvais souvenir. Des murs et des régimes se sont écroulés, certains même pensent que l’Histoire a pris fin et le théoriseront. Le président des Etats Unis prépare un déplacement en Chine afin de signer un accord commercial important et faire évoluer leur relation. Mais l’arrestation d’un agent de la CIA dans une prison chinoise de la province de Suzhou, après une tentative manquée d’évasion de prisonnier gèle le projet.

La Central Intelligence Agency est en ébullition, elle n’a que 24 heures pour libérer l’agent Tom Bishop (Brad PITT) avant qu’il ne soit exécuté par les autorités chinoise. Qui mieux que personne peut établir le profil de cet agent que son recruteur et mentor : Nathan MUIR (Robert REDFORD) n’est qu’à quelques heures de la retraite et pensait plutôt vivre sa dernière journée au sein de l’agence, entre des adieux et le rangement de ses affaires dans des cartons. On n’est pas né de la dernière pluie lorsque l’on intègre la CIA, moins encore lorsque l’on part en retraite et que l’on a été mêlé à de nombreux faits que l’Histoire officielle ne peut assumer. Nathan Muir détruit ses dossiers, afin que l’équipe en charge de l’enquête sur sa recrue ne dépende que de lui et qu’il veille à ce qu’on ne sacrifie pas ce dernier pour couvrir les failles de l’organisation.

Spy game

C’est donc installé autour de la table qu’il raconte sa rencontre, la formation et les moments forts de leur relation ambigüe, presque filiale, entre cet officier et sa recrue qu’il a formé sur le terrain, que ce soit au Viêt-Nam, à Berlin au temps où la ville était divisée entre l’Occident et les Soviétique, ou à Beyrouth. Cela suffira-t-il pour jouer la montre et que Tom s’échappe ?

Tony SCOTT retrouve cet univers de film d’espionnage des années 70. Cette fois, par le biais d’une forme d’Histoire des Etats-Unis, celle qui s’assume moins, écrite avec le sang et les larmes de la trahison. La colorimétrie tend vers le métallique, des tons froids, comme pour souligner un monde où seuls règnent et gagnent le mensonge et la trahison. Même l’amitié ou l’amour se courbe devant les intérêts de l’Etat. Un monde où il ne faut pas trop s’attacher, moins encore pour une personne que l’on prépare au sacrifice pour une cause qui n’est pas forcément celle de celui que l’on manipule.

Il choisit Brad PITT car il n’avait pas pu tourner avec lui depuis TRUE ROMANCE, quelle meilleure occasion que de le faire jouer avec Robert REDFORD, légende du cinéma qui fit la gloire, notamment, de ces fameux longs métrages paranoïaques des années 70 comme THREE DAYS OF THE CONDOR (LES TROIS JOURS DU CONDOR) de Sidney POLLACK. On pourrait presque y voir une forme d’introspection entre l’aîné et l’image de lui, jeune tant la ressemblance et leurs charismes donnent l’impression qu’ils sortent tous les deux du même moule.

Le film sort au mois de novembre 2001, malgré les conséquences de l’attaque du 11 septembre de la même année, qui fit basculer le monde vers une autre ère. Rappelons que l’onde de choc affecta aussi les productions de films : certains furent remontés, voire coupés quand certaines scènes n’ont pas été refaite lorsqu’elles mettaient en scène notamment les tours du World Trade Center. SPY GAME évoque entre autres, une scène d’attentat suicide, qui a inquiété les studios au point de s’assurer de l’impact sur le public en organisant des projections tests.

Ridley SCOTT, quant à lui, mettra en scène BLACK HAWK DAWN (LA CHUTE DU FAUCON NOIR), film qui traite aussi de l’influence et des interventions des Etats Unis en Somalie. Tous deux dédicaceront leur long métrage à leur mère décédée.

Pour Tony SCOTT, il y a comme un sentiment de désabusement, de perte de confiance totale pour cette Amérique qui devait entretenir en lui, au début de sa carrière, l’idée d'un pays du Pays de tous les possibles : TOP GUN et sa glorification de l’Amérique semblent bien loin, comme l’œuvre d’une autre personne.

MAN ON FIRE – USA, ROYAUME UNI, SUISSE, MEXIQUE/2004/Couleur/ 146 mn

John W. Creasy (Denzel WASHINGTON) pourrait être le héros du film précédent : ex-agent de la CIA, il est rongé de l’intérieur. Quelles furent ses missions pour que son âme semble à ce point si affectée, qu’il ressente ce tel besoin de boire pour noyer sa douleur ? Est-il hanté par des regards persistants d’homme ou de femme cherchant dans un dernier instant, l’humanité qu’il cachait avant qu’il ne presse la gâchette. Entend-il les cris et les suppliques de ces cibles, ou les lamentations des peuples de pays ayant soufferts des complots fomentés par son agence, pour de quelconques intérêts particuliers qui plus est ? Nous ne le saurons jamais, si ce n’est que cet homme a suffisamment souffert pour s’enfermer dans une carapace que personne n’est capable de percer…

Man of fire

Il retrouve Paul RAYBURN (Christopher WALKEN), compagnon d’arme et sûrement son seul ami, à Mexico où ce dernier a refait sa vie. On ne supporte jamais de voir un ami sombrer, Paul doit savoir plus que quiconque ce qui pèse sur l’âme de John, et plutôt que de le regarder se tuer à petite goutte d’alcool, il lui propose un poste de gardien du corps pour une riche famille mexicaine. Un travail qui n’est pas de tout repos : la ville et le pays souffrent d’une épidémie d’enlèvements ciblant les familles fortunées. John accepte, comme si au fond de lui, ce poste pouvait être bien plus qu’un simple boulot. Fini le laisser aller, il doit porter costard et cravate, et se contenir la journée pour ne pas boire. Il découvre qu’il ne doit pas être qu’un simple garde du corps, mais aussi une sorte de chauffeur pour une enfant de 9 ans, Pita (Dakota FANNING).

Les premiers temps, ne sont pas simples. Pita souffre de l’absence d’un père homme d’affaire, régulièrement en déplacement, l’affection de sa mère ne pouvant pas tout compenser. Surtout que celle-ci semble un peu souffrir de sa condition de femme au foyer, elle, américaine loin de la famille et de ses amies d’enfance.

John est distant, au point d’en être maladroit, avec cette gamine en manque d’affection et de figure paternelle. Puis les jours passent, le lien peu à peu se tisse, se forge et une amitié inter générationnel s’installe entre ces deux êtres. John retrouve d’une certaine manière à travers la spontanéité de cette petite fille, un goût de vivre qu’il avait perdu… voire jamais connu. Il lui accorde du temps, l’entraîne à la natation au point que cette dernière finira par gagner une épreuve dans le cadre d’une rencontre sportive inter établissement scolaire. La paternité n’est pas qu’une question de chair et de sang, mais d’un amour sincère.

Mais nous sommes à Mexico.

Un jour, alors que John accompagne Pita à sa leçon de piano, il observe des agents de police et des hommes suspects rôder près du bâtiment. Son expérience lui fait vite comprendre qu’il se trame quelque chose, mais à peine l’enfant sorte-t-elle du bâtiment, qu’une fusillade brise la quiétude du quartier. John, touché, assiste impuissant à l’enlèvement de l’enfant avant de s’évanouir.

Lorsqu’il reprend conscience sur son lit d’hôpital, il apprend que Pita a été tuée par ses ravisseurs.

 

John n’a plus qu’un objectif : la venger.

1980, le roman L’Homme de feu et Tony SCOTT se croisent. Les droits possédés par Arnon MILCHAN, Tony SCOTT a l’opportunité de mettre en scène le roman, mais le projet traine en longueur, et SCOTT décide d’abandonner celui-ci pour s’investir dans TOP GUN. Quelques décennies plus tard, Arnon MILCHAN est devant sa télé et tombe sur l’adaptation du roman qu’il a fini par concrétiser en 1987 avec Elie CHOURAKI – le film comme le roman se passe en Sicile. Il décroche son téléphone et appelle Tony SCOTT pour lui rappeler qu’il détient toujours les droits du roman et que, s’il le souhaite, il peut le mettre en scène.

Ce dernier accepte.

 

C’est en discutant avec Denzel WASHINGTON, qu’il n’avait plus revu depuis CRIMESON TIDE (USS ALABAMA), croisé chez son acupuncteur qu’il lui propose le rôle de John W. Creasy. Christopher WALKEN prend le rôle destiné à l’origine à Marlon BRANDO, à sa demande, lassé de toujours jouer les salauds, alors que Tony SCOTT lui proposait le rôle de Jordan KALFUS, tenu par Mickey ROURKE. Dakota FLAMMING est une révélation : on ne pourrait imaginer meilleure actrice pour tenir ce rôle de petite fille trop mûre pour son âge, en quête de figure paternelle. La complicité entre les deux acteurs est si forte qu’elle ne laisse aucune place à la moindre maladresse ou caricature. On est pris par cette relation interdépendante, où l’un retrouve goût à la vie, et l’autre une joie d’être une gamine de son âge dans un monde constamment menaçant.

La mise en scène de Tony SCOTT évolue encore, frôle parfois le tableau surexposé et coloré, comme pour faire ressentir l’émotion des acteurs par le biais de la colorimétrie, tandis que nous avons toujours droit à des mouvements amples de caméra, aérien ou panoramique, dans un montage fluide et rythmé.

 

Il est fait notion de sacrifice et rétrospectivement, on peut y voir comme une forme de pacte secret entre Denzel WASHINGTON qui deviendra son acteur fétiche, son alter égo, jusqu’à son dernier film. Une mort sacrificielle pour la survie d’une belle âme, d’un homme qui a tout vécu, comme le pire mais aussi désormais le meilleur grâce à cet enfant, et peut désormais quitter ce monde.

MAN ON FIRE n’aura pas un bel accueil du côté des critiques. Certains sites de cinéma actuels, qui encensent pourtant le défunt réalisateur et ce film particulièrement (qui après avoir vécu un certain succès en DVD vient d’être remis au goût du jour récemment sur Netflix au point que la plateforme travaille actuellement sur l’adaptation en série), l’avait sévèrement jugé à l’époque de sa sortie, considérant ce long métrage fatiguant dans son montage et ses jump-cut, et vide dans le fond. Fort heureusement, le public sera lui au rendez-vous.

MAN ON FIRE est une œuvre chargée d’émotion, sombre, quelque peu nihiliste. Certainement en avance sur son époque d’un point de vue mise en scène et montage. Ce qui semble au premier regard lisse ou sans aspérité, se retrouve au contraire dans la forme. On sent bien que c’est un film important dans la carrière de Tony SCOTT : il pousse peu à peu l’expérimentation, se détache de certaines contraintes pour tendre vers une certaine forme d’expérience plus sensorielle, sans que cela entame la compréhension de la narration, bien au contraire… une quête d’un juste équilibre probablement inspiré par sa fibre d’artiste. Tony SCOTT à travers ce long métrage, s’émancipe de l’image de simple réalisateur de film d’action et de polar hard-boiled, pour tendre vers l’expérimentation visuelle.

DOMINO – ROYAUME UNI, USA, FRANCE/2005/Couleur/ 127 mn

Domino Harvey (Keira KNIGHTLEY), n’est pas une jeune femme comme les autres. Face à la psychologue du FBI Taryn MILLS (Lucy LIU), elle raconte son parcours de sa jeune vie où comment une jeune femme de bonne famille hollywoodienne, d’un père acteur et d’une mère mannequin, mannequin elle-même, se retrouve chasseuse de prime et mêlée à une sale affaire impliquant mafia, garant de cautions, boss d’un des plus gros casinos de Las Vegas et des salariés du service d’immatriculation.

Domino

Tony SCOTT pousse plus encore les curseurs et offre au spectateur, une expérience sensorielle éblouissante, à la colorimétrie vive et contrastée. Les images peuvent se fondre, se superposer comme elle peuvent vibrer ou barrer par des mots lâchée par une voix off, celle de cette jeune femme atypique, issue d’une classe hollywoodienne blasée, en quête de piment dans son existence, mais aussi peut-être d’une sorte de relation vraie. Car au sein de cette équipe de chasseur de prime, emporté par un Ed Moseby (Mickey ROURKE, impeccable), Alf et Choco (Edgar RAMIREZ) avec qui elle entretiendra une relation amoureuse, elle retrouve ce qu’elle n’a peut-être jamais eu la chance de rencontrer dans sa courte existence : un lien fort, où l’on donnerait presque sa vie pour préserver l’autre. En leur compagnie, elle n’est plus la fille de, et encore moins ce mannequin qui malgré le fait qu’elle n’ait que la peau sur les os, sert de chair à canon pour la mode et sa superficialité abyssale. Peut-être que si elle avait été issu d’un autre milieu social, se serait-elle engagée dans l’armée… qui sait…

DOMINO, n’est pas un simple biopic, déstructuré et aux images éblouissantes, voguant tout autant dans entre souvenirs subjectifs et bon et mauvais trip, dédiées à cette jeune femme qui mourra avant sa sortie en salle, c'est aussi une critique acerbe de ce monde qui alimente nos rêves : Domino et ses collègues sont approchée par une boite de production de téléréalité pour les suivre au quotidien car Mark Heiss (Christopher WALKEN) sent bien le filon, en suivant ses chasseurs de primes, l’audimat toujours à l’affût de sensations fortes confortablement installé dans son canapé, sera au rendez-vous.

Mais l’émission ne pouvant être porter sur les épaules de cette équipe de mercenaires de la justice, deux acteurs has been de série télé les suivront dans leur mission : Brian Austin GREEN et Ian ZIËRING (stars de la série Beverly Hills 90210, jouant ici leur propre rôle), deux beaux gosses en quête de gloire perdue.

DOMINO, est un comme un grand fuck à l’univers d’Hollywood et l’Amérique, évoque d’un certain côté NATURAL BORN KILLER (TUEURS NES) d’Oliver STONE issu d’un scénario de Quentin TARANTINO, dans son humour noir et l’esprit critique de cette société du spectacle dans lequel patauge les Etats Unis où tout est bon pour faire le show…

On sent que Tony SCOTT se fait plaisir dans la mise en scène, sur ce scénario fait et refait par différente main, et dont l’essence juste a été figé par Richard KELLY (réalisateur de DONNIE DARKO et SOUTHLAND TALES).

 

Sûrement son projet le plus personnelle, puisqu’il a bien connu cette fameuse Domino Harvey, qui mourra d’une overdose peu de temps avant la sortie du film… Bien qu’envouté par le script de Richard KELLY, Tony SCOTT avouera avoir foiré le film pour avoir touché de trop prêt, la folie du monde qu’il touchait… Les critiques n’aideront pas à lui donner un autre avis : le film reçoit des mauvaises critiques et pourtant, pour notre part, c’est sûrement l’un de ses meilleurs longs métrages de sa filmographie…

 

Peut-être, DOMINO, avait quelques années d’avance sur son temps, et il est à parier que, comme pour MAN ON FIRE, ses visionnages se cumulent au fil de ses mises en ligne sur les différentes plateformes de streaming en quête de contenu et devienne culte avec le temps.

DEJA VU – USA, ROYAUME UNI/2006/Couleur/ 126 mn

C’est une journée spéciale à la Nouvelle Orléans : la ville se prépare au Mardi Gras. Les fanfares et les habitants remplissent les rues, certains mêmes s’en vont prendre le ferry accosté aux docks d’Algiers. Alors que les militaires de la Navy et leurs familles se retrouvent sur le bateau et que celui-ci largue les amarres pour se diriger vers le lieu des festivités, le navire explose dans une boule de feu et coule, emportant avec lui 543 personnes.

L’agent Doug Carlin (Denzel WASHINGTON) de l’ATF (Agence fédérale ayant pour mission de contrôler l’alcool, le tabac, les armes et les explosifs) est envoyé sur le terrain et très vite, comprend que ce n’est pas un simple accident, mais un attentat meurtrier. Il expose sa théorie à l’agent Paul Pryzwarra (Val KILMER), l’agent du FBI qui suit l’enquête. Sa mission pourrait s’arrêter là, mais à peine arrivé au bureau, il est informé de la découverte d’un nouveau corps, celui d’une jeune femme qui pourrait être une autre victime de l’attentat sur le ferry : le problème c’est qu’elle a été retrouvée avant l’explosion. Aurait-on voulu faire croire que cette jeune femme, Claire Kuchever, serait une des victimes. Aurait-elle un lien avec l’attentat ? Et qu’est-il arrivé à son collègue Larry Minuti, injoignable depuis la catastrophe ?

Déjà Vu

Paul Pryzwarra repère les qualités d’enquêteur de Doug Carlin, et lui propose d’intégrer une équipe gouvernementale nouvellement constituée, utilisant une technologie unique et révolutionnaire. Pour la première fois, on lui accorde d’enquêter sur une affaire.

Doug découvre cette nouvelle technologie, celle de pouvoir revoir le passé sur une zone précise géographique, une scène que l’on ne peut voir qu’une fois, s’étant déroulé 4 jours, 6 heures, 3 minutes et 45 secondes auparavant.

Doug est d’abord dubitatif, et nous aussi. Le concept a du mal à tenir totalement comme si notre suspension de crédulité était trop rigide pour assimiler complètement les explications scientifiques, mais celles-ci mise de côtés, elles donnent lieu à des scènes très originale comme une poursuite dans deux périodes temporelles, où le héros poursuit dans le présent, le jour, une voiture fuyant la nuit, 4 jours plutôt.

 

Tony SCOTT qui s’adonne pour la première fois à la Sciences Fictions, revient à une forme moins déstructurée et à la colorimétrie moins saturée, les couleurs sont même plus ternes… La Louisiane souffre encore de ses plaies béantes laissées par le passage de Katrina (le film d’ailleurs a manqué de ne pas se faire à cause de cette catastrophe), ce qui donne un certain cachet au long métrage, la ville étant peut-être pour la première fois d’une histoire futuriste (même si ce futur reste tout de même très contemporain).

 

Bien que supervisé par un physicien spécialiste de la théorie des cordes, on a du mal à accrocher au concept, plus encore quand il est possible d’envoyer de la matière dans le passé (papier avec une information qui est destiné au héros du passé, transfert du héros envoyé 4 jours plutôt). Tout est une question de présentation de la technologie (certains films ne rentre pas autant dans le détail et les spectateurs adhèrent comme pour TERMINATOR). D’ailleurs, il y a une scène amusante malgré elle lorsque Colin est très dubitatif sur la présentation qu’on lui fait de cette technologie : il en rit un peu tellement cela semble fumeux. Mais passé ce détail, le film se rattrape sur cette histoire d’amour désespérée, où un homme du futur se laisse séduire par une femme du passé qui, au moment où il la découvre, est morte. L’histoire donne lieu à quelques paradoxes et explications de pistes qui, au début du film, semblaient être des impasses…

Mais le plus perturbant dans DEJA VU, est peut-être ce final où le héros se sacrifie dans une noyade, pour laisser sa représentation du passé découvrir cette jeune femme qui échappera à la mort. Rétrospectivement, cela ne peut que faire échos avec cette chute du pont Vincent Thomas d’où Tony SCOTT mit fin à ses jours.

THE TAKING OF PELHAM 1 2 3 (L’ATTAQUE DU TRAIN 123) – USA, ROYAUME UNI/2009/Couleur/ 105 mn

Salarié depuis de longues années à la Metropolitan Transportation Authority, Walter Garber (Denzel WASHINGTON) a tout du salarié modèle et pourtant, il est rétrogradé depuis quelques temps pour des soupçons de pot de vin avec une compagnie japonaise et tient désormais le poste de d’aiguilleur. Quotidiennement, il essaie de se tenir à son poste, évitant les excès d’autorité de son chef de service trop content d’avoir récupéré son poste. Ses journées consistent à suivre sur l’écran géant de la Metropolitan Transportation Authority les rames suivant leurs trajets, transportant la population New Yorkaise de leur domicile à leur lieu de travail et de plaisir.

Une journée banale se termine donc, mais alors qu’il s’apprête à quitter son poste il découvre sur l’écran géant un problème avec la Pelham 123, qui s’est immobilisée entre deux stations. Loin d’imaginer qu’une prise d’otage s’y tient au même moment, et que les criminels, dirigés par un certain Ryder (John TRAVOLTA), demandent une rançon à la Mairie de New York pour qu’ils libèrent les otages. Et, comme pour prouver leurs sérieux, ces derniers n’hésitent pas à exécuter un otage.

 

Le temps donc, est précieux.

Pelham 1 2 3

Sur le moment, on ne pourrait rien attendre de ce remake qui tombe comme un cheveu dans la soupe. Et pourtant, sans la moindre prétention, on se laisse happer par ce détournement de métro, absorbé par le bras de fer entre deux hommes que tout semble opposer, mais qui pourtant, trouves-en l’un et l’autre, une forme d’écho… un peu comme Tony SCOTT avec son acteur fétiche, Denzel WASHINGTON. John TRAVOLTA, conseillé par Denzel WASHINGTON, se fait plaisir dans le rôle de ce preneur d’otage misanthrope, capable d’abattre froidement des otages comme capable de ressentir une forme de compassion pour ce salarié, Monsieur Tout le monde incarné par Denzel WASHINGTON, pris dans cette enquête interne qui risque à tout moment de foutre en l’air sa carrière et qui pourtant, s’investi dans leur relation par téléphone pour temporiser les agacements des preneurs d’otage. Denzel WASHINGTON se fait plaisir dans le rôle de ce Monsieur Tout le Monde, qui laisse paraître un certain charisme dans la prise sincère de ses fonctions, un être normal, rare dans ce type de cinéma d’action qui aime toujours mettre en avant une forme de sur humanité face à l’hyper violence : ici c’est juste un homme humble qui a peut-être cédé un peu trop facilement devant un pot de vin...

Tony SCOTT se lance aussi un défi, une partie de film étant la confrontation de deux hommes qui ne communique que par téléphone, l’un assis derrière son bureau, l’autre dans la cabine d’une rame, il réussit à y apporter une dynamique qui accentue à la tension. Le tournage, qui se déroula dans le métro aura duré 4 semaines et reste à ce jour le plus long effectué dans le métro new-yorkais.

Il y a aussi un peu d’ironie et de cynisme dans le long métrage, Ryder incarnant un ancien trader désabusé, la police manquant d’efficacité (tant dans la négociation que dans un simple transfert de fond), un maire un peu trop proche de ses élus, qui à l’approche des élections, prends le métro pour se mélanger à ces électeurs potentiels.

UNSTOPPABLE – USA /2010/Couleur/ 98 mn

Tout commence par une erreur humaine, une stupidité que l’on doit trop souvent à l’habitude qui érode l’attention. Une erreur d’aiguillage oblige un ingénieur à sauter du train AWVR 777 pour remettre la voie dans la bonne direction, mais au lieu de ralentir la machine, il l’accélère, si bien qu’il ne peut remonter dans la cabine tant la locomotive prend de la vitesse après qu’il a actionné l’aiguillage comme il faut.

Entre temps, Franck Barnes (Denzel WASHINGTON), conducteur de train proche de la retraite, découvre son nouveau collègue, Will Colson (Chris PINE), chef de train. L’un expérimenté au fil du temps et des kilomètres parcourus, l’autre obtenant peut-être trop rapidement son poste, préoccupé par l’ordonnance restrictive qu’il a reçu à la suite d’une dispute avec son épouse. Franck Barnes n’est pas dupe, ce jeune homme pas très concentré dans ce qu’il fait pourrait reprendre en main son métier à son départ, et probable que la compagnie ferroviaire ambitionne de faire quelques économies en demandant aux nouvelles générations de Chef de train d’assurer aussi le poste de conducteur. N’est-on pas aux Etats Unis, la Mecque du libéralisme, où tout est bon pour gagner un peu plus que l’année d’avant ?

Unstoppable

D’ailleurs, n’est-ce pas ce qui préoccupe avant toute chose Oscar Galvin (Kevin DUNN), vice-président de la compagnie AWR, lorsque Connie Hooper (Rosario DAWSON) la cheffe de triage lui conseille de faire dérailler cette bombe sur rail transportant dans ses wagons du phénol fondu hautement toxique et inflammable, dans une zone agricole, plutôt qu’il ne déraille sur le viaduc de la ville Stanton au milliers d’habitants, qu’il refuse son idée en se souciant plus du coût que cela pourrait produire à la compagnie, ce qui ne fait qu’aggraver la situation ?

 

Souvent, la solution vient du terrain : informé de la situation et étant sur la même ligne, se propose de rattraper le train et d’investir la cabine du train en queue de wagon pour freiner ce monstre fou.

Le long métrage s’inspire d’une histoire vraie : Le 15 mai 2001, le train CSX 8888 surnommé « Crazy Eight » par les médias, roulera sur les rails de l’Ohio sur 106 km, sans chauffeur à bord, avec dans ses wagon un produit toxique et inflammable dans ses wagons citernes.

Tony SCOTT, fuyant la possibilité des effets spécieux numériques, veut réaliser un film physique et cinétique, dans un panel de couleurs tout aussi luxuriantes qu’automnales, comme si cette mélancolie colorimétrique s’inspirait de ce qu’il le travaillait. Il s’éclate avec ce train qu’il filme à travers de nombreuses caméra, roulant à vive allure, suivi par différents hélicoptères et véhicules aménagés spécialement pour le tournage. Il suit l’action, tant mécanique que celles de ces deux anti-héros du quotidien, que la situation expose subitement aux yeux du monde, avec l’espoir en surface qu’ils réussissent leur opération de sauvetage, mais secrètement, probablement, le spectateur derrière son écran espère assister à la catastrophe en direct, comme un public assistant au spectacle d’un funambule : est-ce vraiment le souhait que le funambule atteigne le bout du fil dans des exclamations de stupeur ou de frayeur qui forge leur attention, et non pas plutôt le désir secret qu’il chute devant leurs yeux ébahis ?

A tombeau ouvert, le monstre mécanique aux couleurs vives traverse la campagne américaine, tandis que deux hommes – vulgaires fourmis résistants à la vitesse et surmontant la peur – s’échinent à rejoindre la cabine pour contenir cette fureur folle et destructrice. L’amateur de sport extrême se fait plaisir avec ces jouets mécaniques et l’effleurement du danger, au point de communiquer sa joie enivrée d’adrénaline à ses acteurs. UNSTOPPABLE a quelque chose de Michael BAY, la cocaïne en moins : la mise en scène est plus maîtrisée, et se fond avec l’enjeu humain (l’arrêt du train, la réconciliation de Will Colson et de sa femme, le retour à la maison, indemne, de Franck Barnes où il trouvera une retraite méritée auprès de ses filles).

Cela sera le dernier long métrage de Tony SCOTT : critiques positives, succès au box-office, il sera le dernier leg d’un homme discret et qui pourtant, est toujours resté fidèle et honnête avec son art. A sa manière, bien plus qu’on ne croit, il laissera sa marque dans cette longue histoire de cinéma. Sa cinétique, son nez pour le talent (Tom CRUISE, Brad PITT, Quentin TARANTINO, Denzel WASHINGTON, seraient-ils ce qu’ils sont, sans lui ?), son rapport avec une action poussant toujours un peu plus loin les limites du sensoriels… Et ce, sous l’ombre d’un frère tout aussi talentueux.

Réalisateur discret, il aura su inspirer le temps d’un projet, les plus grandes stars de sa génération (David BOWIE, Catherine DENEUVE, Tom CRUISE, Val KILMER, Eddie MURPHY, Kevin COSTNER (REVENGE – 1990), Bruce WILLIS, Christopher WALKEN, Dennis HOPPER, Gary OLDMAN, Samuel L JACKSON, Gene HACKMAN, Robert de NIRO et Wesley SNIPES (THE FAN – 1996), Robert REDFORD, Will SMITH, Mickey ROORKE.

 

Surtout, il aura été un des rares réalisateurs à donner le rôle principal à des acteur afro-américain

19 avril 2012, un homme s’envole, quelques instants, quelques secondes, sous les objectifs de quelques téléphones portables qui immortalisent la scène, avant que son corps ne soit appelé vers les flots de Los Angeles Harbor. Qu’a-eut Tony SCOTT en tête dans sa chute : la motivation qu’il lui a fait franchir le pas fatidique et sans retour ? Une pensée pour ses enfants, son épouse : certainement. Avec en fond peut être, l’écho du dernier échange téléphonique avec son frère, Ridley, qui l’exhortait à se plonger dans un nouveau projet, pour oublier le Crabe Noir qui le rongeait de l’intérieur, avant qu’il ne se jette du pont.

Ce jour-là, une étoile s’est éteinte à Hollywood en laissant une place vide dans le cœur de beaucoup, tandis qu’une nouvelle s’en alla rejoindre le firmament.

TOP GUN : MAVERICK de Joseph KOSINSKI – USA/2022/Couleur/ 131 mn

Au son du générique de Top Gun devenu depuis une forme d’hymne à l’héroïsme outrancier, « You’ve been called back to Top Gun », tandis que des silhouettes de chiens jaunes sur un fond crépusculaire dans leur danse mystérieuse, charment les décollages et des avions de chasses sur les plateformes d’un porte avion, tandis que s’égrènent les noms des acteurs dans une typo identiques au premier volet, on ne peut qu’appréhender l’esprit du long métrage qui sera une nouvelle fois, une forme de remake respectant si religieusement la forme et le fond, qu’on se demandera sûrement au fil de la projection la raison de ce nouvel opus, si ce n’est d’avoir été motivé par le cynisme de remettre une couche de peinture sur tous les mythes du cinéma, sans oser prendre de risque. Mais comme pour nous détromper avec une certaine malice, nous retrouvons Maverick (Tom CRUISE, toujours porté par cette énergie unique, presque inquiétante, portant cette volonté de surpassement dont on ne sait si celle-ci est motivée par son besoin de montrer que malgré son âge, il mérite toujours sa place sur le trône des acteurs de films d’action, si, d’une certaine manière, il tient à démontrer qu’un acteur peut toujours surmonter les limites de la physique plutôt que de céder aux sirènes du numériques, ou, pire, du fait de sa position au sein de l’Eglise de la scientologie qui, très certainement, lui accordera une place dans sa mythologie douteuse de surhomme messianique, veut confimer son image d'élu) astiquant rêveur les carlingues de ses souvenirs jusqu’à ce qu’il soit appelé à la base aérienne où il est pilote d’essai.

 

Car Maverick n’a pas souhaité accepter les promotions auxquelles il aurait pu prétendre, tant sa soif de voler est si viscéralement ancré en lui. Aujourd’hui, il est missionné pour pousser jusqu’à ces limites, l’avion expérimental Darkstar, projet menacé par le département de la défense qui préfère investir dans les drones plutôt que dans ce type d’avion supersonique extrêmement coûteux. Outrepassant les ordres de l’amiral Cain, en charge de ce projet, Mavercik accepte un dernier vol où le Mach 10 sera franchi avec le souhaite de laisser une trace dans les cieux bien plus durable que la griffure d’un nuage laissé par un avion. Mais son obstination fera exploser en vol Darkstar. S’étant éjecté avant l’explosion, Maverick ne retrouve au sol que les miettes de ses ambitions. Interdit de vol, il lui sera impossible de trouver cette ivresse qu’il ne trouvait que dans le ciel.

Top Gun : Maverick

Mais Maverick est convoqué quelques jours plus tard à la base aéronavale de North Island, où on lui propose d’entrainer de jeunes pilotes pour une mission que l’on pourrait juger suicidaire : tout refus le condamnant à ne plus pouvoir piloter. Un dilemme qui serait moins dure à surmonter si, parmi les recrues, il n’y avait pas Bradley « Rooster » Bradshaw (Miles TELLER), fils de son ancien navigateur qui perdit la vie à cause de son intrépidité, et dont il s’est promis de toujours protéger. Car, malgré ses déboires, une personnalité haut placé garde espoir en lui et le protège d’une hiérarchie toujours soucieuse d’exclure les tempéraments mettant à mal l’autorité, Tom « Iceman » Kazansky (Val KILMER qui porte là son dernier grand rôle). Maverick accepte, par amitié, parce qu’il ne peut considérer être interdit de vol – autant arracher des plumes à un aigle – et parce qu’il se dit qu’il pourra toujours garder un œil sur le fils de Nick « Goose » Bradshaw et peut être, comme il a déjà fait, l’exclure de la liste.

Autant TOP GUN, assumait son côté « Let’s make America great again » reaganien, TOP GUN : MAVERICK est aussi un film de son temps, même si certains public, jeune, reproche au long métrage d’être un hymne au « boomer » – concept récent des réseaux sociaux stigmatisant toutes personnes ayant plus de 35 ans, qui a depuis imprégné la réalité sociale : l’expérience ne se gagnerait qu’à la sortie des écoles et non au fil des erreurs et des réussites d’une existence. Oui, d’une certaine manière, TOP GUN : MAVERICK est un film de « boomer » : Maverick se doit, bien qu’il soit dans une organisation extrêmement hiérarchisée, de faire ses preuves et de gagner la confiance de ces jeunes soldats qui n’ont que pour expérience quelques vols (puisqu’en soit, les attaques aériennes ne se font que par drône ou en bombardant des populations à terre disposant tout au plus de lance-roquettes).

L’homme ne se distingue de moins en moins de l’animal malgré son évolution civilisationnelle et ses progrès technologiques : Maverick gagnera le respect lors des mises en situations de vol tel un mammifère alpha rappelle au nouveau mâle intrépide qui rêve de prendre sa place. Mais c’est aussi un film qui en dit long sur la maturité qui semble toujours ancré à l’adolescence : les personnages incarnés par Tom CRUISE et Jennifer CONNELY (Penny Benjamin) semble se comporter comme des jeunes adultes dont la fille de cette dernière serait le chaperon. Mais TOP GUN : MAVERICK n’a pas la prétention d’être un portrait d’une Amérique, berceau de notre civilisation mère. C’est avant tout une expérience visuelle qui ne peut qu’être vécu devant un grand écran.

Le rêve de Tony SCOTT avait été de retranscrire au possible la réalité des pilotes en plein vol et combat aérien. TOP GUN avait tenté de s’en approcher le plus possible, avec les moyens technologiques de l’époque et certainement, avant son suicide, Tony SCOTT aurait atteint ce niveau de perfection que l’on ressent durant la projection. Celui-ci s’en était expliqué au temps où il travaillait sur ce nouveau projet « Ce monde me fascine, parce qu'il est si différent de ce qu'il était initialement. Mais je ne veux pas faire un remake. Je ne veux pas faire une réinvention. Je veux faire un nouveau film ».

 

Joseph KOSINSKI et Tom CRUISE ont respecté cette volonté. L’investissement de Tom CRUISE qui doit être le cauchemar de toutes compagnies d’assurance, aide beaucoup à l’impact du film dans les scènes de vols : on sent les corps à la limite de leur résistance, écrasé par cette force G intangible, au point que l’on aurait mal pour eux. Car on sent bien que Tom CRUISE sacrifie son corps en subissant lui-même ces contraintes (même si je doute qu’il pilote l’avion lui-même). Les scènes sont si immersives que l’on ressent dans le public cette tension rarement ressenti de nos jours en salle, malgré la profusion de film d’action produit à la chaîne, bâclé, répliqué, sans la moindre essence ou grain de folie qui nous pousse, nous public, à franchir le seuil de l’incrédulité et qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes. TOP GUN : MAVERICK, au-delà de son discours sur l’abnégation et l’héroïsme, est à voir comme un bel hommage. Celui d’un réalisateur mort trop tôt dont le film est dédié, et qui, bien que tourné par un réalisateur qui n’est pas à son coup d’essai, respecte l’âme de la première œuvre et l’élan artistique du précédent réalisateur. Mais c’est aussi un bel « adieu » pour un acteur qui nous quittera dans peu de temps, rongé par la maladie, et qui peut être aura déjà rejoint les cieux des grandes stars du cinéma : Val KILMER dont la présence suffit à émouvoir. Sa présence vaut toutes les scènes d’actions : quand un homme surmonte le mal qui le pousse peu à peu vers l’abime pour une dernière scène, comme un adieu au public ayant fait de lui ce qu’il est.

TOP GUN : MAVERICK est une sacrée surprise donc, et pas étonnant si l’inertie que couve le long métrage déborde sur la réalité, en ces temps dénués d’espoir où l’héroïsme n’est que grotesques. Pour preuve, à l’heure où ces mots s’écrivent, le long métrage dépasse le box-office de TITANIC. Un bel exploit en ce temps où même le septième art est menacé au point qu’il en risque de disparaitre.

Joseph KONSISKI renouvelera l'expérience en 2025, en faisant un remake qui ne dit pas son nom de DAYS OF THUNDER, en tournant F1 avec Brad PITT, qui, malgré un scénario assez banale, offre  une immersion plus folle encore que celle proposée par Tony SCOTT.

Preuve que Tony SCOTT inspirera encore des générations...

Cet article doit beaucoup à l'ouvrage Tony Scott on Fire de Charlotte LARGERON, aux éditions ROUGE PROFOND

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